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Une ode à la joie (presque) surnaturelle

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Publié le

2 mars 2020

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Sous la direction d’Andris Nelsons, le 29 février dernier, l’Orchestre Philharmonique de Vienne a offert au public parisien une interprétation mémorable des Huitième et Neuvième symphonies de Beethoven, au terme de sa tournée parisienne. La musique à son sommet.

 

Nul n’est impeccable, mais après une performance avec une ou deux fautes vénielles, on finit par croire possible la perfection. Le dernier des quatre concerts que le Philharmonique de Vienne est venu donner à Paris la semaine dernière, fait partie de ces soirées qui restent gravées dans votre mémoire. Pour comprendre la portée de l’événement, il fallait voir, samedi soir, l’excitation du public qui a rempli le Théâtre des Champs-Élysées.

Enthousiaste ou nostalgique, personne n’a pu freiner l’impression d’une soirée mémorable.

Ceux qui ont connu, ici-même, la précédente intégrale des symphonies de Beethoven par le même orchestre sous la baguette de Christian Thielemann en 2010, se perdent déjà dans les souvenirs comparatifs. Enthousiaste ou nostalgique, personne n’a pu freiner l’impression d’une soirée mémorable. Pour la cohésion de l’ensemble, surtout. On croirait que cette formation compte les mêmes musiciens depuis sa naissance en 1842 par volonté d’Otto Nicolai. Pour doter la capitale de l’Empire d’un orchestre professionnel dans le répertoire symphonique, ce chef et compositeur forma, de l’orchestre de l’Opéra, les Wiener Philharmoniker, qui au fil des décennies ont bâti leur réputation de phalange exceptionnelle.

 

Corps d’élite impérial 

 

Les mêmes depuis presque deux siècles ? Pas complètement faux, si l’on songe à l’importance de la transmission que ces musiciens hors-pair, soumis à une sélection des plus rigoureuses, entretiennent au sein de la formation. Transmission d’un savoir-faire, d’une manière de jouer, de ce que l’on appelle le « style viennois ». Un mélange unique d’élégance et de clarté, la transparence du son alliée à la souplesse du chant. Pas la moindre attitude démonstrative, le vibrato des cordes est toujours contrôlé ; plutôt la rhétorique subtile de la limpidité, et une souplesse qui tempère tout excès de rigueur métronomique.

Voici incarné en musique l’idéal du leadership : exalter le talent des membres et s’appuyer sur l’héritage qu’ils ont reçu. 

Le Philharmonique de Vienne reste en premier lieu un orchestre d’opéra, avec pas moins de trois cents levers de rideau par saison. Les Wiener sont un organisme vivant dont une âme ancienne et invisible ne cesse de régler les organes, mieux que n’importe quel chef d’orchestre. La baguette ici doit négocier sa volonté, la plier avec confiance à l’âme de la phalange. Voici incarné en musique l’idéal du leadership : exalter le talent des membres et s’appuyer sur l’héritage qu’ils ont reçu, pour diriger l’équipe vers l’accomplissement d’une vision.

 

La vision énergique de Nelsons

 

Cette vision, c’est celle d’Andris Nelsons, le plus jeune chef de l’histoire de la formation viennoise, et elle rime avec énergie. Le Beethoven de ce « Prométhée généreux et empathique », selon les mots du critique Rémy Louis, est une accumulation de nuages que percent quelques éclairs d’une désolation infinie. Plutôt qu’architecte de la grande forme beethovenienne, Andris Nelsons est un sculpteur à fleur de peau, qui accumule les tensions jusqu’au paroxysme pour tomber parfois, l’espace d’un instant, au creux d’un extrême dépouillement, comme si un regard furtif avait surpris le titan au beau milieu de ses épreuves. On pourrait prendre ces fêlures pour des défauts, des pauses trop nettes dans le discours musical, des chutes vertigineuses et incontrôlées. On est certes loin de l’héroïsme tout d’un bloc de certaines interprétations idolâtrées, qui ont marqué l’histoire des Wiener : le son sculpté de Furtwängler, la respiration héroïque de Böhm, et plus récemment la force tranquille de Thielemann.

 

Lire aussi : Station Opéra : Faste perdu 

 

Apothéose 

 

Dans la première partie, c’est à la Huitième symphonie d’apporter le soleil : traversée d’un sourire lumineux, mais palpitante comme l’annonce d’une secousse, quelque chose entre l’angoisse et la provocation. Cela pétille, à l’entracte. Après, c’est l’apothéose. Et ce ne sera ni telle instabilité des cors, révélée par l’acoustique impitoyable du TCE, ni tel passage à la limite du prosaïque, à réduire l’impact de ce monument qu’est la Neuvième. Un crescendo prodigieux à la fin du premier mouvement, une énergie contagieuse tout au long du deuxième, et durant le troisième, une transparence éloquente qui vous fait fondre.

L’ovation finale a le ton des grands soirs où la gratitude l’emporte sur la nostalgie.

Le majestueux mouvement finale, avec son « Ode à la joie », fait triompher, derrière l’orchestre en son entier, le magnifique Chœur de Radio France, et les quatre solistes qui se partagent les vers de Schiller : le soprano lumineux mais un peu en retrait d’Annette Dasch, le mezzo corsé de Herhild Romberger, le ténor sensible et vaillant de Klaus Florian Vogt, et la basse envoûtante de Günther Groissböck. L’ovation finale a le ton des grands soirs où la gratitude l’emporte sur la nostalgie. Inutile de rêver du passé quand on peut pressentir, pour le dire avec Schiller, « le Créateur qui habite au-dessus des étoiles ».

Pour écouter le Philharmonique de Vienne dirigé par Andris Nelsons dans les neuf symphonies de Beethoven, Deutsche Grammophon vient de publier l’intégrale dans un coffret Deluxe en 5CD et un Blu-Ray audio.

Andris Nelsons – Beethoven : The complete symphonies. DG 4837071 (5CD), 58 €.

 

Quelques extraits sont disponibles sur YouTube :

 

 

 

Paolo Kowalski

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