L’ère des pionniers de la culture « Pop » est révolue. Les revivals ne servent donc à rien, pourquoi insister ? D’ailleurs, cet entêtement est criminel : il transforme les avant-gardes d’hier en manufactures à clichés, convertit en entertainment ce qui, en son temps, fut question de vie ou de mort pour quelques visionnaires. Les reviviscences ont souvent pour amorce un succès cinématographique. En 1991, à cause des Doors d’Oliver Stone nous subîmes le retour des sixties ; en 2007, suite à Control d’Anton Corbijn, relatant la vie et l’œuvre de Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, ce fut au tour du post-punk d’être ranimé, et de donner naissance à de nombreux groupes dont bien peu, hélas, furent porteurs d’inédit. Ce genre musical est désormais l’affaire d’élèves appliqués, d’enfants sages incapables d’être tristes, qui jamais ne surent que la cold wave fut une tentative élégante de s’extraire du nihilisme punk, de marier lucidité et semblant d’espérance, de cultiver l’art de n’être dupe de rien, pas même de sa propre pulsion de mort.
Cette formation belge exhume tout vif l’esprit du post-punk, mais le transcende, et ouvre de nouvelles perspectives
Vague froide
Dans ce panorama grisâtre, Whispering sons fait figure avec quelques autres – les Français de Varsovie par exemple – de brillante exception. Cette formation belge exhume tout vif l’esprit du post-punk, mais le transcende, et ouvre de nouvelles perspectives. Première singularité : un son ample et profond qui évoque moins le monde urbain que les grands espaces. Spengler eût qualifié leur musique de « faustienne » : comme certains morceaux des Swans ou le post-rock d’un Labradford, elle offre soudain de larges échappées, dégage des chemins de traverse qui expirent à l’infini. Au beau milieu d’un morceau, l’auditeur a parfois l’impression de survoler, à toute allure et très haute altitude, les Highlands ou l’Atlantique déchaînée. La cold wave de Whispering sons est iodée, venteuse, océanique ; elle enivre davantage qu’une errance éthylique en bord de mer, un premier de l’an au matin. Autre qualité, étonnante vu la jeunesse du groupe : une parfaite maîtrise de soi. L’agressivité, constante, est toujours dominée ; la mélancolie, fiévreuse, reste d’excellente tenue, loin du débraillé Batcave ou des beuglements éperdus d’un Robert Smith.(...)
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