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Zone Critique : « Notre seule chapelle est l’intensité »

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Publié le

13 mai 2024

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Les fondateurs de Zone Critique, la revue la plus glamour et décapante de l’époque, Sébastien Reynaud et Pierre Poligone, nous expliquent comment ils comptent réinventer le rapport à la littérature et à l’image de la génération zombie. Parce que la culture brûle encore.
© Zone Critique

Comment et quand est née Zone Critique ? Quel était votre projet initial ?

Sébastien Reynaud : Zone Critique est née en 2012. À l’origine, il s’agissait d’une revue en ligne littéraire et cinématographique. Notre ambition a toujours été de mêler dans un même geste critique la rigueur de la pensée et l’enthousiasme pour l’art et la culture. Nous essayons de restituer avec le plus de justesse possible le choc émotionnel et esthétique qu’a suscité en nous la rencontre avec les grandes œuvres de notre temps. Notre objectif a toujours été de défendre la création contemporaine à travers des articles incarnés, amoureux et exigeants. En cela, Zone Critique n’a jamais été, et ne sera jamais une revue académique. Nous parlons à partir de l’amour brûlant pour la littérature qui nous anime.


« Zone Critique n’a jamais été, et ne sera jamais une revue académique »

Sébastien Reynaud

Pourquoi avoir choisi de constituer vos numéros autour d’un thème particulier ?

SR : En 2019, nous avons lancé, parallèlement à notre revue en ligne, une revue papier. Notre revue papier se présente comme un objet livre qui fait dialoguer art, photographie et littérature. Chaque numéro papier est thématique car notre ambition est de penser avec rigueur et exigence les grandes lignes de force qui structurent la littérature de notre temps : nous avons ainsi consacré de grands numéros à la crise sociale, à l’aventure, aux secrets de famille, et à la fête.  Néanmoins, notre revue en ligne couvre l’intégralité de l’actualité culturelle et littéraire. À travers de grands dossiers, des enquêtes de terrain, des entretiens et des recensions, nous souhaitons redonner le goût de la lecture au plus large public possible, ce qui veut dire : lui donner accès, à travers des formats à la fois accessibles, exigeants, et percutants, à la richesse de la littérature contemporaine.

Qu’est-ce qui est à l’origine de cette nouvelle version de Zone Critique ?

SR : Depuis la création de la revue en 2012, le numérique a fait irruption dans nos vies, recomposant notre psychisme, notre sensibilité, notre pensée, nos perceptions. Nous avons fait le constat d’un changement profond du rapport à la littérature. À l’heure de l’économie de l’attention, des algorithmes Tinder et Instagram, nous ne lisons plus de la même manière. Notre attention est aujourd’hui plus fragmentée. Ce changement est loin d’être anodin. Il nous a amené à repenser les formats éditoriaux que nous proposons. Ainsi, depuis février 2024, et la nouvelle version de Zone Critique, nous avons fait le choix du format court. Tout en continuant à publier des textes critiques sur notre revue en ligne, tout en continuant à faire le pari de l’exigence intellectuelle, nous proposons également de courts textes de fiction, rédigés par des écrivains contemporains.


« L’enjeu, pour nous, est de faire de Zone Critique un laboratoire d’écriture, où naissent de nouvelles formes et de nouveaux styles d’écriture, capable de saisir la radicalité de notre époque. »

Sébastien Reynaud

Nos lecteurs peuvent ainsi découvrir sur notre revue en ligne des microfictions qui s’emparent des grands enjeux de notre époque : les rencontres virtuelles, les nouvelles modalités amoureuses, le burn out, etc. L’enjeu, pour nous, est de faire de Zone Critique un laboratoire d’écriture, où naissent de nouvelles formes et de nouveaux styles d’écriture, capable de saisir la radicalité de notre époque. L’objectif de cette nouvelle formule est donc d’inventer des formes littéraires et journalistiques adaptées à notre époque, courtes et percutantes, qui puissent saisir immédiatement notre lecteur, le déranger, le faire sortir en quelques minutes de l’hypnose confortable des réseaux sociaux et des séries Netflix.

De réunions physiques en présence d’auteurs jusqu’à des interviews sur Instagram en passant par une revue et une petite maison d’édition, vous cumulez tous les canaux. Pourquoi avoir choisi cette stratégie et comment supervisez-vous l’ensemble ?

SR : Les événements physiques ont en effet une place prépondérante dans notre projet : nous organisons chaque mois des rencontres littéraires qui réunissent un large public. Le fil rouge de ces rencontres est la question du pouvoir de la littérature dans notre société. Nous avons ainsi proposé à des figures aussi diverses que Yannick Haenel, Brigitte Giraud, Mohamed Mbougar Sarr ou encore François Bégaudeau d’intervenir. À travers ces événements, mais aussi à travers l’utilisation de canaux de communication contemporains comme Instagram, nous souhaitons toucher le plus large public possible, c’est-à-dire réaliser notre ambition profonde qui est de fédérer une large communauté de lecteurs, unis par le même désir et le même amour exigeant pour l’art, la culture et la littérature.


© Pierre Poligone et Sébastien Reynaud

Vrilles, votre maison d’édition, propose des textes courts et violents. Est-ce une manière de réinsérer la littérature dans un rythme contemporain ?

Pierre Poligone : L’enjeu de cette collection de livres est de faire émerger de nouvelles voix au sein de la littérature contemporaine à travers un format qui nous semble inédit, à savoir des textes de 30.000 signes publiés une fois par mois et disponibles sur abonnement. Nous voulons publier des grenades, c’est à dire des livres violents et colorés qui interrogent le réel. Ainsi, le premier texte de la collection, Les Petites Lèvres de Victor Dumiot pose frontalement la question du désir et de la quête de sens tandis que Soleil, Cou Coupé de Clémentine Haenel montre la lassitude du vacancier face au tourisme de masse. Nous voulons donner la parole à une nouvelle génération d’écrivains pour montrer une nouvelle fois la pertinence de la littérature aujourd’hui.


« Je crois que les gens ont oublié l’aspect profondément subversif de la littérature, et nous sommes là pour leur rappeler. »

Pierre Poligone

À une époque où l’on se plaint de la chute de la pratique de la lecture dans les nouvelles générations, essayez-vous de proposer un rapport rajeuni à la littérature ?

PP : C’est exactement l’objectif de notre collection – et même de l’ensemble de notre projet. Nous avons pour ambition de transformer l’accès à la culture, de montrer que la littérature a encore son mot à dire. Je crois que les gens ont oublié l’aspect profondément subversif de la littérature, et nous sommes là pour leur rappeler. Les textes de la collection Vrilles assument un côté provocateur. Nous voulons déstabiliser notre lecteur pour lui rappeler la puissance des mots. Par ailleurs, nous proposons des formats courts qui nous semblent plus adaptés à l’époque. Ainsi, nous voulons être une porte d’entrée vers la littérature patrimoniale en proposant des textes courts, exigeants et subversifs. Notre modèle économique s’articule autour de cette idée puisque nous proposons notre collection sous la forme d’un abonnement mensuel. Pour 7 euros par mois – deux fois moins chère qu’un paquet de cigarettes – notre lecteur reçoit chaque mois dans sa boîte aux lettres un texte qu’il pourra lire lors d’un trajet de métro et qui marquera au fer rouge sa journée de travail.

Lire aussi : Éditorial culture de Romaric Sangars : L’arrière-garde est fastidieuse

Après la Fête, quel sera le prochain thème de Zone Critique ? Et votre agenda des prochains mois ?

PP : Nous sommes sur le point de sortir notre prochain numéro sur le Sport. Ce sera un numéro dense et riche qui accorde une grande place à l’image. Nous avons eu la chance de nouer un partenariat avec la galerie de photographie de Jean-Denis Walter, spécialisée dans le sport, et nous avons donc eu accès à des images extraordinaires. Par ailleurs, de nombreux écrivains nous ont adressé des textes saisissants pour évoquer leur rapport au sport. Ce numéro est un peu notre réponse culturelle aux JO. Enfin, nous pouvons déjà vous dire que nous comptons donner la parole aux morts dans notre numéro papier pour la Toussaint !

« Rendre la culture vivante » est votre en-tête. Qu’est-ce qui la tue, aujourd’hui, la culture ?

PP : L’uniformité et l’inaction. Il n’y rien de pire que de lire un livre ou de voir un film et de se dire : « je crois que je l’ai déjà lu ». Nous voulons défendre une forme de radicalité dans la culture, reprendre le cri d’Artaud poussé dans Le Théâtre et son double, et affirmer avec lui que « la vraie culture est un moyen raffiné de comprendre et d’exercer la vie ». En somme, nous sommes ravis de publier des choses disparates, étonnantes et éclatantes. Notre seule chapelle est l’intensité.


Cliquez ici pour accéder au site de Zone Critique.

© Zone Critique

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