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Béatrice Houchard : « Emmanuel Macron a bien intégré les fameux  « deux corps du roi » »

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Publié le

15 décembre 2017

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Houchard

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Béatrice Houchard appartient au cercle restreint des témoins informés des coulisses de la vie publique sous la Vème République. Au cours d’une riche vie professionnelle qui l’aura amenée de la rédaction de La Nouvelle République à L’Opinion en passant par La Vie, Le Parisien et Le Figaro, cette journaliste discrète et estimée par ses pairs a suivi plusieurs campagnes présidentielles, avant d’observer le Front National. Son blog hébergé par le journal L’Opinion (À Front renversé) a notamment été particulièrement consulté durant l’élection présidentielle de 2017. En octobre dernier, Béatrice Houchard nous présentait Le Fait du Prince (Calmann-Lévy), une enquête sur nos monarques républicains. Censés incarner physiquement la France, et le régime qui la sert, nos Présidents n’en sont pas moins des hommes.

 

Vous avez choisi d’intituler votre ouvrage « Le Fait du Prince », en référence à l’œuvre de Machiavel, toujours majeure dans la pensée politique moderne occidentale. Qui serait, selon vous, le plus machiavélien des Présidents de la Vème République ? Le plus machiavélique ?

François Mitterrand était à la fois machiavélien et machiavélique. Il avait sûrement lu Machiavel. Comme Emmanuel Macron, qui y a consacré sa maîtrise de philosophie. Valéry Giscard d’Estaing était un machiavélique assumé. Nicolas Sarkozy et François Hollande faisaient peut-être parfois du Machiavel sans le savoir…

 

Lire aussi : La présidentialité d’Emmanuel Macron

 

L’ère de la transparence, dans laquelle nous sommes entrés, peut-elle réduire les pouvoirs occultes des monarques républicains que sont indubitablement les Présidents de la Vème République telle qu’imaginée par le général de Gaulle ?

Je ne suis pas très fan de la transparence, cette dictature des temps actuels. Cela dit, il est certain que certaines situations seraient impossibles aujourd’hui, à commencer par la double vie de François Mitterrand. Il y aurait des photos sur Twitter, des vidéos… Même l’histoire de Mitterrand envoyant un Falcon chercher des fromages en Charente-Maritime appartient sans doute à un autre monde. Comme l’absence des présidents à certains moments (Chirac la nuit de la mort de Lady Diana ou pendant la canicule de 2003). Mais je suis persuadée que l’exercice du pouvoir à l’ère des réseaux sociaux peut encore préserver bien des secrets.

 

Dans un entretien accordé au 1 L’Hebdo en 2015, Emmanuel Macron déclarait « Il nous manque un roi. (…) Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort ». Est-ce parce qu’il a parfaitement entendu ce grand impensé français qu’Emmanuel Macron l’a emporté ?

Il me semble qu’il a compris la double aspiration des Français, cette grande ambivalence : le désir d’avoir un Président moderne, simple, proche d’eux, mais qui sache « en même temps » ( !) prendre de la hauteur. Les Français se défendent de vouloir un monarque mais, quand le président prétend être « normal » (Hollande mais aussi, d’une certaine manière, Sarkozy), ils le déplorent. Le Président doit dépasser sa propre fonction. La représentation de la France, notamment à l’étranger, reste une exigence forte. Je ne sais pas si cela a aidé Macron à gagner, mais cela a sûrement joué. Il a bien intégré les fameux « deux corps du roi ».

 

De tous les Présidents de la Vème République, qui a le plus abusé des larges pouvoirs que confère la Constitution ? Jacques Chirac ? François Mitterrand ?

Stricto sensu, et heureusement, ils n’ont pas violé la Constitution, même si De Gaulle l’a bousculée en 1962 avec le référendum via l’article 11. Mais ils ont usé et abusé du pouvoir de dire « ce sera comme ça parce que je le veux », en décidant de construire un musée ou un opéra, en nommant des affidés là où ils le souhaitaient, en veillant sur la carrière de leurs fils (pour Giscard et Sarkozy), ou en faisant chercher des pistolets dans un musée de province pour les offrir à Gorbatchev. Le plus étonnant, c’est qu’ils finissent par trouver cela normal. A cette aune, Mitterrand avait mis la barre très haut.

 

Lire aussi : La dernière utopie messianique

 

Nos monarques républicains sont-ils parfois pris au piège de leurs cours, de leurs favoris ou de leurs passions ? Ici, on pensera notamment à François Hollande et à Nicolas Sarkozy, dont les vies amoureuses et amicales ont provoqué de larges remous, et les ont peut-être empêchés d’être réélus.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les vies amoureuses de Sarkozy et Hollande n’ont pas grandi la fonction présidentielle. D’autres causes ont sans doute entraîné la défaite de l’un et le retrait de l’autre. Mais les Français n’avaient sans doute plus envie de confier les rênes du pays à des hommes aussi fragilisés par leurs propres émotions personnelles. A la tête de l’Etat, il faut des présidents qui soient des rocs. Ou du moins qui donnent l’impression de l’être…

 

LE FAIT DU PRINCE

Béatrice Houchard

Ed. Calman Lévy

270 pages

17.50 €

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