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Partout, en Europe et en Occident, on assiste à un moment populiste. Naguère, dans les années 90, la démocratie libérale était incontestée ; elle apparaissait comme le régime le plus vertueux et le plus désirable, celui qui avait résisté à l’épreuve du temps en ayant vaincu le communisme au terme de cinquante ans de guerre froide. Reposant sur le règne du droit et du marché, la démocratie libérale avait une prétention universelle ; dans l’esprit de la classe dominante de l’époque, elle devait progressivement s’imposer à l’ensemble de la planète car elle amènerait avec elle la paix, la prospérité et la fin de l’histoire dont parlait alors Francis Fukuyama.
Fini l’affrontement des nations puisqu’elles seraient régies par les règles universelles du droit et du marché, sous l’autorité bienveillante des institutions internationales. C’est d’ailleurs pour répandre l’idéal démocratique au Moyen-Orient (et s’emparer au passage du pétrole) que l’Amérique a déclaré la guerre à l’Irak. Tous les moyens sont légitimes à partir du moment où l’on promet, au terme du processus, la fin de la dimension tragique de l’Histoire. Comme le soulignait Albert Camus dans L’Homme révolté, « cent années de douleurs sont fugitives au regard de celui qui annonce pour la cent-unième la cité définitive ».
À cette revendication profonde des peuples, souvent exprimée dans les urnes depuis une vingtaine d’années, les élites ont répondu par le déni puis la stigmatisation, psychiatrisant leurs adversaires pour éviter d’avoir à leur répondre.
Mais ce millénarisme mondialiste de la classe dominante s’est heurté, de l’extérieur, aux civilisations qui n’entendent pas être soumises à des valeurs qui ne sont pas les leurs et dont elles contestent l’universalité (l’Islam, la Chine) et de l’intérieur, au désir d’enracinement des peuples occidentaux qui n’entendent pas être broyés dans le grand magma informe du vivre-ensemble consumériste et multiculturaliste, sous l’effet de migrations qui changent le visage de l’Occident. À cette revendication profonde des peuples, souvent exprimée dans les urnes depuis une vingtaine d’années, les élites ont répondu par le déni puis la stigmatisation, psychiatrisant leurs adversaires pour éviter d’avoir à leur répondre. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a pu parler de « lèpre populiste », déniant ainsi toute rationalité à ce mouvement réduit, dans un mélange de condescendance et de mépris, à une vile pathologie.
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S’est alors creusé, partout en Occident, un fossé entre les peuples et leurs élites censées les représenter. Ce qui est en jeu, ce n’est pas l’existence d’une élite mais sa déconnexion totale par rapport aux aspirations populaires. D’où le plébiscite de responsables politiques qui entendent incarner les revendications du peuple contre celles de l’élite : Trump, Orban ou Salvini en sont des exemples, tout comme Maduro ou Mélenchon. En fait, le populisme s’entend de toute doctrine reposant sur la souveraineté absolue du peuple soit pour des raisons morales (le peuple a toujours raison), soit pour des raisons politiques (il faut gouverner pour le plus grand nombre).
Ensuite, le peuple peut s’entendre de l’ethnos, c’est-à-dire le peuple pris dans son homogénéité culturelle, son identité de mœurs et sa cohésion sociale. De fait, les populistes estiment qu’une immigration incontrôlée jointe à un défaut d’assimilation entame la substance même de l’ethnos pour déboucher sur un multiculturalisme dévastateur.
Mais comment définir le peuple ? Dans leur Dictionnaire des populismes, Christophe Boutin, Frédéric Rouvillois et Olivier Dard évoquent trois acceptions qui peuvent se cumuler : le demos, l’ethnos et la plebs. Le demos renvoie au peuple pris dans un sens politique, c’est-à-dire le citoyen qui s’exprime à travers le suffrage universel. De fait, les revendications populistes portent souvent sur la possibilité de contourner la représentation nationale pour s’emparer directement du politique par le biais de la démocratie directe, par exemple en instaurant un referendum d’initiative citoyenne. Ensuite, le peuple peut s’entendre de l’ethnos, c’est-à-dire le peuple pris dans son homogénéité culturelle, son identité de mœurs et sa cohésion sociale. De fait, les populistes estiment qu’une immigration incontrôlée jointe à un défaut d’assimilation entame la substance même de l’ethnos pour déboucher sur un multiculturalisme dévastateur. Enfin, sur le plan économique, le peuple peut concerner la plebs que l’on opposera alors aux possédants. Là encore, l’expérience des Gilets jaunes a mis en lumière des revendications portant sur le pouvoir d’achat et la possibilité de vivre des fruits de son travail.
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Relégation politique, insécurité culturelle et précarité économique sont donc les trois facettes de ces maux populaires que les populistes estiment incarner. Mais, en fonction de l’accent mis sur telle ou telle qualité du peuple, le populisme s’oriente à droite ou à gauche. À gauche, on rejette toute forme d’ethnos : le peuple est une construction sociale fondée, dans l’esprit du contrat social de Rousseau, sur la volonté individuelle, qu’il s’agisse du « plébiscite de tous les jours » d’Ernest Renan ou du « vivre-ensemble » qu’on nous serine aujourd’hui. On pourrait dire du populisme de gauche ce que dit Pierre Manent de la démocratie dans son Cours familier de philosophie politique : « La démocratie, c’est la volontarisation de toutes les relations et de tous les liens » dans une forme d’auto-engendrement permanent.
C’est pourquoi, la solution semble résider dans l’arrimage du conservatisme au populisme dont la synthèse la plus aboutie se trouve être l’illibéralisme de Viktor Orban qui repose sur l’enracinement chrétien au plan culturel, la souveraineté du peuple au plan politique, et un savant mélange d’interventionnisme et de libéralisme au plan économique.
À droite, le populisme repose sur le demos, l’ethnos et la plebs. Il est ainsi une formidable force de réaction mais peine à trouver une traduction gouvernementale crédible, faute de consistance doctrinale. C’est pourquoi, la solution semble résider dans l’arrimage du conservatisme au populisme dont la synthèse la plus aboutie se trouve être l’illibéralisme de Viktor Orban qui repose sur l’enracinement chrétien au plan culturel, la souveraineté du peuple au plan politique, et un savant mélange d’interventionnisme et de libéralisme au plan économique. C’est à cette condition que le populisme pourra structurer durablement les sociétés occidentales et infléchir le cours de l’Histoire.
Benoît Dumoulin
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