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Depuis Le corps politique de Gérard Depardieu de Richard Millet paru en 2014 – un long râle sur le personnage, son époque et sa filmographie –, et l’ouvrage biographique écrit par le frère Alain Depardieu en 2015, Gérard n’avait pas fait l’objet d’un ouvrage sérieux. Pourtant, dans les années 1990 et 2000, on en regorgeait. Il s’est fait une sorte de parenthèse depuis sept ans et, heureusement, Pascal Louvrier nous rassasie avec sa biographie Depardieu mis à nu, paru aux Éditions de l’Archipel.
Rodé aux ouvrages biographiques depuis les années 1980 et journaliste chez Causeur, Louvrier nous brosse le portrait du plus grand acteur français de notre époque d’un trait aisé, poétique, cru, vrai. La plume de l’auteur s’agence, se plie, se colle au personnage. On y découvre des témoignages inédits, nous pensons entre autres à Fanny Ardant et Sylvie Pialat. L’auteur pense aussi à réunir les hommages des seigneurs d’autrefois, dont Montand, Piccoli, Sautet et Truffaut. Mais Louvrier n’analyse pas Depardieu et c’est là son originalité, sa fraîcheur, sa grâce, notre plaisir. Il ne joue pas au psychanalyste, ce qui a été fait et refait.
On veut Depardieu remis à sa place, parmi nous, en France. Il peut habiter en Belgique s’il le veut, c’est son esprit bien français que l’on désire à nouveau dans l’Hexagone [...]
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Tiré à 80000 exemplaires et en tête des ventes dès sa sortie, Guerre, ce « premier jet » d’un roman inédit de Céline retrouvé il y a deux ans dans des circonstances abracadabrantes avec d’autres textes (des correspondances, Londres, La Volonté du Roi Krogold, une nouvelle version de Casse-Pipe), a produit un événement médiatico-littéraire assez typique de la nation française où le statut d’écrivain jouit toujours d’une aura si puissante. Justement, sur ce point, Céline représente un scandale, un genre d’anomalie mythologique, du moins quand on dispose d’une vision du monde binaire, ce qui est le cas de la plupart des intellectuels de gauche qui régentent, depuis Sartre, les élégances françaises. Niant le péché originel et les conséquences du libre arbitre, l’intellectuel de gauche parvient rarement à comprendre qu’on puisse être à la fois génial et antisémite, doué esthétiquement et vicié moralement, revenant à une conception pré-baudelairienne des choses selon laquelle le Beau et le Bon devraient systématiquement se présenter de concert. Car finalement, le vol des manuscrits de Céline après son départ précipité de Paris à l’époque où l’on avait requalifié les contributeurs de la feuille collaborationniste Je Suis Partout, « Je Suis Parti ! », a fini par ressembler à un nouvel épisode de ce drame du manichéisme.
Il n’en reste pas moins que le pilleur de l’appartement du collabo en fuite a volé son travail à l’écrivain et à ses nombreux lecteurs au prétexte de faire justice lui-même
Un vol a visée morale
L’histoire est maintenant connue, du moins partiellement : transmis au milieu des années 2000 à Jean-Pierre Thibaudat, célèbre journaliste de Libération et fils de résistant, en raison de ces deux qualités, le mètre cube de manuscrits de l’auteur du Voyage ne devait pas être livré au public, selon la demande de son mystérieux possesseur, dont on ne connaît toujours pas l’identité, avant la mort de Lucette Destouches. Ainsi la veuve de l’écrivain ne devait-elle en bénéficier d’aucune façon. Mais Lucette s’éternise ici-bas et ne rejoint son mari qu’en 2019, à l’âge de 107 ans. Raison pour laquelle l’émergence du trésor est si tardive. Dans la revue AOC, l’historienne Odile Roynette est percluse d’admiration devant un tel procédé, déclarant que les manuscrits furent « récupérés, et non volés » et qu’il faut souligner la beauté du geste car « ceux-là mêmes que Céline exécrait furent conduits à protéger ses brouillons de la destruction, parce qu’ils étaient parfaitement conscients de leur valeur patrimoniale et ne pouvaient envisager de commettre un autodafé ». C’est vraiment trop aimable de leur part et on n’en revient pas d’une telle acrobatie intellectuelle pour retourner le vol manifeste en hommage civilisé. Que Jean Pierre Thibaudat ait dû respecter la volonté du donataire, on le comprend aisément, et la plainte pour recel déposée contre lui par les héritiers de Céline n’a pas abouti. Il n’en reste pas moins que le pilleur de l’appartement du collabo en fuite a volé son travail à l’écrivain et à ses nombreux lecteurs au prétexte de faire justice lui-même. [...]
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Il n’y a rien de plus insupportable que de parler de « film culte », d’abord parce que nous n’avons qu’un seul culte et que ce n’est pas celui-là ; mais surtout parce que cette qualification a tendance à décourager le néophyte et à encourager l’adepte dans ses mauvaises habitudes de consom- mation égoïste. S’agissant de La Maman et la putain de Jean Eustache, qui revient enfin sur les écrans, presque cinquante ans après sa sortie, on devrait plutôt parler de film occulte pour ceci qu’il fait semblant de ne s’adresser qu’à une infime partie de l’humanité, parisienne, inoccupée et décadente quand en réalité, on le verra, il est parfaitement universel ; et pour ceci qu’il est longtemps resté invisible, sauf à cette infime partie de l’humanité, parisienne, inoccupée et décadente, dont nous avons le regret d’avoir fait partie, qui avait le temps d’aller au Champollion ou à la Cinémathèque un mardi à 14 heures pour se cogner un film noir et blanc de 3 h 40 sur une pellicule brûlée.
La Maman et la putain, c’est donc cet autobiografilm où l’inouï Jean-Pierre Léaud déambule dans les rues de Saint- Germain-des-Prés sans autre but que de vouloir écrire un jour et de draguer les filles
Nous avions vingt ans et il n’est pas certain que ç’ait été le meilleur âge pour admirer Jean Eustache à travers Jean-Pierre Léaud qui l’incarne dans le film: onavait trop envie de lui ressembler. Et c’est son comparse Jean-Jacques Schuhl, depuis Prix Goncourt, qui en parle le mieux : « À 20 ans, il récitait ivre mort des poèmes dans des bars, il se promenait avec un flingue à Pigalle où il se faisait appeler Robert et allait guincher au musette [...] Il rêvait d’un penthouse sur la Cinquième Avenue, il était royaliste, à la fin il croyait à l’au-delà, il avait acheté à Genet un scénario, titre : La plus belle ville du monde ne peut donner que ce qu’elle a, et il lui avait filé un chèque sans provision ». [...]
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L’Incorrect numéro 73
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