S’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, alors notre classe politique compte une collection de génies dans ses rangs. Après tout, la politique n’exige-t-elle pas de pouvoir adapter ses convictions à une réalité constamment changeante ? Comme François Fillon qui, le 17 mars 2009, défendait face à l’Assemblée nationale la réintégration de la France dans le commandement de l’OTAN : « Nous ne devons jamais hésiter à ajuster et à rénover nos politiques dès lors que les faits et nos buts nous le recommandent ».
Quatre ans plus tard, « les faits et nos buts » recommandaient certainement à François Fillon d’aller écouter et applaudir Vladimir Poutine au Cercle Valdaï, un think tank pro-Kremlin qui se réunit chaque année près du lac du même nom, pendant que le Président russe fustigeait la décadence occidentale et présentait la Russie comme le seul rempart contre cette déliquescence. « De l’Atlantique à l’Oural, c’est ensemble que nous devons définir un nouveau pacte de sécurité continentale », proclamait Fillon en 2009. Disons que quatre ans plus tard, Fillon avait décidé de tourner le dos à l’Atlantique pour regarder un peu plus franchement vers l’Oural.
Pendant ce temps, un autre ex-ministre de Nicolas Sarkozy décidait de franchir le Rubicon pour passer du côté obscur de la droite : Thierry Mariani, qui avait prétendu vouloir lutter toute sa vie, au sein de la droite, contre la montée en puissance du Front National, a changé d’avis lui aussi. Sans doute déçu par la politique de « Sarko l’américain », puis tout autant par l’échec de François Fillon qu’il a soutenu lors des élections présidentielles 2017, Mariani se présente sur les listes RN en 2019, puis contre Renaud Muselier aux régionales de 2021.
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L’ex-ministre des Transports du gouvernement Fillon II entretient, lui, une relation de longue date avec la Russie. Depuis 2012, il co-préside, un temps avec Vladimir Iakounine, homme d’affaires et proche de Vladimir Poutine, le « Dialogue franco-russe », un cercle de pensée très poutinophile hébergé dans des locaux parisiens par RZD, société de chemins de fer russe visée par les sanctions financières européennes. Le « Dialogue franco-russe »est confronté aujourd’hui à quelques soucis immobiliers et même à quelques soucis avec la justice, puisque l’on apprend, le 24 octobre, que deux enquêtes menées par la Junalco, division du parquet de Paris chargée de la lutte contre la criminalité organisée, visent depuis le 29 septembre 2021 Thierry Mariani et Yves Pozzo di Borgo, tous deux membres actifs de l’association.
En 2016, Mariani emmenait dix députés en Crimée, annexée deux ans plus tôt par Vladimir Poutine. Au cours d’une conférence de presse donnée à Sébastopol, il proclamait : « La Crimée a choisi de redevenir russe, la Crimée est russe, passons à autre chose et essayons de retrouver des relations normales entre les pays européens et la Russie », avant d’y aller de son petit conseil vacances, à l’intention sans doute des touristes désireux de faire un tour dans le nouvel oblast russe : « J'ai trouvé une région qui changeait, les routes sont meilleures que l'année dernière ». Assurément, le Guide du routard aura pris soin de noter l’appréciation de Thierry Mariani dans son édition 2017 : « Je regrette qu'il n'y ait pas plus de journalistes occidentaux qui viennent voir que pour un pays qu'on dit occupé, les gens ont un air joyeux », concluait l’ex-ministre sarkozyste. [...]
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