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Contrairement aux propos tenus par Aurélien Pradié dans L’Incorrect, il y aura bel et bien une alliance aux municipales entre Les Républicains (LR) et la République en Marche (LREM) dans au moins une ville et pas n’importe laquelle : le berceau de Napoléon, Ajaccio. Bien avant l’exclusion d’Érik Tegnér, la cité impériale est depuis quelques semaines, le théâtre d’un rassemblement entre LR et la majorité présidentielle.
« Réveille-toi, ville sacrée » : l’Ajaccienne a du mal à comprendre « son fils prodigue », le maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli qui a décidé, dans le cadre de la campagne des municipales, d’ouvrir sa liste du centre-gauche au… centre-droit. Dans une ville classée à droite et probablement très conservatrice, ils sont nombreux à s’étonner du choix politique déclaré à maintes reprises dans les colonnes de la presse insulaire par le premier édile. Petite rétrospective pour comprendre la situation ajaccienne.
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Lors des primaires de la droite fin 2016, le maire d’Ajaccio alors député apportait son soutien à Alain Juppé. Cette décision suscitait une première fissure dans sa majorité municipale avec quelques élus locaux mécontents, proches de Nicolas Sarkozy. Les résultats d’Ajaccio lors des primaires donnèrent une confortable avance à l’ancien Président de la République au premier tour (43 % contre 34% pour Alain Juppé) avant que François Fillon ne l’emporte au second (56% contre 44%). Le deuxième round intervint quelques mois plus tard lors de l’élection présidentielle de 2017 : Marine Le Pen obtenait 33% des voix au premier tour tandis que François Fillon en récoltait 23%. Le candidat Macron, de son côté, se hissait à la troisième place avec 18% des voix. C’est d’un fifrelin (50,1%) qu’il battait la candidate de l’ex-Front National lors du second tour. Qui a dit que les blocs progressiste et conservateur n’existaient pas ?
Autre grand reproche des militants et élus « sarkozystes » d’Ajaccio : la volonté du maire d’ouvrir pour la constitution de sa liste aux prochaines municipales ses rangs à de nombreux cadres d’En Marche mais aussi à d’anciens militants socialistes tout en conservant des LR qui lui sont restés fidèles. Dans son équipe, on a déjà largement admis l’idée que François Baroin pourrait devenir le prochain Premier ministre d’Emmanuel Macron en 2022.
Dans la foulée de la présidentielle, les législatives voyaient la Corse basculer dans l’autonomisme avec l’élection de trois députés sur quatre. Seule la circonscription d’Ajaccio fut conservée par Les Républicains avec le docteur Jean-Jacques Ferrara, ancien suppléant de Laurent Marcangeli. On connait la suite : la ligne Wauquiez s’effondra lors des élections européennes, contraignant le président de LR à démissionner. L’organisation des nouvelles élections internes au parti a été l’occasion de remodeler la ligne idéologique et de préconiser de nouveau l’ouverture : au centre, chez les électeurs pourtant partis depuis belle lurette à LREM !
Le jeu de la politique locale tend également à brouiller les pistes : sport « national » en Corse, la politique est le théâtre des affrontements, des manigances et des intrigues les plus iconoclastes. D’ailleurs, ce constat fait dire à bon nombre d’observateurs qu’un Corse qui ne réussit pas en politique dans l’île pourrait sans problème se faire élire député ou sénateur sur le continent tant le chemin ressemble davantage au parcours du combattant qu’à une promenade sur la Baie des Anges.
Mais passons cet intermède pour revenir au sujet qui nous préoccupe : avec l’arrivée de Christian Jacob aux commandes des LR, le parti a décidé de nommer Jean-Jacques Ferrara Secrétaire national délégué pour la Corse. Ce qui s’apparente à une véritable reprise en main du parti par Laurent Marcangeli, pourtant proche d’Édouard Philippe, au détriment des fidèles sarkozystes qui n’ont jamais pardonné au maire d’Ajaccio son soutien à Alain Juppé. Marcel Francisci, l’ancien président des LR rumine son amertume tout comme Guy Castellana qui fut nommé par Laurent Wauquiez chargé de mission pour la Corse du Sud. Prendre la fédération LR relevait pour Laurent Marcangeli d’une nécessité politique avant les municipales. La situation ajaccienne aurait pu ressembler à s’y méprendre à celle de Nice où Christian Estrosi s’est félicité de l’éviction d’Éric Ciotti. Les choses sont toujours plus complexes en Corse où les partisans de la droite « forte » n’entendent pas se laisser faire.
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Autre grand reproche des militants et élus « sarkozystes » d’Ajaccio : la volonté du maire d’ouvrir pour la constitution de sa liste aux prochaines municipales ses rangs à de nombreux cadres d’En Marche mais aussi à d’anciens militants socialistes tout en conservant des LR qui lui sont restés fidèles. Dans son équipe, on a déjà largement admis l’idée que François Baroin pourrait devenir le prochain Premier ministre d’Emmanuel Macron en 2022. En fondant son propre mouvement local en septembre 2018, « Ajaccio, Le Mouvement » (LM pour Laurent Marcangeli comme EM…), Laurent Marcangeli déclarait : « Je reste une homme de droite, de centre-droit, comme je l’ai toujours dit. Mais aujourd’hui, sur la gestion locale, je trouve qu’il y a des clivages qui doivent être dépassés. Qu’on soit de gauche, de droite ou nationaliste… »
Les militants de la ligne « dure » ont utilisé la colère ressentie envers le maire d’Ajaccio pour se structurer. Depuis septembre, Guy Castellana, François Filloni (adjoint au maire), Isabelle Feliciaggi (conseillère municipale déléguée aux handicaps et conseillère territoriale), Antoni Chareyre, Nathalie Ruggeri (adjointe au Maire et ancienne conseillère départementale), Marie Zuccarelli (adjointe au maire et ancienne conseillère départementale) ont démissionné de leurs fonctions au sein du conseil municipal. Une première vague dont on dit qu’elle serait suivie d’une seconde en janvier… Ce petit monde soutenu dans l’ombre par Marcel Francisci a prévu de constituer une liste aux municipales qui serait menée par François Filoni (et non François Fillon !).
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En parallèle, le jeune Antoni Chareyre, Jordan Bardella insulaire (se revendiquant souverainiste et conservateur) est pressenti pour devenir le prochain délégué du Rassemblement National en Corse. Par ailleurs, la liste Filoni a d’ores et déjà reçu le soutien de la Droite populaire de Thierry Mariani, l’un des principaux artisans de l’union des droites. Dans les colonnes du Parisien, ce dernier avait fustigé l’attitude des LR qui se situent de plus en plus « dans une politique de collaboration avec En Marche ! »
Pour Antoni Chareyre : « Il existe deux pôles aujourd’hui en France : les souverainistes, conservateurs et les mondialistes que l’on appelle pompeusement les progressistes ». Au journaliste Corse Matin (seul quotidien de l’île) qui l’interroge « sur les soupçons d’une liste RN déguisée », Antoni Chareyre renvoie la balle à Laurent Marcangeli : « Y a-t-il une liste La République en Marche ? »
Enfin, les membres de la liste Filoni n’excluent pas des rapprochements avec d’autres listes dont des nationalistes pour faire tomber Marcangeli dont ils dénoncent la « gestion autoritaire et la prédominance dans les affaires de la ville de son cabinet ».
Pour Antoni Chareyre, « Il existe deux pôles aujourd’hui en France : les souverainistes, conservateurs et les mondialistes que l’on appelle pompeusement les progressistes. »
Dans le département de Corse du Sud, on observe avec attention les actes de cette tragicomédie. Jean-Michel Mosconi, délégué LR de la 2e circonscription voisine et membre d’Oser la France de Julien Aubert développe son analyse : « La problématique des LR au niveau national se matérialise à Ajaccio avec un maire qui affiche son soutien au Président de la République tout en gardant des liens avec LR. De nombreux élus sont sur cette ligne qui consiste à profiter électoralement d’une opinion favorable au gaullisme et au courant conservateur tout en s’ouvrant aux progressistes par intérêt personnel. La stratégie du « un pied dedans, un pied dehors » est un slogan politique qui tend à s’affirmer pour les prochaines municipales. Au sein de la direction nationale des LR, on acte, après la ligne Wauquiez, le virage centriste. On peut ainsi discuter avec LREM mais on ne doit pas parler aux gens d’une droite plus forte sous peine d’exclusion. La seule option aujourd’hui est d’être macron-compatible, toutes les validations au bureau, toutes les nominations vont dans ce sens. »
Âgé d’une quarantaine d’années, Jean-Michel Mosconi s’apprête à mener une liste dans la troisième ville de Corse, Porto-Vecchio. Pour lui, l’exclusion d’Érik Tegnér marque « une double faute politique et électorale : politique car il faut du débat d’idées dans un mouvement et électorale car cela va à contre-sens de l’histoire… On le voit avec la récente victoire de Boris Johnson et des conservateurs britanniques qui prouvent les aspirations des peuples occidentaux à retrouver leurs propres souverainetés. Chez les LR, il faut être dans le sens de la direction du parti qui va soutenir dans les territoires des personnes à contre-courant de ce que vivent et ressentent les populations. »
Quant à Ajaccio, le mois de mars sera Austerlitz pour les uns, la Bérézina pour les autres !
Jean-Pierre Nicolai
Correspondant en Corse
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