Qu’avez-vous pensé des scènes de Black Panther : Wakanda forever où est représentée la France ?

Les scènes que j’ai vues de cet opus de Black Panther sont gravissimes. Wakanda Forever est un film révisionniste, une fake-news superproduite à l’américaine. Sous couvert de science-fiction, il fait directement écho à la guerre du Mali, dont il livre une interprétation ahurissante.

La France y est représentée comme une puissance néocoloniale qui fait intervenir ses mercenaires au Mali sur un motif fallacieux afin de pouvoir y piller un métal fictif rare, le « vibranium ».

La France y est représentée comme une puissance néocoloniale qui fait intervenir ses mercenaires au Mali sur un motif fallacieux afin de pouvoir y piller un métal fictif rare, le « vibranium ».

Le film met ainsi en scène une accusation directe de la France par la reine du Wakanda à l’occasion d’un sommet des Nations-Unies imaginé à Genève, ainsi qu’une tentative de raid des forces armées françaises sur un centre de traitement du vibranium (qui ressemble furieusement, à l’uranium, métal non rare importé par l’industrie nucléaire française en toute régularité depuis le Niger, le Kazakhstan et le Canada), situé au Mali.

Dans la réalité, l’armée française a été appelée à l’aide par le pouvoir légal malien en 2013 pour faire face à une vague d’insurrection de mouvements armés rebelles touarègues et djihadistes. Alors que l’armée malienne était en extrême difficulté et le Mali au bord du chaos généralisé, l’opération Serval a infligé une série de défaites aux groupes terroristes, permettant aux autorités maliennes de reprendre le contrôle de nombreuses villes (Gao, Tombouctou, Kidal, Tessalit…) et de libérer leurs populations de la terreur et de stopper la progression des djihadistes vers le sud du pays. Cette opération n’était pas isolée, elle s’est effectuée en accord avec la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Lire aussi : Whitewashing et blackwashing

C’est dans ce cadre que l’armée française a été déployée avant d’être rejointe par les forces armées ouest-africaines de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest. La régionalisation du conflit au Sahel a provoqué la création de l’opération Barkhane, conduite en coordination avec le G5 Sahel, cadre intergouvernemental de coopération entre les autorités du Mali, de la Mauritanie, du Burkina, du Niger et du Tchad.

Le départ de Barkhane du Mali et l’explosion du cadre de coopération entre les pays du Sahel ont fait suite aux coups d’État de 2020 et de 2021, lesquels ont porté au pouvoir une junte qui, pour conforter son assise à Bamako (loin de la menace djihadiste), a opéré un retournement d’alliance en cherchant l’appui de Moscou et en développant une propagande révisionniste et hostile envers la France, présentée comme le bouc-émissaire des maux du Mali.

L’arrivée des mercenaires russes de Wagner sur le sol malien il y a un an a détruit le cadre sécuritaire multilatéral qui permettait de contenir la guérilla djihadiste.

L’arrivée des mercenaires russes de Wagner sur le sol malien il y a un an a détruit le cadre sécuritaire multilatéral qui permettait de contenir la guérilla djihadiste. Cette volte-face a provoqué l’éclatement du G5 Sahel, l’isolement diplomatique du Mali vis-à-vis de ses voisins, poussé au départ de Barkhane qui a transféré en quelques mois ses bases à l’armée malienne. Déjà connus pour leurs pillages et leurs massacres de civils en Centrafrique, les éléments de Wagner ont à nouveau commis des crimes de guerre au Mali, tuant des civils à Moura, à Guelledjé, à Kita, ainsi que des viols à répétition dans les régions de Mopti et de Ségou. Depuis leur arrivée, plusieurs sociétés minières ont été fondées par des mandataires de Wagner. L’or des Maliens finance désormais leur fuite en avant sécuritaire et politique.

Les scénaristes servent-ils une vision politique ? 

Le précédent opus Black Panther portait déjà un discours extrémiste sur les relations internationales et sur le continent africain en particulier, le Wakanda étant dépeint comme le modèle fictif d’un pays africain qui n’aurait pas connu la colonisation. Le parti pris de Disney était clair : sans l’Occident, l’Afrique serait le continent le plus développé du monde.

Wakanda Forever s’inscrit dans cette vision néo-coloniale complètement mythifiée de l’Afrique et cible particulièrement la France en portant à l’écran devant des dizaines de millions de spectateurs les plus grands mensonges de la désinformation anti-française en Afrique, ordinairement véhiculés par des mouvements d’extrême gauche (LFI, le NPA, 5 Étoiles en Italie), par des « révolutionnaires » autoproclamés et vrais agents de déstabilisation (Gilles Capochichi alias Kemi Séba, Nathalie Yamb…), par la diplomatie russe de Sergei Lavrov et par la propagande du groupe Wagner.

La sortie en salles de Wakanda Forever donne une résonance mondiale à tous ces conspirationnismes.

C’est la convergence des luttes entre le wokisme de Disney, les mensonges des panafricanistes, les hallucinations des décoloniaux et des indigénistes, et la propagande anti-française du colonialisme russe en Afrique. La sortie en salles de Wakanda Forever donne une résonance mondiale à tous ces conspirationnismes.

Comment situer ce phénomène dans la guerre de l’information ? 

Wakanda Forever a déjà réuni plus de trois millions de spectateurs en France. Considérant que le précédent opus avait rencontré l’un des plus grands succès au box-office de l’histoire du cinéma, l’on peut être certain que cet épisode-ci aura des répercussions catastrophiques. Il légitime la haine de la France partout dans le monde, justifie les mouvements communautaristes à l’intérieur de notre pays, justifie les actions de déstabilisation menées contre notre pays, ses représentants et ses ressortissants à l’extérieur de nos frontières, il nie ouvertement la réalité de la guerre du Sahel, contribue à renforcer la junte malienne… Il insulte enfin la mémoire des soldats français qui sont morts pendant la guerre du Sahel, en présentant comme des terroristes et des voleurs ceux les qui ont combattu.

Il insulte enfin la mémoire des soldats français qui sont morts pendant la guerre du Sahel, en présentant comme des terroristes et des voleurs ceux les qui ont combattu.

Ce qu’a réalisé Marvel Studios avec Wakanda Forever sur le plan de la désinformation (géo)politique est inédit. Disney est une entreprise privée qui a les moyens d’un grand État et qui poursuit des objectifs politiques distincts de ceux du gouvernement américain. La production de Wakanda Forever a coûté 250 millions de dollars, soit l’équivalent de ce que coûtent annuellement les chaînes de propagande RT ou Sputnik et son impact est déjà planétaire alors que les organes de désinformation russes n’ont d’effets que sur des populations ciblées, à l’échelle locale ou régionale. Evguenii Prigojine et ses fermes à trolls sont complètement surclassés.

Lire aussi : L’antiracisme devenu fou nous casse les noisettes

Il va falloir s’adapter : l’idéologie woke d’une giga-entreprise vient de faire effraction dans les relations internationales. Plus spécifiquement, il importe que le discours révisionniste déployé dans Wakanda Forever ne reste pas impuni. La responsabilité des studios Marvel, mais aussi des distributeurs (Walt Disney Company, UGC, Warner) doit être établie. L’État français serait fondé à engager des procédures judiciaires. L’appel à la haine, la fabrication et le recel de fake news doivent être sanctionnés. On ne peut imaginer que Disney touche un seul dollar des recettes de ce film révisionniste et ne présente pas ses excuses aux familles des militaires français morts pour protéger le Sahel du chaos.

Black Panther : Wakanda Forever (2h41) de RYAN COOGLER