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Bons baisers du Caire

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Publié le

20 juillet 2018

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L’Egypte… Vieux pays. Histoire grandiose. Civilisation ancienne. Grenier à blé de l’Empire romain. Renaissance arabe du début du siècle dernier. Eldorado de la presse écrite et pays du Prix Nobel de littérature en 1988 avec l’éminent Naguib Mahfouz. Effervescence intellectuelle et âge d’or du cinéma arabe dans les années 60. L’Egypte était ce pays doté de toutes les vertus… Un temps désormais révolu.

 

Actuellement en Egypte, la loi interdit la tenue des réunions, permet l’arrestation et la persécution des athées et des opposants, la montée en puissance effrénée d’un islamisme initié par Hassan el Banna (grand-père de Tarik Ramadan et fondateur des Frères Musulmans) en 1928. L’Egypte c’est les tabous sexuels et la diabolisation de la femme, c’est le harcèlement dans les rues allant jusqu’au viol et le meurtre dans les dédales des vieux Khâns. C’est un pays que j’ai eu l’heur et le malheur de visiter six fois et d’y donner des formations pour des jeunes chrétiens coptes sur la nécessité de la citoyenneté équitable dans un pays où une loi interdisant la construction des clochers d’églises a frôlé la ratification. Dur d’organiser un événement en Egypte. Des écueils, j’y ai fait face dès mon premier atelier autour de la citoyenneté et l’égalité. J’allais toujours en catimini, avec un visa touristique.

A mon 3e voyage, les services de renseignement étaient déjà aux aguets. Visa refusé au consulat d’Egypte à Paris. Un ami égyptien, éminent écrivain et diplomate proche de Abdel-Fattah el Sissi, me fait comprendre que je ne suis pas la bienvenue au consulat d’Egypte à Paris. En effet, après un atelier que j’ai organisé autour de l’histoire de la présence chrétienne en Egypte, les agents du service de renseignement ont arrêté et interrogé trois jeunes activistes présents à mes formations. Mon nom est connu chez eux désormais… Un an plus tard, les passions se sont calmées. Mon événement oublié. Ou presque. Mon ami me donne une autorisation spéciale pour entrer en territoire égyptien. En fin de compte, je n’ambitionnais pas de faire une révolution contre le régime du satrape militaire Sissi et ses acolytes : les islamistes (oui les islamistes !) et l’Eglise chrétienne dhimmi. Je voulais simplement poursuivre mes missions avec mon ONG. J’ai été arrêtée et interrogée à l’aéroport du Caire. C’était en 2015. Deux policiers en costume blanc, ventripotents et moustachus, m’ont posé toutes sortes de questions, puis m’ont relâchée. En fin de compte, tout ce que je faisais, loin du discours purement politique et politisé, était une simple initiation à quelques notions de base de la citoyenneté, de l’égalité homme-femme, de l’urgence de limiter la migration des cerveaux ; phénomène endémique qui gangrène la jeunesse égyptienne chrétienne éduquée. On parlait de la révolution de janvier et je leur expliquais la vision très judicieuse et clairvoyante de Guglielmo Ferrero sur les mouvements révolutionnaires. Je leur faisais des fiches de lecture sur Maurice Barrès, des précis historiques sur l’Eglise au Moyen-Orient après le grand schisme, des formations à la technique du débat, entre autres. Mais dans un pays obscurantiste, on a surtout peur du débat d’idées. Et les conséquences directes de mon attitude picrocholine, j’admets, n’allaient pas tarder à faire surface.

 

Lire aussi : Erdogan et le califat

 

Juillet 2018. En collaboration avec mon parti, je projette d’organiser une première rencontre officieuse avec les dignitaires des églises copte orthodoxe, copte catholique (très minoritaire) et évangélique ainsi qu’avec des députés chrétiens au parlement, des intellectuels, des journalistes, etc. Cela ne s’inscrit pas dans le sillon de mes anciennes activités, mais étant donné que je connais l’Egypte et son système ainsi que les stratagèmes de détournement de l’attention des services de renseignement, je me suis engagée dans ce projet de solidarité entre chrétiens d’Orient ; quoique j’abhorre cette expression. Les invitations sont envoyées. Mon nom apparaît dans tous les emails. Cinq jours plus tard, je commence à recevoir des diatribes de la part de « chrétiens nationalistes arabes » contre la fachosphère libanaise chrétienne. Le syndrome de Stockholm n’a jamais trouvé meilleure fortune qu’auprès de la communauté chrétienne en Egypte. Pendant les hégémonies musulmanes, l’Eglise capitulait et payait la Djiziah. Sous les ottomans, pareil. Sous Moubarak, aucune dénonciation de la corruption. Sous les frères musulmans, les réactions face au pillage des églises se limitaient à une consternation mielleuse et indécente vu la gravité des faits. Après les différents attentats des églises en 2017, les 39 députés chrétiens n’ont pas pipé mot. Aucun ! L’Eglise a appelé les fidèles à la prière et à la patience alors que la rage se propageait parmi les coptes. Aucune enquête ne fut conduite par Sissi d’autant plus que la complicité entre les gardiens de l’ordre et les kamikazes était évidente. Sissi qui a évincé Morsi n’a jamais été plus proche des Frères Musulmans. Ils les couvrent de flagorneries, se montre permissif à l’égard de leurs activités en Alexandrie surtout, puis détourne l’attention du monde avec ses guéguerres à la frontière libyenne avec Daesh et se hisse au rang du « Sauveur ». Pourtant, Daesh est au sein de la société égyptienne ! Au Sinaï, au Saïd, au Caire, etc.

 

L’Egypte c’est les tabous sexuels et la diabolisation de la femme, c’est le harcèlement dans les rues allant jusqu’au viol et le meurtre dans les dédales des vieux Khâns

 

Le jour J arrive. Nous tenons une réunion avec les quelques braves gens qui ont osé participer à cette rencontre. Une quinzaine. A peine les premières tasses de café vidées, qu’une proximité s’est installée entre nous. Ephémèrement. La terreur a suivi. Quatre hommes costauds font irruption dans la salle. Ils me demandent. Un de mes amis fidèles égyptiens : Michael, un brillant journaliste, essaie de les affronter. Un agent de sécurité vêtu de noir le menace. Je calme le jeu. Je leur explique mon intention de ne pas défier les autorités et j’admets l’erreur que j’ai faite de ne pas avoir averti les autorités. On me lâche. Le groupe s’éparpille en maugréant. Mon amie et moi allons dans la chambre pour détruire tous les documents qu’on avait sur nous. Puis, je descends à la terrasse pour la laisser faire les valises. Il fallait prendre la poudre d’escampette. Les mecs du service de renseignement étaient cloués sur le grand fauteuil en cuir de l’accueil. Je les ignore. Je demande un Bloody Mary et à peine je m’apprête à allumer ma cigarette, qu’un inconnu me tend un briquet. Il portait une bague noire au doigt ; celle des salafistes et une barbe islamiste à l’avenant. Avec un rire sardonique, l’inconnu me lance avec un accent égyptien : « Moi aussi je suis Libanais. D’Achrafieh ». Achrafieh est le fief chrétien résistant visé par toutes sortes d’assaillants pendant la guerre civile. Deux autres agents ont lancé des moqueries du même acabit. L’hôtel grouillait d’agents du système…

 

Lire aussi : Haut Karabagh, un papier d’Arménie

 

Je conclus sur ces faits confirmés après mes investigations personnelles. L’Eglise évangélique nous a dénoncés avant notre arrivée pour gagner l’indulgence du régime. Un peu à la manière de la délation à l’école primaire pour gagner l’estime de la maîtresse. Les agents de service ont tous été islamistes. Et Sissi, tranquille dans son palais, manipule insoucieusement tous ces pantins et triomphe en donnant l’illusion au monde entier d’être comme tout dictateur arabe laïque : le protecteur des chrétiens d’Orient et le défenseurs des libertés. Rappelons que pendant son mandat, le chercheur italien Giulio Regeni a été assassiné après 7 jours de torture dans un pays où les services de renseignement se trouvent partout !

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