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Chine: une difficile année du rat

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Publié le

7 février 2020

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Le 24 janvier, le rat a succédé au cochon. Intuitif, opportuniste et calculateur, pourra-t-il faire oublier les cinq calamités de l’année du cochon ?

 

Première des cinq calamités : l’épizootie de peste porcine. Passée sous contrôle chinois, l’OMS reprenait, le 23 janvier, les chiffres officiels pékinois de 1.193.000 animaux abattus. Mais selon l’agence de presse américaine Bloomberg, le cheptel aurait en réalité été réduit de 700 à 490 millions d’unités en un an, provoquant un doublement du prix du porc : 19 yuans le kilo en septembre 2018, 37 yuans en septembre 2019. « Le monde entier ne dispose pas d’assez de porcs pour combler le déficit chinois ».

Deuxième calamité : l’incapacité de Pékin à contrer efficacement les mesures intempestives de Trump. Les interdictions d’opérer aux États-Unis pour les firmes chinoises ZTE et Huawei et les tarifs douaniers réduisent les exportations chinoises vers les États-Unis de 539 milliards de dollars en décembre 2018 à 418 milliards un an plus tard. Cette diminution des entrées de devises accentue la contraction économique déjà en cours.

 

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Troisième calamité : Hong Kong. Depuis le 1er octobre 1949, c’est la première fois qu’une concession est accordée par la Chine communiste à une revendication populaire. L’annulation, le 4 septembre 2019, du projet de loi autorisant l’extradition en Chine de citoyens hongkongais a frappé les esprits. Même Graham Allison n’avait pas prévu un tel scénario dans son livre Le Piège de Thucydide: « Supposons une dissidence à Hong Kong, où la Chine avait promis de maintenir libertés et autonomie quand la colonie britannique lui fut restituée en 1997. Furieux des intentions de Pékin de revenir sur ces engagements, les résidents de Hong Kong occupent les rues pendant des semaines. Devant leur résolution, Xi ordonne à l’APL de procéder comme elle le fit sur la place Tiananmen en 1989 : y écraser les manifestants ». Pour ne rien arranger, les démocrates hongkongais ont, lors des élections aux conseils de district du 26 novembre 2019, remporté 338 sièges sur 458.  

Quatrième calamité : la réélection à la présidence de la République de Taiwan, le 11 janvier, avec 57,1 % des suffrages de la candidate du Parti démocrate progressiste, Tsai Ing-wen. La victoire de la cheffe de file des indépendantistes complique l’exécution du programme chinois d’absorption pacifique de l’île.  

Cinquième calamité, le Coronavirus 2019-nCoV, issu d’un Wet market, c’est-à-dire un marché humide du sang des animaux abattus sur place, à Wuhan, en Chine centrale. Malgré la quarantaine décrétée –  tardivement ? -, comme son prédécesseur de 2002, le SRAS,  le virus circule désormais dans le monde entier et déconsidère la Chine.

L’indignation populaire,  depuis la mort du docteur Li Wenliang, va croissante. Ophtalmologue à l’hôpital central de Wuhan, ce dernier avait dès le 30 décembre, avancé l’hypothèse d’un coronavirus, hypothèse partagée  le même jour sur Weibo avec un groupe de médecins. Mais il se heurta aussitôt aux rigoureuses mesures  de contrôle de l’information instituées par Xi Jinping : convoqué le 3 janvier par la branche de Wuchang de la sécurité publique de Wuhan, Li s’y trouve contraint de signer un engagement écrit  et empreintes digitales de cesser toute « diffusion de fausses informations » (bu shushi de yanlun ) sur Internet. Contrainte efficace puisque  le coronavirus n’est porté que le 7 à la connaissance du public. Frappé par le virus en soignant des malades,  Li est, depuis sa mort, le 7 février, devenu un héros pour un milliard d’internautes.

 

À l’inverse de l’Occident, le Christianisme prospère en Chine et ses fidèles dépasseraient en nombre les 80 millions d’adhérents du parti communiste. Inquiet d’un tel succès, le parti peut se rassurer en considérant la nature éminemment pacifique des Chrétiens, mais la mobilisation hongkongaise a montré que cette hypothèse pouvait être remise en cause.  

 

Une société secrète pourrait-elle, à l’instar des Turbans rouges ou du Tongmenghui en leurs temps, prospérer sur ces calamités ? L’influence de l’East Turkestan Islamic Movement (ETIM) demeure confinée aux musulmans et se heurte à l’hostilité des Han. Les Chrétiens semblent neutralisés depuis que le Vatican a consenti, le 22 septembre 2018, un accord provisoire sur la nomination des évêques. A l’inverse de l’Occident, le Christianisme prospère en Chine et ses fidèles dépasseraient en nombre les 80 millions d’adhérents du parti communiste. Inquiet d’un tel succès, le parti peut se rassurer en considérant la nature éminemment pacifique des Chrétiens, mais la mobilisation hongkongaise a montré que cette hypothèse pouvait être remise en cause.  

La Falungong ? D’inspiration bouddhique, la Roue de la Loi a été révélée au public le 25 avril 1999 quand 10 000 de ses membres ont surgi devant la résidence présidentielle de Zhongnanhai. Hétérodoxe, elle est traquée et brutalement réprimée par le bureau 610 du Groupe central de direction chargé des religions hérétiques – sous l’autorité du parti et non de l’état – tant à l’étranger qu’en Chine, car considérée comme le plus dangereux des mouvements d’opposition. La Falungong dispose en effet d’efficaces outils de propagande : Epoch Times, son journal diffusé en vingt et une langues est, grâce à son réseau de correspondants clandestins, y compris probablement des dirigeants du sérail, un des mieux renseignés sur les affaires intérieures chinoises. Son opéra, Shenyun, que tente d’empêcher, vainement dans la plupart des cas, les ambassades chinoises aux ordres du Bureau 610, est déjà, pour l’année du rat, programmé dans le monde entier, à grands renforts de spots publicitaires sur la toile.

 

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Le mandat communiste inauguré le 1er octobre 1949 redouterait-il la capacité d’une “secte” à coaliser les mécontentements infligés au peuple chinois par cette conjonction de calamités ? Sans aucun doute. Xi Jinping a, dès son accession, en 2013, à la présidence de la République, créé la Commission de la sécurité d’État, qu’il préside depuis. Il y centralise et coordonne l’activité des ministères de la sécurité d’État et de la sécurité civile, c’est-à-dire l’ensemble des services de renseignement et de sécurité du pays dont il a aussitôt massivement augmenté le budget. Les fonds alloués à la sécurité intérieure dépassent depuis 2013 ceux de l’Armée populaire de libération, pour atteindre en 2017 193 billions de dollars contre 151 pour l’APL.  

Bien davantage que la Falungong, la plus menaçante des sectes demeure pour l’hyper-président le Parti communiste lui-même. Ses membres vivent sous la menace des “campagnes anti-corruption” du président. Ils pourraient éventuellement former une coalition pour en finir et la crise sanitaire pourrait être le signal du règlement de comptes. L’apparition du 2019-nCoV n’a été rendue publique que le 31 décembre 2019, alors que le premier patient infecté avait été diagnostiqué dès le 12. Inquiets d’avoir à porter la responsabilité de ce retard, les deux principaux dirigeants de Wuhan s’en sont, autre cas unique dans les annales de la dynastie communiste, publiquement défaussés sur les autorités centrales. Le maire de Wuhan, Zhou Xianwang, dans un entretien accordé à la télévision régionale le 27 janvier, inaugurant ainsi l’année du rat, a publiquement accusé celles-ci de l’avoir contraint à ce retard : « En tant que chef d’un gouvernement local, je n’ai pu diffuser cette information qu’après autorisation du gouvernement central».  Ma Guoqiang, secrétaire du parti donc réel patron de Wuhan s’est, le même jour, félicité que Xi Jinping « porte autant d’attention à la situation. ».

 

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Déjà avivées par la série de calamités, et plus encore par la déconsidération humiliante que subit la Chine, les luttes internes, calfeutrées, invisibles de l’année du rat, parviendront-elles à déboucher sur la désignation de boucs émissaires ? Zhou Xianwang et Ma Guoqiang y survivront-ils ? Le crédit du Parti semble d’ores et déjà fragilisé.

 

François-Yves Damon

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