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Du dandysme et des gilets

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Publié le

19 janvier 2018

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gillet

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Le dandysme n’est pas exclusivement dans la mélancolie. Il est aussi, et même surtout, dans la revendication joyeuse de cette singularité que l’on prétend gommer dans les rapports sociaux comme dans les vêtements. Et sur ce plan, le gilet constitue une arme de premier ordre.

 

Décidément, cette ligne 63 est sans conteste la plus chic de Paris, se dit E. en voyant monter dans le bus, à Sèvres-Babylone, un monsieur entre deux âges élégamment vêtu d’un costume sombre éclairé d’un gilet en tweed vert mousse. Plus que jamais, et y compris dans les transports en commun, le gilet reste la marque du dandy, songea E., après avoir rapidement détaillé le nouveau venu. D’un côté, il a quelque chose de mélancolique, le port du gilet n’étant pas sans rappeler une identité malheureuse, comme dirait l’autre. Un temps perdu. Celui où chacun, ou peu s’en faut, en portait un par-dessus sa chemise, que l’on considérait encore comme un sous-vêtement, et où il n’était pas question de sortir sans être dûment ganté, botté, cravaté et gileté, comme le soulignait Balzac dans ses articles de La Mode.

Mais voilà, tout change, et le gilet, comme les gants, le chapeau et bientôt la cravate, est de nos jours un accessoire oublié, emporté par la vague du cool, le tsunami du casual, l’impératif catégorique de la détente à tout prix, qui fait croire que pour être heureux et moderne, il faut se débarrasser de toutes ces vieilleries. Et que l’on doit, pour les mêmes raisons, faire disparaître le vouvoiement et les marques traditionnelles de la politesse, comme dans les start-ups de la Silicon Valley où de jeunes patrons milliardaires en baskets tutoient et appellent par leur prénom des employés quadragénaires en baskets qu’ils ont décidé de mettre à la porte.

Le gilet est l’étendard de la liberté, en ce qu’il permet de faire comprendre, par ce que l’on porte sur le ventre, que l’on n’a nulle intention de se fondre dans la masse

« Le gilet corsetait les gens! », accusent ses détracteurs. En fait, au même titre que le vouvoiement et les codes de la civilité, il crée une distance, trace une limite et marque une identité. Tout ce dont on ne veut plus entendre parler, en somme. Mais le dandysme, poursuivit E., n’est pas exclusivement dans la mélancolie. Il est aussi, et même surtout, dans la revendication joyeuse de cette singularité que l’on prétend gommer dans les rapports sociaux comme dans les vêtements. Et sur ce plan, le gilet constitue une arme de premier ordre.

À vrai dire, il n’est pas que cela : s’il a revêtu les torses masculins sans interruption du règne de Louis XV à celui de Georges Pompidou, c’est également parce qu’il s’avère pratique et confortable, chaud en hiver, frais en été, et assorti de poches où on peut fourrer tout une série de petits objets indispensables à l’existence, clés, coupe-cigares, bourre pipe, briquet, piécettes, etc. Cependant, ce qu’il a toujours été, et ce qu’il est désormais surtout, depuis la disparition corps et biens du costume trois pièces, c’est un moyen de se distinguer. De sortir du troupeau, comme les romantiques en gilet rouge de la bataille d’Hernani, comme Barbey d’Aurevilly gileté de mauve et d’or, comme le falstaffien et tonitruant Gareth de Quatre mariages et un enterrement (1994). Le gilet est l’étendard de la liberté, en ce qu’il permet de faire comprendre, par ce que l’on porte sur le ventre, que l’on n’a nulle intention de se fondre dans la masse. Même lorsque l’on prend le bus.

 

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Lorsque le monsieur élégant descendit, E. constata avec soulagement que celui-ci avait bien laissé ouvert le tout dernier bouton du gilet, comme c’est la règle depuis que le prince de Galles en a imposé l’usage vers la fin du XIXe siècle. On est élégant ou on ne l’est pas

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