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Éditorial culture de Romaric Sangars : Conversation décontractée…

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6 juillet 2023

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« Si l’anglosaxon n’est ni gros ni trans ni noir, ce qui laisse disponible une part importante de la catégorie, tu peux sans doute dire du mal de lui. Enfin, ça dépend quel mal. » Éditorial culture du numéro 66.
plage

Conversation décontractée à l’orée d’une période de vacances que nous passerons à sillonner en complets-vestons et robes de soie les plages de nudistes pour éparpiller sur les peaux offertes la cendre de nos cigares en dissertant sur les modalités de résurrection de la France capétienne


– J’ai lu l’autre jour l’article d’une Américaine qui témoignait de son expérience parisienne, elle avait vécu dix ans dans la capitale et considérait comme typiquement français le fait de parvenir à faire du « small talk » quelque chose de grand. Enfin, je résume. Et je traduis. C’est un bel hommage.

– En effet. C’est intéressant de voir le point de vue opposé. Quand l’Amérique prend exemple sur nous plutôt que l’inverse, comme c’était la norme jusqu’en 1945, d’ailleurs.

– Cette formule de « small talk » s’est répandue partout depuis quelques années, tu remarqueras. Il y aurait un « petit discours » et un grand, un « big talk », qui toucherait aux sujets sérieux, c’est « so » binaire.

– Bah, en somme, sans vouloir dire du mal de nos cousins anglosaxons…


Ni « big talk » ni « small talk », plutôt l’art de la conversation cultivé en espace mixte

– Faisable.

– Comment ça ?

– Si l’anglosaxon n’est ni gros ni trans ni noir, ce qui laisse disponible une part importante de la catégorie, tu peux sans doute dire du mal de lui. Enfin, ça dépend quel mal.

– Ce n’est pas vraiment du mal, mais il faut reconnaître que ce côté « club » des Britanniques, où l’on reste entre mâles à parler politique ou sciences a un côté association de jeux de rôles, confrérie d’ingénieurs, ghetto de vieux garçons, et finalement, je trouve, un côté assez sexiste – au sens péjoratif –, et qui associerait, on le soupçonne très bien, le « petit discours » aux cancans féminins fatalement triviaux et superficiels. On en vient à des tablées soit pompeuses soit frivoles.

– Tandis que cette conversation légère touche à des réalités profondes.

– Oui, c’est ça, ma chérie, et cette Américaine, sans le savoir, décrit une « construction » française : la mixité dans les mœurs et l’art de la conversation. En découle cette belle ambiguïté où flambe le désir, où toute démonstration vire à la danse nuptiale, où le détail renvoie à l’absolu et réciproquement.

– Tu théorises beaucoup trop, mon amour.

– J’admets.

– Nous n’avons pas toujours besoin d’abstractions pour comprendre le monde. Des images suffisent.

– C’est vrai. L’image est plus féconde. Une étreinte entre le concret et l’idée générale. Ce que pratique ce priapique de l’esprit qu’est Richard de Sèze, finalement : faire du brushing un aperçu vers la métaphysique. On met ça où ? Small talk ou big talk? Eh bien non, aucune de ces deux cases ne convient, là on plane dans la nuance, le contraste, le court-circuit.

Lire aussi : Éditorial culture de Romaric Sangars : Retour au rez-de-chaussée

– Le maximum de tension pour un maximum de plaisir.

– Ça peut faire un principe de vie, hédoniste et barrésien.

– Ni « big talk » ni « small talk », plutôt l’art de la conversation cultivé en espace mixte.

– Voilà qui est plus excitant que les monologues outrés des minoritaires.

– Oui, et puis un acquis qu’aucun syndicat ne songe à défendre. Quoi que la meilleure manière de le défendre soit encore de le pratiquer.

– C’est ce que je devrais conseiller aux lecteurs pour sublimer leur été.

– Exactement. Sublimez, sublimez, il en restera toujours quelque chose. Attention, tu as failli marcher sur un être humain.

– Ah oui, pardon Monsieur, enfin Madame… C’est l’avantage d’une plage comme celle-ci, il est plus rare de mégenrer son contemporain.

– Quelqu’un est-il déjà mort après un mégenrage ?

– On croirait, parfois. Allez, donne-moi le bras, la fin n’est pas programmée pour ce soir, ça nous donne le temps de rejoindre une terrasse et de remplir deux coupes de champagne.


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