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Éditorial de Jacques de Guillebon : La droite de meute et la morale

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Publié le

3 janvier 2023

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« La droite de meute actuelle est devenue, sans s’en apercevoir, l’otage d’antiques boomers anciennement de gauche et réactionnarisés pour le pire avec l’âge. » Post-scriptum du numéro 60 par Jacques de Guillebon.
Croisade

Avons-nous une morale ? Nous le croyons car nul ne saurait vivre sans morale, quand bien même on se proclame libertaire – les soixante-huitards eux-mêmes avaient leurs dieux inférieurs et leurs principes immanents. Nous le croyons bien sûr, mais sommes-nous d’abord capables de la définir aujourd’hui, et sommes-nous ensuite capables de nous y tenir ? Il est étonnant que de quelque sujet qu’il s’agisse, désormais la droite, la droite de meute, fustige la « morale » du camp supposément d’en face : on parle de guerre, et aussitôt la « morale américaine » est conspuée, quand bien même il s’agit d’abattre un dictateur (Saddam, Bachar, Kadhafi), ou lui résister (aujourd’hui l’agression de Poutine) ; on parle de préserver les vieux et les faibles, aussitôt la « morale sanitaire » de ce qui est alors très légèrement qualifié de dictature est repoussée avec violence ; on débat de corrida, aussitôt on bat en brèche la « morale animaliste », sans même s’interroger un instant sur la souffrance que ressentirait éventuellement l’animal ; on parle de haine et de discrimination, aussitôt la « morale antiraciste » de la gauche fait office de repoussoir ; on parle de nature et de climat, aussitôt c’est la « moraliste » Greta Thunberg qui est brandie pour nous éviter de jamais nous interroger sur le sujet.

Que tous les coups seraient permis, que tous les enrichissements seraient bons, tant qu’on ferait croire que ça irait dans « notre sens »

Comme si tout cela, guerres, mort, torture, douleur, destruction ne nous concernait pas. Comme si notre morale à nous ne devait se préoccuper que de crèches de Noël, de « valeurs civilisationnelles », de France et de racines chrétiennes : comme si tout cela, qui est vrai et juste, n’induisait pas justement une morale supérieure ; comme si nous nous étions laissés dépouiller de ce qui était notre morale par des voleurs de feu. On ne dira jamais assez combien l’expression d’ « empire du Bien » de l’excellent Philippe Muray – que nous avons assez connu nous-même contrairement à ceux qui vont dénaturant sa pensée en slogan, que nous avons assez connu nous-même pour savoir aussi quelle volonté de jouissance l’animait, par où il faut aussi parfois s’en méfier – combien cette expression aura fait de mal. Car nous-mêmes devrions en réalité nous ranger du côté du bien, qu’il soit empire ou non, et ne jamais abandonner cette recherche à l’adversaire. L’autre expression banale de Chesterton à propos des vertus chrétiennes devenues folles doit elle aussi être relue en entier : ce qu’il y dénonce n’est certainement pas l’existence de vertus sous quoi il faudrait se ranger mais le fait qu’elles se promènent désormais en liberté, sans qu’une pensée supérieure les lie entre elles. C’est certes ce qui fait l’horreur de la gauche contemporaine, qui voit ici de la domination grâce à son fond chrétien irréfléchi, et qui ne voit pas la même domination là-bas. La gauche qui pleure – à raison – sur les poussins massacrés et ne verse pas une larme sur les embryons humains éliminés.

Est-ce une raison pour nous faire abandonner nous-mêmes toute recherche active de morale, qui est une conséquence de et une voie vers la vérité ? Nous étions pourtant les héritiers de la plus belle morale qui fut jamais sous le ciel, celle qui a tout changé parce qu’elle valait plus que les habitus de la morale païenne, celle qui a libéré les esclaves, les dominés, les serfs, les femmes, les handicapés, les vieux, les petits et les gros de la place que la logique leur avait attribué. Celle qui nous a censément libérés de l’amour de l’argent, de la puissance, de la gloire. Or, que voit-on dans la droite de meute qui nous entoure ? Que tous les coups seraient permis, que tous les enrichissements seraient bons, tant qu’on ferait croire que ça irait dans « notre sens », sens que personne n’a réellement défini et qui ressemble de plus en plus à un sens de l’histoire marxiste, le « réel » se chargeant de penser à notre place et devant nous conduire bientôt vers un paradis rêvé.

Lire aussi : Éditorial de Jacques de Guillebon : Crever avant d’être né

De tout ceci, on peut déduire que la droite de meute actuelle est devenue, sans s’en apercevoir, l’otage d’antiques boomers anciennement de gauche et réactionnarisés pour le pire avec l’âge (« On nous empêche de jouir ! »), que l’on aura la charité de ne pas citer ici, qui ont importé avec eux leur absence de morale et lui ont fait accroire que contre la morale de gauche ratée mieux valait ne pas en avoir du tout que tenter de mettre à jour une saine morale. Avec un peu de bol, la droite de 2040 sera guidée par Caroline De Haas et Houria Bouteldja. Encore un effort !


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