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Génération Z : au revoir les Zenfants

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Publié le

6 janvier 2022

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Après les millennials, une nouvelle génération s’est installée dans nos foyers : la Z. Cette génération aux mœurs décadentes, gangrénée par le « wokisme » et la superficialité des réseaux sociaux, décontenance ses aînées. Il faut pourtant bien comprendre que celles-ci sont à l’origine des dérives de celle-là.
Gz

Vous lisez L’Incorrect. Vous ouvrez un dossier consacré à la génération Z. Pas celle de Zemmour, non, mais bien la génération qui suit la génération Y, celle des millenials. Vous en possédez probablement vous-mêmes quelques spécimens dans votre foyer. Vous êtes peut-être abattu ou décontenancé par leurs mœurs, mais quel parent ne l’est pas face au comportement amibien d’un adolescent ? Vous espérez trouver un peu de réconfort dans votre magazine conservateur préféré : avec nous, c’est sûr que cette génération de gosses séborrhéiques vaincus par le wokisme et gangrenés par les réseaux sociaux va en prendre pour son grade. Mais ce serait trop facile. Pour la simple et bonne raison que, s’il existe une génération de sales gosses, de Peter Pan éternellement insatisfaits, c’est bien la nôtre, c’est bien la vôtre.

Les boomers furent sans doute les premiers à accéder à un monde de divertissement entièrement conçus pour eux, et leurs enfants n’ont fait que suivre le même sillage : celle d’une place préméditée dans un monde de confort, dans un univers cloisonné protégé des remous de l’Histoire. Vous me direz, oui mais la génération des années 80-90 a connu la désillusion, la crise pétrolière, le 11 septembre… C’est sans doute vrai, mais tout cela n’est que la conséquence des Trente glorieuses qui ont englobé notre conception. À notre façon, nous avons encore en nous cet ADN de la France d’alors, une indécrottable foi en nous-mêmes et peut-être en l’Occident.

Il y avait le plein-emploi des enfants londoniens permis par l’arrivée des machines à la fin du XIXe siècle, il y aura désormais le plein-emploi des enfants instagrammeurs

Génération-éprouvette

Chaque génération redoute et déteste secrètement celle qui la suit. Il serait facile de voir dans cette génération Z un précipité de tout ce que nous abhorrons : interpénétration nocive du réel et du virtuel, sujétion au consumérisme le plus grossier, combats d’arrière-garde et grimaces avant-dernières du wokisme, refuge dans des postures doloristes et psychologisantes. Tout cela est bien vrai. Mais ce qui est sans doute le plus remarquable, dans cette génération, c’est peut-être qu’on lui demande d’être adulte avant les autres. C’est peut-être qu’avec le durcissement du monde, le retour de l’Occident dans l’histoire, cette plénitude et cette inconscience de « l’enfant reconduit » ont proprement disparu.

C’est le retour du concret, c’est peut-être aussi le retour d’une ère post-industrielle, laborantine, algorithmique, où le monde machinique englue à nouveau les gosses. Il y avait le plein-emploi des enfants londoniens permis par l’arrivée des machines à la fin du XIXe siècle, il y aura désormais le plein-emploi des enfants instagrammeurs. Aujourd’hui, on intime l’enfant à ne plus en être un. La génération Z est peut-être la génération de ce retournement : comment, après avoir conforté les enfants dans leur infantilisme, on les en prive au nom d’un plan d’austérité qui touchera jusqu’aux espoirs intimes.

Tu ne seras pas un homme, mon fils

La première piqûre d’austérité, c’est déjà cette injonction à embrasser des problématiques qui le dépassent : celles du genre, bien sûr, qui sont assénées par toute une élite de penseurs et d’intellectuels-alchimistes sans scrupules. Notre génération avait connu via le sida une sorte d’arasement de la sexualité, une remise à zéro qui s’est révélée être le terreau de cette déconstruction de la réalité. C’est un véritable fléau dont nous ne prendrons sans doute la mesure que dans une dizaine d’années, lorsque les enfants de nos enfants arriveront également à maturité. Aujourd’hui, la génération Z semble se définir maladroitement par l’en-creux, elle est incitée de toutes parts à mettre en exergue ses handicaps, ses malfaçons, ses troubles sensoriels et psychologiques.

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On lui vole son enfance en la soumettant à ces radiations nocives héritées de la French Theory, on la place d’emblée dans une arène virtuelle où le gagnant sera celui qui présentera le plus de tares. Des tares qui sont bien celles de l’adulte tel que l’encourage le Grand Capital : un adulte qui se définit uniquement par ses « fétiches », par ses signaux de consommateur névrosé, permutables à l’infini. Nos ados se définissent donc comme des « licornes agenrées » dans une sorte de collision fatale entre un imaginaire enfantin et une toute-puissante idéologie déconstructrice, héritée des délires universitaires de Judith Butler et consorts. Entre les deux, c’est la possibilité de l’enfance qui est tout simplement consumée dans un grand feu de joie arc-en-ciel.

Cherche parent désespérément

La deuxième privation d’enfance, c’est bien sûr la suppression du rôle des parents et en particulier celui du père. Le fait que les deux chefs de gouvernement les plus puissants d’Europe soient sans enfant ne doit pas être pris à la légère : Macron et Merkel sont bien le symptôme d’une Europe qui se refuse à jouer ce rôle. Et qui donne à voir des chefs d’État « totalisants », des boucles fermées sans aucun espoir de transmission. Le sentiment qui prédomine ne sera plus la filiation mais plutôt la fraternité et la sororité, encouragées par les délires communautaires et par la technologie : puisque les parents sont désormais coupés du réel par le « gap » numérique, incapables de comprendre les codes et les règles d’un univers qui s’actualise trop vite pour eux, les enfants vont naturellement se tourner vers des « grands frères », ou des « senpaï », concept issu d’un pays où l’on a pulvérisé le père depuis longtemps: le Japon. Ces senpaï, ce seront souvent des youtubeurs ou des influenceurs qui vont jouer le rôle de rassembleurs, au nom d’une fraternité artificielle entre usagers de la même plateforme numérique, du même réseau social, etc. : dans ces alcôves digitales, la paternité est remplacée par la « maternance ». Des grandes sœurs pomponnées vous susurrent des conseils de beauté ou de relaxation via des vidéos « ASMR », sorte de séances d’hypnose light bricolées à coups de stimuli sensoriels régressifs. Comme une berceuse pour adultes, à deux clics seulement de leur équivalent pornographique.

La parentalité dissoute, il reste ces reliefs de « protection » ou de « care », comme ils l’appellent, une protection illusoire puisqu’en réalité elle vous emmène déjà sur les rails d’un âge adulte entrevu comme le terme d’une gestation en circuit fermé

La parentalité dissoute, il reste ces reliefs de « protection » ou de « care », comme ils l’appellent, une protection illusoire puisqu’en réalité elle vous emmène déjà sur les rails d’un âge adulte entrevu comme le terme d’une gestation en circuit fermé : frères de réseau, consommateurs de Véronal, insomniaques biberonnés aux comptines. La sociologue Elizabeth Soulié y voit quelque chose de positif, évoquant, dans ce passage de « l’ère du père à l’ère du frère », une possibilité pour chacun de devenir un « sachant » et de transmettre son savoir. Pourtant, un savoir sans expérience, relèverait plutôt à nos yeux de la toxine.

Génération entrepreneur

Ils sont nombreux les exemples d’adolescents à peine sevrés qui sont devenus millionnaires par la grâce d’une passion, et par les voies obscures de la gouvernance technologique. Mark Zuckerberg, bien sûr, mais aussi le créateur de Minecraft, adolescent suédois complexé dont le jeu vidéo amateur, codé sur un PC familial, est devenu une véritable institution et l’un des jeux les plus vendus au monde. Les rappeurs ne sont pas en reste : aux États-Unis, la moyenne d’âge du rappeur est en baisse constante. La plupart des stars qui avoisinent les millions de vues sur YouTube sont nées après l’an 2000. La question est : que peut bien avoir à raconter un rappeur de 18 ans ?

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La réponse est : on s’en fout. Encore une fois, le Zeitgeist ne met plus en avant la transmission d’une expérience, mais la dilatation d’un moment. Aujourd’hui, qu’il soit youtubeur, twitcheur, tik-tokeur, chaque adolescent de la génération Z rêve non pas d’être une star de la chanson, mais d’être un micro-entrepreneur à la tête de sa chaine, de son média, il n’y a plus de rêve d’élévation (verticalité) mais un désir d’expansion (horizontalité), une expansion qui favorise désormais les rapports transverses, un néocapitalisme qui avance masqué par cryptocommunautés. L’individu est désormais complètement associé à ce qu’il produit, il n’y a plus de différence entre le sujet et l’objet. La chambre d’adolescent est devenue un espace collectif, dans lequel les entreprises s’immiscent par le biais du sponsoring : l’intimité et le secret des passions enfantines sont désormais des « tags » comme les autres, affichés en bas d’un « thread ».

Pour toutes ces raisons, on serait bien en mal de trop taper sur cette génération, peut-être encore plus sacrifiée que la nôtre. Nous étions des enfants hypertrophiés, ils sont des adultes-avortons, grandis trop vite, bonzaïs manipulés et bouturés par les doigts vicieux du capitalisme numérique. Malgré tout, chaque génération trouve là où elle peut les moyens de sa liberté et peut être que nos enfants finiront par nous étonner, par clôturer leurs comptes Instagram, fermer leurs écrans dans un grand éclat de rire apocalyptique. On voit ici et là quelques signes avant-coureurs, des modes étranges qui se passent de toute technologie. Comme le « shifting », cette pratique qui consiste à méditer pour s’évader dans le monde de son choix, et qui se passe de tout écran, quelque part entre le jeu de rôle et le rêve éveillé des surréalistes. L’espoir, comme toujours, est à chercher dans les franges du rêve.

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