Skip to content

IVG dans la Constitution : un principe fondamental de destruction sociale

Par

Publié le

10 novembre 2023

Partage

La constitutionnalisation de l’avortement repose sur un insupportable paradoxe : donner une valeur fondatrice, et supposément civilisatrice, à un acte qui porte directement atteinte à la dignité de la personne humaine.
avortement

Le président Macron, jamais en panne d’idées destinées à renouveler ses clientèles, a pris le parti d’annoncer, « sur les réseaux sociaux », qu’il entendait « graver dans notre Constitution la liberté des femmes à recourir à l’IVG », par un projet de loi constitutionnelle, de sorte que dès l’année 2024 « la liberté des femmes de recourir à l’IVG sera irréversible ».

Il faut toujours commercer par le début : qu’est-ce qu’une Constitution? Au sens étymologique, « constituer » signifie « mettre debout quelque chose », construire, organiser, fonder. Juridiquement, il s’agit de poser des règles permettant à un ordre social de tenir debout. Les termes « stable » ou « statue » sont de même origine. C’est pourquoi l’image qui consiste à « graver dans le marbre » d’une Constitution une norme nouvelle est pertinente. Cette norme, en effet, est faite pour durer. Le préfixe du mot « con-stitution » ajoute à cette construction le fait  qu’elle est commune. C’est le terme rationnel du mouvement naturel qui porte des hommes à tendre vers une finalité politique partagée, et qui les conduit à organiser le régime politique et les droits et libertés sous lesquels ils entendent vivre.

En France, la « Constitution » ne désigne pas un seul texte, la Constitution du 4 octobre 1958, mais aussi ce qu’on appelle un « bloc de constitutionnalité », qui regroupe avec elle son préambule, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la  Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et la Charte de l’environnement de 2004, textes qui ont tous valeur égale.

La Constitution devient un instrument d’idéologues, usiné à grands renforts de lobbying et de ténacité, pour imposer soumission à des adversaires réfractaires

Depuis l’origine, la Constitution de la Ve République a été modifiée pas moins de 24 fois. La valeur suprême de la Constitution étant largement estompée par l’emprise du droit communautaire, les tentations se multiplient de faire entrer dans son champ dévalué des réformes nouvelles, conditionnées moins par un souci de stabilité des institutions que par la volonté d’y ancrer des idéologies dominantes. Dans cette mesure, la Constitution cesse d’être une œuvre de communion. Elle devient un instrument d’idéologues, usiné à grands renforts de lobbying et de ténacité, pour imposer soumission à des adversaires réfractaires.

Exemplaire est ainsi la décision de l’Assemblée nationale, en 2018, de faire supprimer le mot « race » de l’article 1 du préambule de la Constitution de 1958, sous prétexte de lutter contre le racisme,  alors que la phrase « La France (…) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » (qui figure toujours dans le texte officiel) avait précisément été introduite en 1958 pour faire obstacle à des thèses racistes. Les chantres de cette noble réforme avortée n’ont cependant jamais pu expliquer comment la loi pouvait par ailleurs punir les discriminations raciales si les races n’existent pas.

La volonté élyséenne de « graver dans notre Constitution la liberté des femmes à recourir à l’IVG » procède du même processus idéologique. En toile de fond s’est instauré un débat sur la question de savoir s’il fallait parler de « liberté des femmes » ou bien de « droit des femmes ». Les « prudents » de la droite, ou de ce qui y ressemble, ont opté pour le mot « liberté », peut-être pour éviter que le principe énoncé n’enterre définitivement toute possibilité pour un médecin d’opposer l’objection de sa conscience. Les forcenés optent en revanche pour le mot « droit ». Leur détermination et leur volonté manipulatrice sont d’ailleurs telles que là où l’on énonce le mot « liberté », ils entendent et veulent que l’on entende « droit ». Un droit fondamental, supposément, puisqu’il est appelé à être inscrit dans le marbre constitutif de l’ordre démocratique.

Lire aussi : Inscription de l’avortement dans la Constitution : chronique d’une infamie

Il y a cependant loin, en principe, entre le droit de pouvoir recourir à l’avortement et le droit d’exiger de tout médecin compétent qu’il satisfasse à la demande d’avortement.

Le premier pouvoir, doit-il être rappelé, est déjà reconnu par les dispositions du code de la santé publique. Il faut donc bien que son élévation constitutionnelle ait une autre portée. A priori, il s’agit simplement d’empêcher – à la lumière de l’exemple étasunien, qui a fait si peur aux esprits éclairés – que de nouvelles majorités « mal inspirées » ne reviennent sur la liberté de pouvoir avorter.

Les forcenés, cependant, voient plus loin. Il s’agit pour eux d’effacer la distance qui sépare le droit de pouvoir et celui d’exiger. Pour tous les promoteurs de la réforme, en toute hypothèse, dont monsieur Macron lui-même, il s’agit de rendre l’enracinement social de l’avortement « irréversible », selon ses propres termes, en en faisant ainsi une valeur « républicaine ». Une valeur supposée unitive, bien sûr, puisqu’elle est constitutionnelle. Seul sera dès lors authentiquement républicain celui qui reconnaîtra l’avortement comme un droit fondamental, car il ne faudra pas longtemps avant que la « liberté » de pouvoir avorter ne soit absorbée par le « droit » d’exiger de le faire.

Le site « Vie publique », publié officiellement par la République française, se prête lui-même de bon gré à cette stratégie de confusions. En effet, bien que le projet macronien y soit présenté comme l’introduction dans la Constitution de « la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse », le titre même de cette présentation est le suivant : « Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse. » Le ton est donné, les acteurs peuvent danser.

Qu’on le veuille ou non, et quelque subtilité juridique qu’on y mêle, ou plutôt quelque brouillage idéologique qu’on y veuille insuffler, la liberté énoncée demeure celle de tuer un être humain innocent

On ne serait pas complet si l’on ne soulignait pas la valeur réelle de cette introduction d’une liberté-droit d’avorter, supposée correspondre à la « liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse » dans le champ des valeurs sociales fondatrices de cette  société.

Le réel, en effet, est tenace. Le droit a assurément un sujet, qui l’exerce selon ses motivations propres et dans les limites fixées par la loi. Mais le droit a d’abord un objet, qui détermine ce qu’il est. Or, qu’on le veuille ou non, et quelque subtilité juridique qu’on y mêle, ou plutôt quelque brouillage idéologique qu’on y veuille insuffler, la liberté énoncée demeure celle de tuer un être humain innocent. La liberté d’interrompre une grossesse n’est que le côté subjectif de l’affaire.

La constitutionnalisation de cette liberté-droit met davantage en évidence cet insupportable paradoxe de lui donner une valeur fondatrice, et supposément civilisatrice, alors qu’elle porte directement atteinte à la dignité de la personne humaine, laquelle est pourtant la limite infranchissable de tout droit, fût-il fondamental. Ce paradoxe est d’autant plus insoutenable que l’article 16 du Code civil énonce en particulier que « la loi assure la primauté de la personne, (…) et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » et que ce principe, précisément, a valeur constitutionnelle (Civ 1, 26 septembre 2018, n° 17-16.089, B).

On ne sort donc pas du paradoxe. La liberté-droit d’avorter, que l’on se propose de faire entrer dans les principes stables de cette société, c’est-à-dire dans la Constitution, pour faire supposément « tenir debout » cette société, est un principe de mort et de destruction, bien à l’image, il est vrai, d’un « Occident » qui est lui-même, à tous égards, un espace de consommation, c’est-à-dire, en l’occurrence, de consomption.

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest