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Les relations entre Hong-Kong et la Chine sont de plus en plus tumultueuses, comme en ont témoigné les dernières vagues de protestations dans l’ancien protectorat britannique contre la loi sur l’extradition vers la Chine. Pour l’heure, la France n’a toujours pas réagi, contrairement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Nous avons interrogé Jean-Guillaume Remise, conseiller régional d’Occitanie et fin connaisseur de l’Asie, où il a longtemps vécu et travaillé.
Carrie Lam a ajourné le projet de loi sur l’extradition vers la Chine sous la pression de la population. Une victoire pour les habitants de Hong-Kong ?
C’est une victoire, certes relative, car c’est un ajournement et non un retrait. Mais cela n’en est pas moins une défaite et un nouvel avertissement pour le Chef de l’exécutif Carrie LAM et par ricochet pour Pékin. Car Pékin, n’a pas pour habitude de reculer sur le continent et doit manœuvrer avec ce morceau de territoire de plus en plus effronté qu’est l’archipel Hongkongais. Cependant, il faut remettre les choses en perspective pour comprendre les enjeux. Le 1er juillet 1997 le Royaume-Uni rétrocède le territoire de Hong-Kong à la Chine. L’aire de la post rétrocession devait fonctionner sur le principe « un pays, deux systèmes » selon les mots de l’ancien dirigeant chinois Deng Xiaoping. Ce système devait permettre à Hongkong de jouir d’une autonomie lui garantissant sur le papier de droits inconnus dans le reste de la Chine, dont la liberté d’expression et le suffrage universel, jusqu’en 2047. Cependant, la Chine continentale tend de plus en plus à s’immiscer dans les affaires politiques de H.K et menace son statut d’autonomie.
En 2014, une contestation débute, c’est « Occupy Central »* qui consistait à occuper le quartier d’affaire dénommé « Central ». H.K vit sa 1ère opération de désobéissance civile depuis son retour dans le giron chinois. Cette révolte populaire, qui va durer 90 jours et s’étendre à plusieurs quartiers. Elle vise à s’opposer à un projet annoncé par les autorités chinoises que les candidats au poste de chef de l’exécutif seront sélectionnés par un comité de 1200 personnes pro-Pékin. Ainsi, seuls les candidats sélectionnés seront habilités à concourir au scrutin. Pékin pouvant ainsi s’assurer de la loyauté du futur dirigeant de l’exécutif insulaire. C’était une façon habile de contourner l’accord passé avec les britanniques avant la rétrocession.
Dès 2014, Hong-Kong a donc commencé à prendre conscience qu’un combat pour la démocratie et la quête d’une souveraineté était à mener, les événements qui ont lieu en ce moment en sont la continuation logique.
En effet dans la perspective de la rétrocession et surtout suite aux événements de Tien’Amen en 1989 a été promulgué une loi à portée constitutionnelle en 1990 et applicable au jour de la rétrocession pour s’assurer que le Chef de l’exécutif de HK soit élu au suffrage universel, ce qui n’avait jamais était le cas pendant la colonisation Britannique qui était dirigée alors par un gouverneur Britannique. Finalement, par un vote le 18 juin 2014, le Conseil de Hong-Kong rejette la modification constitutionnelle qui n’obtient pas les 2 tiers de voix nécessaires. La première tentative de Pékin de porter un premier accroc aux principes démocratiques laissés en héritage par les britanniques est un échec. Mais « Occupy Central » s’est parallèlement soldé par la mise en prison de certains leaders du mouvement et l’interdiction de partis indépendantistes.
Carrie LAM, qui dirige actuellement l’exécutif de l’île, a poussé à l’adoption rapide de cette loi permettant l’extradition de Hong-Kong vers la Chine à l’origine de cette nouvelle contestation d’ampleur.
Il s’agit d’une victoire sous plusieurs aspects :
C’est une victoire, car 2 millions de personnes ont protestées dans les rues le 16 juin, ce qui représente un part considérable de la population de l’archipel qui en compte 7 millions. C’est comme si la France avait vu défiler dans ses rues 16 millions de français !
C’est une victoire car ce n’est plus seulement la jeunesse, les étudiants qui ont protestés comme cela fut principalement le cas en 2014. On avait eu alors l’impression que les générations plus âgées se satisfaisaient d’une forme de paternalisme chinois sur la manière d’administrer ce petit territoire. Cette fois, ce sont tous les âges, toutes les sociologies qui sont présentes même les milieux d’affaires en général frileux et loyaux vis-à-vis de Pékin.
Dès 2014, Hong-Kong a donc commencé à prendre conscience qu’un combat pour la démocratie et la quête d’une souveraineté était à mener, les événements qui ont lieu en ce moment en sont la continuation logique.
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Quelles sont les relations, vingt-deux après le rattachement, qu’entretiennent la Chine et Hong-Kong ?
C’est un peu amour, gloire et … méfiance.
Pékin travaille ardemment pour atteindre l’objectif d’une assimilation des satellites que sont Hong-Kong et l’ancienne colonie portugaise toute proche de Macao. La question du mode d’élection du Chef de l’exécutif, la possibilité d’extradition vers la chine sont les aspects institutionnels et juridiques de cette volonté et qui justifient la crainte grandissante des Hongkongais. Mais cela prend également des aspects plus matérialisables, effectifs.
Pékin travaille ardemment pour atteindre l’objectif d’une assimilation des satellites que sont Hong-Kong et l’ancienne colonie portugaise toute proche de Macao
Le plus long pont du monde [55 km] qui passe au-dessus du delta de la rivière des perles [ Zhu Jiang] vient d’être inauguré entre la première ville de la Chine continentale qu’est Zuhai pour rejoindre Hong-Kong tout en desservant Macao. Ce projet avait clairement pour but de démontrer l’unité de la Chine, l’intégration territoriale de Hong-Kong mais aussi de Macao au continent. Cela ne s’est pas fait s’en questionner les habitants sur le caractère politique d’une telle infrastructure. De même, il y a quelques mois une ligne TGV a été ouverte entre Canton [Guangzhou] et Hong-Kong avec une nouveauté qui n’existait pas avec l’ancienne ligne plus lente qui reliait ces deux villes : la présence tout à la fois du passage aux douanes Hongkongaises et Chinoises dans la gare de West Kowloon sise à Hong-Kong. En résumé, c’est la première fois que des agents de sécurité chinois sont présents sur le sol de Hong-Kong pour valider passeports et visa sans être à proprement parlé sur le territoire chinois.
De la même manière, cinq éditeurs de livres gênants pour le régime communiste chinois, basés à Hongkong, après avoir disparu de l’île, se sont retrouvé détenus en Chine au cours de l’automne 2015. Il s’agit le plus souvent de l’œuvre d’agents de Pékin qui s’introduisent en territoire hongkongais pour y mener des opérations punitives.
Donc les Hongkongais sont assez clairvoyants sur les risques en cours et notamment sa jeunesse, donc une partie non négligeable à la double nationalité, au cas où …
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Y-a-t-il des figures politiques émergentes à Hong-Kong ? La Chine les craint-elle ?
Lors de « Occupy Central » en 2014 l’on a vu des figures politiques émerger. Il est un peu tôt pour savoir si cela sera le cas de la contestation qui a lieu en ce moment.
Incontestablement Joshua Wong fut et demeure l’icône de cette montée en puissance de la contestation depuis la rétrocession face à l’emprise grandissante de Pékin. Il n’a quasiment pas connu que la tutelle chinoise sur Hong-Kong car il n’avait qu’1 an au moment de la rétrocession. Paradoxalement, à l’image de la jeunesse de Hong-Kong, il se montre plus radical que ses ainés. Il était en prison lors de la contestation en cours à Hong-Kong. Opportunément, il a bénéficié d’une libération anticipée le 17 juin dernier en pleine contestation contre la loi d’extradition. Signe de ce qu’il représente dans la lutte pour la préservation des libertés publiques sur l’île sans pour autant prôner l’indépendance vis-à-vis de la Chine. Mais aussi des professeurs comme Chan Kin-man ou Benny Tai, des chrétiens engagés tel le pasteur Baptiste Chu Yiu-Ming ou le Cardinal Zen sont présents dans les manifestations, des activistes comme Raphael Wong ou le parlementaire Shiu Ka-chun ont émergé, nombreux furent condamnés à la prison sous des chefs d’inculpation vagues, signe que Pékin les craint.
Le risque est désormais réel de voir se constituer une forme de nationalisme hongkongais
Ce que la Chine peut craindre c’est la construction d’une génération qui a une conscience politique, de la valeur de la démocratie et des dangers qui la guettent. Le risque est désormais réel de voir se constituer une forme de nationalisme hongkongais non moins pour revendiquer une indépendance que pour la préservation d’une autonomie multiforme : politique, juridique et par certains aspects de style de vie. En somme, un nationalisme de maintien, de statuquo, de conservation des acquis libéraux. Ce risque commence à s’incarner dans les études avec une part croissante des habitants qui se revendiquent de plus en plus comme hongkongais avant d’être chinois. Cela signe un échec de la Chine continentale à assimiler ce territoire et ceux qui la compose. Il y a une construction en cours d’un sentiment d’appartenance propre à Hongkong qui n’existait pas avant dans cette cité cosmopolite. Il s’agit moins d’une dualité culturelle que d’un rapport différencié aux libertés publiques qui construit cette volonté de marquer une dissemblance. L’université de Hongkong indiquait en 2018 que si 38% * [contre 46,6% lors de la rétrocession en 1997] des habitants se sentaient fiers d’être citoyen chinois, seul 16% des jeunes [18 à 29 ans] partagent cet avis. Donc il y a un risque pour Pékin de voir cette jeunesse s’éloigner, se départir de la Chine, alors que c’est précisément l’objectif inverse que poursuit le premier ministre chinois Xi Jinping.
Comme évoqué plus avant, cette contestation contre ce projet de loi d’extradition vers la Chine apparait être un calque plus juste de la population de l’île avec toutes les tranches d’âges et toutes les sociologies. En cela, la contestation actuelle est bien plus diversifiée que lors de « Occupy Central » en 2014. Comme si le trouble et les craintes à l’endroit de la Chine venaient désormais transcender tous les âges et les catégories sociales.
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Que reste-t-il d’européen à Hong-Kong ?
Hormis quelques bâtiments victoriens et une mentalité très pro-business pas grand-chose si ce n’est à l’évidence le souhait des Hongkongais de ne pas se confondre pleinement avec le chinois du continent. Il y avait une fierté de la réussite hongkongaise vis-à-vis de la Chine, je crois pouvoir dire qu’il y a désormais une fierté du libéralisme politique existant chez eux par rapport à leur voisin et tuteur.
Hong-Kong peut-elle inspirer une libéralisation partielle de la vie politique chinoise à terme ?
Je ne pense pas, car culturellement s’il y a des ponts évidents et naturels, il y a aussi quelques gouffres infranchissables. Il y a je crois une conscience grandissante d’un particularisme qui est le leur chez les Hongkongais vis-à-vis du continent. L’emprise du parti communiste en Chine est non seulement réelle mais totalement intégrée par le chinois du continent jusqu’à l’autocensure, parfois malgré lui, et cela même s’il a eu à vivre quelques années dans une démocratie occidentale. Il n’y a pas en Chine continentale de culture ou de tropisme de la transgression comme en France.
La Chine est durablement enkystée dans son régime, Hong-Kong n’entend pas s’en laisser compter pour autant et c’est heureux.
Ceux qui ont eu l’occasion de travailler, vivre en Chine ont pu remarquer comment le Chinois a tendance à se cantonner au rôle qui lui est asservi. Comme si, de manière innée, il avait intégré cette phrase de Confucius « Que le prince agisse en prince, le sujet en sujet, le père en père, le fils en fils ». En somme chacun sa place, il y a donc peu à espérer que le libéralisme politique Hongkongais dépasse sa seule emprise géographique pour émarger en Chine. La Chine est durablement enkystée dans son régime, Hong-Kong n’entend pas s’en laisser compter pour autant et c’est heureux.
Propos recueillis par Gabriel Robin
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