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Ce samedi 15 juin se tenait l’acte 31 du mouvement des Gilets Jaunes. Une trente-et-unième semaine de manifestations un peu partout en France. Si les cortèges ne sont plus aussi fournis qu’en novembre et décembre 2018, les derniers des Gilets Jaunes impressionnent par leur résistance, semble-t-il à toute épreuve. À Toulouse, la journée du 15 juin a notamment été le théâtre d’importantes violences, le gaz lacrymogène s’étant fait sentir dans une grande partie du cœur de ville en milieu d’après-midi. Un rappel sensoriel d’une réalité : la fracture française est appelée à durer.
Les élections européennes n’y auront d’ailleurs rien changé. Que la liste soutenue par Emmanuel Macron ait plutôt bien résisté, profitant, il faut bien le dire, de l’insigne médiocrité de la plupart de ses adversaires, n’a pas suffi à rompre le fil narratif déroulé par une minorité lancée dans une lutte à mort contre l’Etat français et ses institutions, mais surtout ceux qui les incarnent ; plus généralement contre le « système ». Les Gilets Jaunes restants agacent une partie des Français, principalement les urbains qui subissent week-end après week-end les désagréments causés par leur présence, mais continuent d’être soutenus, au moins moralement, par une partie non moins significative de l’opinion.
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À l’évidence, leur dolorisme, par trop exubérant, commence à susciter des moqueries (on a pu le constater sur les réseaux sociaux après la victoire du Stade Toulousain, quelques esprits chagrins reprochant que les locaux se regroupent pour fêter la victoire alors qu’ils resteraient silencieux face aux détresses des Gilets Jaunes, ce qui a été gaussé par nombre d’internautes pas plus fortunés qu’eux), et leurs revendications sont désormais trop excessives compte tenu de leur poids dans la population et de leurs moyens, la révolution ne s’accomplissant pas en paradant à quelques milliers d’individus tous les samedis. Pourtant, se joue encore cette petite musique lancinante : une contre-société prend forme, avec elle ses affects et ses codes.
Car, à n’en point douter, les Gilets Jaunes ont obtenu quelques victoires. Ainsi, la première procédure pour un référendum d’initiative partagée a été lancée à la suite de la mobilisation de députés de l’opposition venus de tous les horizons politiques, droite et gauche comprises. Une nouveauté qu’on peut directement lier à l’existence du mouvement des Gilets Jaunes. Dans neuf mois, si la proposition de loi référendaire déposée obtient le soutien d’un dixième du corps électoral, les Français seront appelés aux urnes pour se prononcer sur le sort des aéroports de Paris. D’aucuns diront que ce n’est pas grand chose et que le sujet n’est peut-être pas le plus essentiel, reste que cette initiative a le mérite d’exister et fait écho aux aspirations démocratiques de nombreux Français qui se sentent dépossédés de leurs attributs citoyens.
Car, à n’en point douter, les Gilets Jaunes ont obtenu quelques victoires.
Dans son discours de politique générale, Edouard Philippe a laissé entendre que le gouvernement proposerait des mesures de démocratisation de la vie publique, comme Emmanuel Macron l’a fait il y a quelques semaines. Utilisant l’expression de « démocratie participative », le Premier ministre pourtant réfractaire aux changements institutionnels, à l’image de ses anciens camarades de jeu des Républicains siégeant au Sénat, a annoncé une réduction du nombre de parlementaires et l’élection de 20 % des députés à la proportionnelle. Bien sûr, au regard de la crise de représentativité majeure que connaît la France, ces demi-mesures seront très largement insuffisantes. En outre, la « démocratie participative » semble n’avoir d’intérêt aux yeux du gouvernement que lorsqu’il s’agit d’écologie, probablement réduite à la portion congrue.
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La prise en compte par l’exécutif de la défiance populaire est donc extrêmement faible. Dans un discours dénué de souffle et truffé d’éléments de langage policés de haut-fonctionnaire, dont les inspirateurs cités furent Alain Juppé et Michel Rocard, Edouard Philippe avait tout du sous-préfet. Attaquant les Français qui auraient « peur de l’avenir » et « peur de perdre le contrôle », le Premier ministre a toutefois envoyé quelques signaux à son nouvel électorat, à l’aide de quelques postures droitières. Et il a « en même temps » sorti quelques perles, telle que cette phrase qui pourrait rester à la postérité pour son ridicule achevé : « Nous devons nous assurer que les demandeurs d’asile choisissent la France pour ses valeurs ». Au juste, ce ne sont pas les peurs qui doivent être combattues, mais bien les faits objectifs qui poussent à avoir peur. Pareillement, les Français n’ont pas peur de perdre le contrôle : ils constatent que l’Etat l’a perdu depuis longtemps !
Au juste, ce ne sont pas les peurs qui doivent être combattues, mais bien les faits objectifs qui poussent à avoir peur.
Les Gilets Jaunes sont comme Emmanuel Macron, pris au piège du déclin et de politiques mises en place depuis plusieurs décennies. Ce qu’on peut reprocher à Emmanuel Macron est de renoncer à être autre chose qu’un liquidateur judiciaire accélérant le dépeçage sans que par ailleurs ne soit trouvé un autre chemin viable. La croissance n’est pas « au plus haut », c’est un cache misère. Jamais le coût de la vie n’a été aussi élevé, inversement proportionnel à la qualité de vie. Sur les questions énergétiques, la démagogie gouvernementale est par exemple criante : éoliennes et disparition progressive du parc nucléaire. La pollution ne baissera pas mais les factures d’électricité risquent de s’envoler, le nucléaire étant quatre à cinq fois plus rentable que l’éolien qui occasionne aussi une importante pollution visuelle. Autre exemple intéressant que celui de l’Etat souhaitant aider Renault à développer la voiture électrique quand partout ailleurs cette technologie est abandonnée au profit de l’hydrogène.
Nous sommes à rebours du monde, à contre-courant. Quant aux Gilets Jaunes, ils subissent des rééquilibrages terribles – et pourtant pévisibles -, les Etats émergents créant de nouvelles classes moyennes au moment même où elles disparaissent dans tout l’Occident. Ray Davies, célèbre leader des Kinks, le disait récemment en entretien : « Je ne pourrais plus écrire Village Green Preservation Society, Londres n’est plus britannique et il n’y a plus de classes intermédiaires. Seuls les pauvres et les hyper riches existent encore ». Sortira-t-on de la crise en écoutant les utopies dangereuses de quelques faux prophètes incapables de « donner leur avis » sur les sujets « dont ils ne sont pas spécialistes » ? On pensera notamment à Etienne Chouard qui a fait polémique dans une interview accordée au Média, faisant la démonstration par l’absurde des limites de son propre corpus d’idées.
En réalité, la question qui lui était posée sur le génocide des juifs avait tout à voir avec le « RIC ». S’il faut être spécialiste de tout pour pouvoir se faire un avis, cela signifie que les scientifiques ou les chercheurs n’ont plus aucune autorité. De ce fait, les citoyens non plus. Pourquoi donc pourraient-ils voter tous les sujets en conséquence ? Après tout, nous ne sommes « sûrs de rien ». Dans De la démocratie en Amérique, Tocqueville écrit : « Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d’autrui met son esprit en esclavage ; mais c’est une servitude salutaire qui permet de faire un bon usage de la liberté ».
D’où la nécessaire urgence de prendre tout ce qui est disponible et d’accélérer le grand remplacement politique.
On pourrait rétorquer à raison que les « experts » et les « élites » ont tellement trahi qu’il devient difficile de leur accorder une quelconque confiance. C’est exact. D’où la nécessaire urgence de prendre tout ce qui est disponible et d’accélérer le grand remplacement politique. Pour l’heure, nous sommes tous pieds et poings liés, gagnés à une forme d’impuissance acquise qui nous empêche de sortir par le haut de la crise existentielle persistante qui sape les fondements mêmes de la France. Il ne faut pas se contenter d’être « contre » les politiques de Macron ; il faut proposer une histoire plus désirable que celle qu’il raconte présentement. Est-ce si difficile ?
Gabriel Robin
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