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Karl Lagerfeld s’est éteint. Le « Kaiser » était peut-être la dernière grande personnalité du monde de la mode française, en dépit du fait qu’il fut Allemand par le sang. Une vie entière consacrée au luxe, à l’avant-garde, aux vêtements pour hommes et pour femmes, animée par une vision totale de son art, d’aucuns diraient totalisante. Au service de la maison Chanel, Karl Lagerfeld est devenu avec le temps une marque en propre. Quitte à y perdre son âme ?
La liberté de ton, la culture et les déclarations fracassantes de Karl Lagerfeld avaient réussi à faire de lui un bon client des médias. On se souvient ainsi bien de quelques-uns de ses bons mots, pour lesquels il tentait parfois péniblement de s’excuser, une fois l’orage passé. Jugé grossophobe, vent debout contre l’arrivée des « migrants » en Allemagne, Karl Lagerfeld avait même exprimé un point de vue similaire à celui des couturiers Dolce et Gabbana sur la question de l ‘adoption d’enfants par des couples d’homosexuels de sexe masculin : « J’aime les lesbiennes qui ont des enfants, mais je suis contre le fait que des hommes gays adoptent parce que les enfants ont besoin d’une mère. Ma mère disait que les hommes n’étaient pas importants. C’est possible d’avoir un enfant sans père, disait-elle. Ça m’a sans doute influencé. Ça doit être horrible de ne pas avoir de mère. Je n’aime pas l’idée de deux pères ». Kaiser Karl était donc un esprit libre, voire anachronique en une époque où la parole publique est si contrôlée, hypocrite et soumise à un ensemble de totems et de tabous étouffants.
Il faut dire qu’il avait été à bonne école avec l’amour de sa vie, le flamboyant Jacques de Bascher, hobereau vendéen fantasque et dépeint comme réactionnaire qui avait pris pour modèle la galerie des personnages de Proust et Thomas Mann, sorte de réincarnation seventies du comte Robet de Montesquiou avec lequel il cultivait la ressemblance jusqu’à la fine moustache et à la canne-épée. De cet amour pur et non consommé, Karl Lagerfeld tira la quintessence de son art, magnifiant les hommes et les femmes comme pour mieux conjurer la massification des goûts par la culture pop qui a tout emporté sur son passage au tournant des années soixante. Ce Faust de Jacques de Bascher, ennemi juré et intime de Pierre Bergé, était-il si diabolique que ne le veut la légende noire ? Décadent, vivant une vie insouciante et luxueuse, Jacques de Bascher ne semblait pourtant pas dupe de la comédie qu’il jouait aux autres et à lui-même.
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Sa disparition coïncida d’ailleurs avec le déclin artistique de Karl Lagerfeld, devenu sa propre parodie, habillant les amateurs de spritzs de costumes trop courts et trop serrés qui les font ressembler aux majordomes d’autrefois toujours vêtus de noir et de blanc. Sa mode n’était plus, suivant la tendance qui finit toujours par être ringarde, pour reprendre les mots de Karl Lagerfeld. Au moins avait-il gardé sa force de travail et son esprit, jamais avare d’une pirouette. Regrettait-il l’évolution du monde ? Il est possible de le croire. Restera donc ce mystère : pourquoi avoir contribué à un effondrement qu’il réprouvait probablement ? Tel un aristocrate austro-hongrois d’avant Guerre, il emportera son secret dans sa tombe.
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