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Le déclin des ‘Papers’ Britanniques, ça presse

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Publié le

15 septembre 2018

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Leur mort avait été annoncée avec l’avènement de la radio, puis de la télévision. Mais cette fois ci, les réseaux sociaux et le net semblent sonner le glas des « Papers » au Royaume-Uni, parachevant leur mort lente : et inéluctable ?

 

Pas vu, Papier

Les recettes publicitaires des journaux papiers se sont effondrées de cent douze millions de Livres (environ 125 millions d’euros) sur la seule année 2015. La jeunesse Britannique se tourne vers l’information « gratuite » obtenue sur les réseaux sociaux : 28% des 18-24 ans déclarent que c’est leur principale source de « news ». D’autre part le lectorat âgé qui privilégie les journaux papiers étant en déclin démographique constant, les tirages fondent quasiment sans exception comme neige au soleil.

C’est sans grande surprise donc que l’on constate qu’entre 2010 et 2018, la majeure partie des journaux quotidiens outre-manche aient vu leurs tirages être peu ou prou divisé par deux. C’est le cas par exemple du Sun, du Daily Mirror, du Daily Star, du Daily Telegraph, du Daily Express, du Guardian, du Daily Record, et même de l’illustre Financial Times. À titre de comparaison, la baisse est proportionnellement bien moins significative en France, même si les grands quotidiens hexagonaux ont un tirage en moyenne largement inférieur aux Britanniques. Le tabloïd The Sun, par exemple, se tire en moyenne encore à un million cinq cent mille exemplaires quotidiennement, là où Le Figaro dépasse à peine les trois cent mille tirages. Il faut souligner que les rares jeunes qui lisent encore les quotidiens papiers au Royaume-Uni se concentrent essentiellement sur les tabloïds, ce qui pourrait expliquer le score encore élevé du Sun.

 

The Independent avait pris la décision historique d’arrêter tout format papier pour devenir uniquement un site internet

 

Le triste exemple de The Independent est dans la tête de beaucoup de quotidiens. De 2000 à 2016, son tirage papier s’est divisé par quatre, finissant au maigre résultat de cinquante-cinq mille exemplaires. Les impressions étaient si faibles que le quotidien progressiste, européen et de centre gauche avait pris la décision historique d’arrêter tout format papier pour devenir uniquement un site internet et une application.

  

Digitaux ou tard

Au vu des tendances lourdes des dernières années voire des dernières décennies, il parait difficile de croire que les quotidiens pourront rester en format papier sur le long terme. La prochaine victime en liste pourrait être The Guardian, journal de gauche réputé pour être celui des professeurs, et qui soutient fréquemment le parti travailliste. D’ailleurs ce quotidien a déjà une vraie présence digitale, ce qui pourrait rendre la transition relativement douce. Il fait déjà partie des plus consultés sur ordinateur, avec une moyenne de 8,7 millions de lecteurs par mois. En impressions quotidiennes la diffusion a chuté de trois cent mille à cent cinquante mille de 2010 à 2018.

 

Lire aussi : Telford : La tyrannie «antiraciste» a mené à la «traite des blanches» 

 

Mais même la dimension digitale pourrait se révéler insuffisante pour sauver des journaux moribonds. La prolifération récente des bloqueurs de publicité tel que AdBlock volatilisent une partie significative des revenus publicitaires sur le net. Et par-dessus tout, le nerf de la guerre devient de plus en plus clairement les réseaux sociaux. Les jeunes (et les moins jeunes) s’en servent énormément comme porte d’entrée vers le net, ce qui créé une dépendance à la publicité mais également aux « GAFA » plus Twitter, Weibo, etc.

Il y en a eu une éclatante démonstration lors de récentes expérimentations de Facebook avec ses algorithmes. Ces menues modifications ont donné des sueurs froides aux médias qui dépendent beaucoup de leur visibilité en ligne à travers la planète. Selon les plus grands médias Australiens, comme News Corp, SBS, Seven West Media, Nine Entertainment et le Australian Press Council, Facebook avait depuis ses changements la possibilité de faire chuter le trafic vers leurs sites de moitié du jour au lendemain. Parmi ces changements se trouvaient la décision de favoriser les publications de la famille et des amis de l’utilisateur, au détriment des « news ». Ou comment quelques lignes de code peuvent mettre à genoux en quelques heures une industrie autrefois toute-puissante, celle du Royaume-Uni n’échappant évidemment pas à la règle.

 

Le London Evening Standard a pris en 2009 la décision de garder le support papier mais de devenir gratuit

 

Le nouveau Standard

Le London Evening Standard est quotidien distribué uniquement à Londres. Il était en proie dans les années 2000 à un déclin constant, et a pris en 2009 la décision de garder le support papier (avec déjà un site internet) mais de devenir gratuit. Cette stratégie a fait bondir son tirage de 230 000 à 600 000 en un an, sans pour autant faire significativement augmenter ses revenus. Avec le recul cela apparaît tout de même comme la meilleure décision possible, leurs tirages quotidiens étant stables à presque 900 000 depuis trois ans. Mais il y a un prix. Sa dépendance totale à la publicité pose des problèmes, comme le fait de devoir parfois faire des Unes intégralement complètes « offertes » à une marque, diminuant ainsi la chance que le journal soit lu. Le rôle du journaliste se réduit au remplissage des espaces vides aimablement laissé par les publicitaires du journal. 

 

Le Mail dominant

Les journaux Britanniques ne sont pas tous dans une situation comparable, loin de là. Le Daily Mail, seul à s’assumer résolument de droite, conservateur et ayant soutenu avec ferveur le Brexit, domine la scène des quotidiens du Royaume-Uni (à l’exception une fois de plus du tabloïd The Sun). Cela ne l’empêche pas de décliner lentement comme tous les autres quotidiens. Mais avec un tirage quotidien de plus d’un million trois cent mille exemplaires, la question de sa survie financière ne se pose pas encore aujourd’hui.

 

Le tirage quotidien du Daily Mail est presque presque dix fois supérieur à celui du Guardian.

 

Sur tablette, le champion anglais reste le Daily Mail, avec 4,8 million de lecteurs par mois, ce qui est le fruit il est vrai d’investissements financiers conséquent.

La « droitisation » de l’opinion publique Britannique est visible dans les dynamiques du tirage des quotidiens. Celui du Daily Mail est presque presque dix fois supérieur à celui du Guardian. Cela s’explique aussi par le fait que le Mail est bien seul sur son créneau idéologique, là où il y a embouteillage à gauche et au centre-gauche. Étant impossible de voir naître de nouveaux quotidiens au Royaume-Uni, et étant fort improbable également de voir des changements marqués de lignes éditoriales au vu de l’idéologie dominante chez l’essentiel des journalistes, le Daily Mail semble parti pour rester au sommet pour un moment. Comme quoi, quand les quotidiens ne touchent pas de subventions de l’état, les aspirations du peuple deviennent plus lisibles. Et visiblement les quotidiens aussi.

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