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Le péril jaune

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Publié le

24 novembre 2018

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Le préfet de police Michel Delpuech l’avait juré. Personne n’entrera sur les Champs-Elysées. Il aura fallu 9 heures de combat et tirer des milliers de munitions pour que les forces de police reprennent au peuple la plus belle avenue du monde.

 

9h. Lorsque nous sommes arrivés en bas des Champs-Elysées, les policiers commençaient doucement à former leur ligne. Il n’y avait pas un chat sur le champs de mars où la manifestation devait -légalement- avoir lieu. Les gilets jaune remplissent toute l’avenue de la concorde à l’étoile. Les manifestants étaient clairement venus pour en découdre.

 

Crédit : Louis Lecomte pour L’Incorrect

 

Ils sont en majorité des jeunes et des actifs. Artisans, ouvriers, agriculteurs. des pères de famille, des apprentis. Des travailleurs. Une France fière, qui vit à la dure et qui refuse de se plaindre. Une France des périphéries, loin des villes, qui a accepté tous les sacrifices parce que son organisation est depuis toujours basée sur les solidarités naturelles. Une France qui paie ses impôts sans rechigner, parce qu’elle sait que chacun doit contribuer au bien commun. Mais une France qui se meurt, qui n’a plus de travail, plus de services publics, plus de lignes de train, et bientôt plus d’essence. Une France à qui les bourgeois mondialisés demandent d’avoir la politesse de mourir en silence.

 

Lire aussi : Révolte française : les Gaulois doivent agir comme des Romains

 

Mais politesse bien ordonnée commence par soi-même. On n’accepte pas de mourir par politesse. C’est pour cette raison que très vite vers 9h30, des manifestants ont commencé à mettre la pression aux CRS qui barraient l’accès à la Concorde. L’extrême gauche revendique un savoir-faire unique en guérilla urbaine. Elle a tort. L’immense majorité des manifestants descendaient dans la rue pour la première fois, et ont démontré que le Français a la manif dans le sang.

Les CRS ont chargé très rapidement pour dégager le rond point des Champs-Elysées. Des gilets jaunes ont arraché les barrières de chantier pour fabriquer des lances avec leurs poteaux et des boucliers avec les plaques et les grilles. Cette première ligne très mobile avançait et reculait en fonction du mur de fumée lacrymogène. Pendant qu’il temporisaient les déplacements des CRS, des manifestants arrachaient des pavés en se servant du matériel de chantier. Le mobilier urbain est arraché et entassé pour construire une barricade. Les CRS se sont alors mis en colonnes pour donner l’assaut. Leur but est semble t-il de nettoyer l’avenue en la remontant. Deux canons à eau se sont mis en position pour appuyer les bleus. L’assaut est donné sans sommation. L’enfer se déchaîne en quelques secondes.

 

Une grenade artisanale. Crédit : Louis Lecomte pour L’Incorrect

 

C’est la guerre. Les forces de l’ordre prennent d’assaut la barricade, en la noyant sous les grenades et les flash-ball. Les gilets jaunes se sont défendus en lançant des pavés et en tirant des feux d’artifices. Les CRS ont tiré des capsules de gaz lacrymogène un peu partout, striant le ciel de fines traînées grises en étoile. Il y avait quelque chose d’antique dans cette scène où des Gaulois courageux et colériques affrontaient des tortues romaines. A mains nues face à des CRS protégés de pied en cap et appuyés par le feu, impossible de tenir plus longtemps la position. La première barricade est enlevée.

 

S’il a ouvert sa fenêtre, Emmanuel Macron ne pouvait pas ignorer les bombes, les cris, et ne pas sentir les lacrymogènes.

 

Les CRS se sont finalement arrêtés. Ils ont dégagé les gravats pour faire passer leurs camions. Pour se protéger, ils ont noyé l’avenue sous les gaz. La visibilité ne dépassait pas les dix mètres. De temps à autre, une grenade sortait du brouillard pour exploser et projeter ses éclats. L’une d’entre eux m’atteignait à l’épaule. La douleur fut vive mais se dissipa. Le nuage de gaz se dissipa aussi, sur les rangs bleus et leur boucliers qui avançaient. Parfois un obus n’explosait pas en vol et tombait au sol, flambant quelques secondes avant d’exploser. Les CRS répéteront la manoeuvre trois fois. A chaque fois des gilets jaune courageux se sont battus pour tenir la position. Vers 15h, il stopperont même les combats pendant trois quart d’heure, pour se réapprovisionner en munitions.

Le conservateur est par nature anti-révolutionnaire. Mais quand un peuple est à ce point humilié et appauvri par son élite, il est moral de descendre mettre physiquement la pression à ses dirigeant. Les mouvements de foule sont souvent dangereux et bêtes. Mais aucun vrai Français ne peut être insensible au cris des citoyens et au bruit des bouteilles qui éclatent. Le Français a l’émeute dans le sang. Dieu que ce peuple est courageux.
 

 

Un casque Adrian, cent ans après. Crédit : Louis Lecomte pour L’Incorrect

 

Cette manifestation est parfaitement inédite. Par sa violence, par sa radicalité, par le courage des manifestants, et par leur remarquable courtoisie. Au milieu du chaos, un Porsche Cayenne blanc immaculé traverse l’avenue. Dans n’importe quelle manif de gauche, il se serait fait détruire instantanément. Ici, des manifestants leur indiquent leur chemin. Lunaire. Des manifestants font poliment la queue devant une boulangerie en pleine émeute. Les vitrines sont intactes. Certaines seront dégradées tard dans la soirée par des populations plus habituées à la violence urbaine. En parlant de population, force est de reconnaître que la diversité n’était pas au rendez-vous. Les manifestants chantent marseillaise sur marseillaise.

 

A mains nues, même avec du mobilier urbain, le manifestant ne peut pas mettre en danger le CRS. Lors des révolutions de 1789 à la Commune de 1871, un citoyen avec un fusil de chasse n’était pas si loin de l’équipement d’un gendarme. Désormais, la rue devra impérativement passer par les urnes pour changer quoi que ce soit

 

A mesure que les policiers avançaient, les gilets jaune empruntaient les rues adjacentes et reprenaient possession de l’avenue. Des groupes cernaient tout le faubourg Saint Honoré. S’il a ouvert sa fenêtre, Emmanuel Macron ne pouvait pas ignorer les bombes, les cris, et ne pas sentir les lacrymogènes.

Le soir tombait sur Paris. Les décorations de Noël contrastaient de manière baroque avec les feux au milieu de l’avenue. Les combats continuaient dans les rues adjacentes et avenue de la Grande armée. L’écart technologique et d’équipement entre les manifestants et les forces de police et les manifestants, entre l’Etat et le citoyen est désormais trop grand. A mains nues, même avec du mobilier urbain, le manifestant ne peut pas mettre en danger le CRS. Lors des révolutions de 1789 à la Commune de 1871, un citoyen avec un fusil de chasse possédait un équipement proche de celui d’un gendarme. La rue devra impérativement passer par les urnes pour changer quoi que ce soit. Il n’y a pas de réelle récupération politique du mouvement pour l’instant, mais il est certain qu’il lui faudra une incarnation.

 

Crédit : Antoine.Ax

 

Crédit : Antoine.Ax

 

Crédit : Antoine.Ax

 

Le bilan de cette journée n’est pas quantifiable instantanément. Comme les Manifs pour tous, ces journées donnent de la confiance et font découvrir leur force aux masses silencieuses. D’autre part, le fait d’être assiégé dans le faubourg saint Honoré, entouré d’explosions et sous le brouillard a dû mettre une pression considérable à Emmanuel Macron. Il terminera très probablement son mandat, protégé derrière ses bleus. Mais il ne perd rien pour attendre. Obama a eu son Trump. On ne vous divulgâchera pas 2022.

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