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Le vent mauvais du « progressisme » : de l’ère du soupçon au complotisme

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Publié le

20 décembre 2021

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Dans une tribune pour L’Incorrect, Christian Vanneste, l’ancien député UMP et président du think tank Droite Libre, dénonce le nihilisme progressiste et ses avatars, wokisme et cancel culture. Et si le complotisme contemporain, tant brocardé, n’était qu’un soupçon renversé contre le progressisme qui lui-même ne fut que soupçons ?
woke

On a résumé le substrat philosophique de 1968 par la formule de « l’ère du soupçon », empruntée à Nathalie Sarraute, pour désigner les penseurs qui dénichaient  les causes cachées des certitudes les plus ancrées dans nos sociétés, nos institutions, lesquelles étaient ainsi dévoilées comme des illusions. Avec Nietzsche, Dieu mourrait pour laisser place à la volonté de puissance et au ressentiment ; avec Marx, l’idéologie dominante, la religion, le droit s’expliquaient par les intérêts de la classe au pouvoir ; avec Freud, la créativité humaine trouvait sa source dans la sexualité et son refoulement. Bref, le « haut » s’expliquait par le « bas », la beauté du bâtiment trouvait sa source à la cave, près de la chaudière. La réflexion et le doute méthodique nécessaires aux sciences exactes se faisaient enquête, procédure à charge, et corrosion systématique dans les sciences dites humaines, pour lesquelles « l’homme » était mort, puisqu’il n’était qu’un animal comme les autres, plus complexe peut-être mais dont le langage, la pensée, la culture, la psychologie pouvaient être déconstruits, réduits en structures déterminantes qui effaçaient la solidité et l’identité du sujet, de la conscience, de la cité, de la civilisation.

La « cancel culture », efface le porteur du mal, le mâle quinquagénaire blanc catholique et hétérosexuel en priorité, puisqu’il porte toutes les tares

Cette démarche nihiliste s’est exportée au-delà de l’Atlantique, a fait florès dans les universités américaines et, comme un boomerang, est revenue, sous une forme moins philosophique, par le biais d’un terrorisme intellectuel et d’un activisme militant. C’est le « wokisme », de woke qui signifie éveillé, c’est-à-dire soupçonneux, attentif à dénoncer. La cible n’était plus l’idéologie installée et ses totems, mais très concrètement les hommes ou les choses en lesquels elle s’incarnait ou se réifiait. Il ne s’agissait plus de s’attaquer au socle de la statue, mais à la statue elle-même, de la démonter, de même qu’on interdirait à un blanc de traiter du racisme, ou à un mâle de parler du sexe. Il s’agissait moins de « critiquer » des idées que de dénoncer ceux qui les portaient, et de les bannir de tout débat, de discriminer et d’exclure au nom de la lutte contre la discrimination et l’exclusion. La libération se muait en oppression, l’antiracisme en racisme inversé, la lucidité sur le lien entre une langue et une pensée en novlangue obligatoire et inclusive, le sexe libéré en genre déterminant. Ce dernier point révèle la supercherie : le sexe est biologique même si les sociétés l’habillent différemment suivant leur culture. Sous la construction, il y a une réalité. En niant celle-ci, en s’appuyant sur une notion grammaticale, et donc totalement culturelle, la théorie du genre est bel et bien une « construction », tellement vaseuse qu’elle défendra à la fois le caractère impératif de l’appartenance à un genre, qui ne serait pas un choix sur lequel on pourrait revenir, et « en même temps » la validité d’un « genre » bisexuel ou d’un “transgenre”. La logique impose le principe de non-contradiction. Le propre de ce progressisme dévoyé est de ne plus en tenir compte. L’intersectionnalité est un autre signe de cette impasse lorsque des « féministes » s’attaquent au catholicisme, non à l’islam, parce que les musulmans feraient partie eux-aussi des « dominés » qu’il faut émanciper non de leur foi clairement phallocrate, mais de notre culture oppressive.

L’autre expression anglo-saxonne dont on nomme cette démarche est « cancel culture », par laquelle on efface le porteur du mal, le mâle quinquagénaire blanc catholique et hétérosexuel en priorité, puisqu’il porte toutes les tares. Dans la tradition américaine de Salem, la chasse aux sorcières est ouverte. Le désir d’égalité, le refus de l’exclusion, la volonté d’émancipation sont devenues d’abord l’attribution de privilèges compensateurs sous le nom de discrimination positive (affirmative action importée des États-Unis), puis chemin faisant, exclusion et soumission inversées dans un grand délire revanchard. Nous en sommes là. L’Église catholique, ses prêtres célibataires et sa hiérarchie masculine constituent une cible de choix. L’humilité qui imprègne sa réaction, la culpabilité qui est au cœur de sa foi en font une proie rêvée pour un magnifique coup double : le temple de l’ordre familial et phallocratique, le foyer de l’Occident chrétien, défenseur du conservatisme sociétal sera abattu grâce à ses faiblesses dans les domaines dont il se voulait le gardien. La renaissance d’une laïcité agressive et surannée interdisant les croix et les crèches, la violence islamique à l’encontre des prêtres, des lieux de culte, des processions, sont des menaces auxquelles les chrétiens peuvent faire face, mais la « pédophilie » à l’intérieur de l’Église est une blessure qui risque de la rendre impuissante à se défendre parce qu’elle aura perdu son crédit moral. Il lui sera notamment difficile d’intervenir dans le domaine de la morale sexuelle, de la conception de la famille, des questions sociétales en général. Il lui restera la défense et promotion de l’immigration comme d’autres ONG…

Lire aussi : Bêtise et hybris, les deux mamelles du complotisme

L’emploi systématique de l’adjectif « systémique » par le rapport Sauvé « sur les violences sexuelles dans l’Église catholique » n’est pas innocent. Il revient à mettre en accusation l’institution elle-même. Sans nier le problème, il faut rappeler que les chiffres donnés ne sont que des évaluations statistiques, et que leur pourcentage, 0,82% des agressions sexuelles commises par 2,5% des religieux, demeure heureusement marginal plus que systémique. L’affaire Aupetit avec un lynchage médiatique suivi d’un lâchage pontifical est troublante. L’Archevêque a déjeuné avec une amie, s’est promené avec elle, et, médecin, aurait pratiqué un massage sur une autre personne. Paris-Match a pris les photos et en a tiré un roman. Une plainte a été déposée. D’autres, apparemment moins suspects, comme Le Point ont voulu vendre du papier. Bizarrement, le pape a accepté rapidement la démission sans connaître le dossier qu’il a évoqué avec légèreté dans l’avion, comme à l’habitude, en se trompant sur les faits. Cette décision précoce s’est soumise à  la calomnie chantée par Don Basile…

Lorsqu’on essaie d’établir un lien entre ces assauts menés contre les institutions, les valeurs et les hommes qui sont les piliers de notre civilisation, des États nations qui la protègent, de l’Église qui l’a transmise, pour réduire l’humanité en une poussière d’individus, dépossédés de leur identité véritable, naturelle et culturelle, éparpillés en de multiples communautés factices, et finalement broyée par le grand marché mondial, et qu’on tente alors de désigner ceux à qui profite le crime, alors la pire des accusations tombe : complotiste ! Et si le complotisme n’était que le soupçon retourné contre le progressisme mortifère dont le soupçon a été l’arme essentielle.

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