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L’anse d’un mug est tantôt à droite – si vous regardez son avant – et à gauche – si vous l’imposez à votre interlocuteur. Dans une société de l’image, il ne pouvait pencher que d’un côté.
Mug est masculin. Il se prononce meugue et remplace moque, qui est français et féminin. La moque est un cylindre bien large pourvu d’une anse, que les marins affectionnaient car il permettait de boire sans renverser. Boire le café ou le rhum, voire le bouillon, qu’importe, la moque était loyale et franche, en faïence ou en métal, facilement posée et restant à sa place, comme une ordonnance discrète et efficace, la gardienne fidèle des menus plaisirs du bord – car enfin, que serait la vie à bord d’un navire si on ne finissait pas par empoigner sa moque, ou une moque pour y verser le chaud ou le froid, le revigorant en tout cas ? Le meugue la remplace, désormais. Il est lui aussi pratique mais impérialiste, laid et enlaidissant. Il ne faut que quelques moments de réflexion pour déceler en lui son côté agent low tech du mondialisme. Que s’est-il passé ?
Enthousiasmés par sa simplicité, sa rusticité, son abord sans chichi, de malheureux fous ont sorti le gobelet ansé des cambuses et des salles de quart pour l’envoyer aux quatre coins de la planète conquérir les open spaces… Finis les services à café délicats, où la porcelaine s’armoriait parfois d’un logo discret ou d’un monogramme fileté ! Finis les tintinnabulements des tasses sur leurs soucoupes, qui annonçaient, du fond du couloir, l’arrivée du thé ! Désormais, le mug règne et avec lui le café fadasse et les potages en sachet…
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Désormais chacun a sa tasse, bien à lui, avec marqué Super Papa, You’re the one, Los Pollos Hermanos ou Plus belle la vie, tasse normalisée, calibrée et horriblement décorée, photos de vacances et d’enfants, portraits de « besta sista », soleils couchants et citations de Bouddha. Le meugue s’impose, on n’admet dans certains endroits que le meugue officiel aux couleurs de l’entreprise, on l’offre aux clients, on soudoie les influenceurs avec des séries limitées, les gens riches l’habillent de crocodile, les malheureux collectionnent les gobelets de leurs séries préférées, ouvrir l’armoire à vaisselle d’un ami est désormais une épreuve pour les gens de goût qui préfèrent n’aider en rien et ne pas contempler les ramassis disparates disant les trop coupables loisirs de leur hôte, quitte à passer pour des goujats.
Il y a en ce moment, posé devant moi, le mug célébrant le mariage du prince Charles et de Lady Diana, avec leurs portraits en couleurs, et la médaille frappée à l’occasion du mariage de Henri, comte de Paris, et de Marie-Thérèse de Wurtemberg. La comparaison est pénible. Le meugue n’avantage pas la monarchie. Quand on a sa tête sur un meugue, on n’est pas loin de se faire appeler citoyen. Le meugue ravale, il abaisse, il uniformise, il fait passer la fantaisie du moment pour de l’intelligence ; il lui manque la soucoupe, il lui manque de devoir être complémentaire, solidaire, subsidiaire, uni pour la vie. Il lui manque d’être précisément borné. Il lui manque la mer. La moque était du peuple, le meugue est de gauche.
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