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L’islam existe bel et bien, et l’islamisme fait partie de lui

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18 mai 2021

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Dans son article au titre volontairement accrocheur – « L’islam n’existe pas », Marc Obregon associe une brillante réflexion et ce qui me semble être une erreur de fond. Je remercie l’Incorrect de me donner l’occasion de lui répondre et de nourrir dans ses colonnes un débat devenu indispensable sur la nature de l’islam.
islam

Une brillante réflexion : sans flagornerie, Marc Obregon propose un beau travail de fond sur l’adaptation de l’islam à la modernité, et sur certaines des raisons pour lesquelles des individus prennent fait et cause pour l’islamisme. En effet, une société qui a perdu le sens du sacré ne peut que précipiter ses enfants dans les bras des premières idolâtries venues, de l’obsession woke pour la pureté originelle fantasmée des « bons sauvages » à la vénération du fric et de la rolex à 50 ans, en passant par le culte du dieu-tyran des islamistes. Et comme le dit également Marc Obregon, rien de tout cela ne saurait proposer quoi que ce soit de valable à l’Occident, fut-il décadent, et surtout pas un islam aussi vide de spiritualité qu’il est plein d’arrogance.

Lire aussi : L’islam n’existe pas

Mais une erreur de fond : l’analyse du contexte ponctuel qui favorise les adhésions massives à une idéologie ne saurait se confondre avec l’analyse de cette idéologie elle-même, en particulier lorsqu’elle s’inscrit dans une histoire longue de quatorze siècles.

Ainsi, lorsque Marc Obregon écrit que « l’islam tel qu’il se pratique en Europe relève plutôt d’un syncrétisme civilisationnel bien loin de l'islam véritable », il faudrait préciser ce que pourrait bien être « l’islam véritable », tant « l’islam » est en réalité un phénomène pluriel. Est-ce donc celui d’Ibn Rushd / Averroës, ou celui au nom duquel les œuvres d’Ibn Rushd furent jetées au feu dès le lendemain de son décès ? Est-ce celui d’Al Kindi, pétri de philosophie gréco-latine, ou celui d’Al Ghazâlî, pour qui la démarche philosophique et l’islam sont radicalement incompatibles ? Où est-ce celui du Prophète, tel qu’on peut le reconstituer à partir du texte coranique et de ce que la tradition musulmane dit que fut sa vie ? Et dans ce dernier cas, force est de reconnaître qu’il s’agit de ce qu’on appelle l’islamisme, dans tout ce qu’il a de pire.

Marc Obregon qualifie Rumi et Ibn Arabi de « pères fondateurs ». Si seulement ils l’avaient été ! Mais dans le temps long, ils apparaissent plutôt comme de trop brefs éclats de lumière, au mieux des parenthèses enchantées, des exemples d’un islam authentiquement spirituel qui certes a toujours existé, mais toujours minoritaire et étouffé. Bien plus fondateurs hélas ont été le choix imposé par le Prophète lui-même aux Banu Thaqif à Taëf, « la conversion ou la mort », et le message de Khalid Ibn al Walid à ses ennemis avant la bataille des chaînes : « Vous avez le choix entre la conversion, la soumission et la mort, car j’arrive avec des hommes qui aiment la mort comme vous, vous aimez la vie ». Phrase que l’on retrouvera presque à l’identique dans la bouche de Mohammed Merah face au GIGN.

« Vous avez le choix entre la conversion, la soumission et la mort, car j’arrive avec des hommes qui aiment la mort comme vous, vous aimez la vie »

L’islam politique est devenu quasiment le seul islam, c’est un fait. Mais il ne s’agit en rien d’une nouveauté : dès la fameuse « constitution de Médine » (en réalité le pacte de Yathrib), la « communauté musulmane » (on me pardonnera l’anachronisme) se dote d’une structure de type théocratique. Ce que l’on nomme aujourd’hui « islam politique », et qu’il vaudrait mieux appeler « islam théocratique », n’est pas une utilisation politique de l’islam : c’est une négation de la sphère politique, réduite à n’être qu’un instrument au service de la religion, et plus précisément d’un messianisme immanentisé et apocalyptique. Les actes d’un islamiste ne s’inscrivent pas dans un projet politique mais d’abord eschatologique : établir le royaume d’Allah sur Terre, et donc provoquer la fin des temps ou au moins la fin de l’Histoire.

N’oublions jamais qu’au XIVème siècle déjà Ibn Khaldoun affirmait que le jihad armé conquérant est consubstantiel à l’islam, ni qu’au IXème siècle Ash Shafi’î, dans un vaste travail de synthèse, observait que l’écrasante majorité des penseurs de l’islam considèrent que le vrai jihad, le « combat dans le sentier d’Allah », n’est pas avant tout spirituel et intérieur, mais guerrier et impérialiste.

Ce que Marc Obregon appelle « dégénérescence de l’islam » est en réalité une dégénérescence du bouclier qui protégeait les musulmans de leur religion, la tradition. Cette tradition qui s’est construite par-dessus la religion et à partir d’autres sources : influences perse, gréco-romaine, berbère, et j’en passe. Et cette dégénérescence de la tradition a été une opportunité pour tous ceux qui aspirent à l’islam à l’état pur, la religion sans la médiation de la culture. Coupés de la tradition, nombre de musulmans ont choisi un retour aux sources, c’est-à-dire aux textes sacrés (Coran, hadiths, sunna), à l’exemple de la vie du Prophète, et à celui des « pieux prédécesseurs », ces contemporains et quasi-contemporains du Prophète qu’on appelle les « salafs » - d’où le terme de « salafisme ». On en observe tous les jours le résultat, comme on observe celui de l’aspiration assez similaire d’Ibn Abdelwahhab : « Purifier la tradition par le retour à la religion ».

Bien sûr que l’islam s’est merveilleusement adapté aux codes du narcissisme, de la concurrence victimaire, à la superficialité de la société du spectacle. D’ailleurs, l’aisance même avec laquelle l’islam s’y est adapté nous dit quelque chose de très important à son sujet

« Porter le voile pour une adolescente des cités équivaut à porter un perfecto à clous pour une marginale des années 80 » écrit Marc Obregon. Et bien non : porter le symbole de l’adhésion militante à une idéologie totalitaire qui légitime l’esclavage, veut l’apartheid entre les sexes et criminalise la liberté de conscience, n’est pas seulement une version plus moderne du perfecto à clous. Mais oui, « les enfants d’immigrés pratiquent l’islam comme on surfe sur un site pornographique », et pas seulement les enfants d’immigrés puisqu’on observe la même chose dans le monde musulman. Ils pratiquent la religion comme une addiction, une pratique obsessionnelle vide évidemment de toute spiritualité, et surtout une inéluctable fuite en avant, une soif de toujours plus, pour tenter en vain de combler leur vide existentiel. Toujours plus intensément, jusqu’à ce shoot ultime qu’est la communion parfaite à la volonté d’Allah en tuant et en mourant pour lui[...]

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