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Mélenchon contre Papacito : une fable moderne

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Publié le

8 juin 2021

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Empêtré dans une polémique pour des propos complotistes des plus grotesques, Jean-Luc Mélenchon a allumé un contre-feu pour détourner les regards vers la supposée violence de Papacito. L’ennemi de la République sera donc un youtubeur qui fait des blagues de pet. Article tiré de l’Incotidien.
papacito

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L’heure est grave, les mines sont contrites (enfin on suppose qu’elles le sont derrière l’imparable masque FFP2). Mélenchon a choisi de réagir vite et bien, il a réuni ses lieutenants et a organisé une conférence de presse sur le pouce, en quelques heures : un empressement tout à fait inédit qu’on doit sans doute à la polémique du jour concernant ses propos jugés « complotistes », mais surtout très cons. C’est ce qu’on appelle, en politique, « allumer un contre-feu » : il est vrai que le timing est presque parfait, alors qu’il vient de se faire diaboliser par toute une partie de l’opinion pour des élucubrations tenues ce week-end. L’occasion était trop belle, on lui a servie sur un plateau. Voilà donc le petit homme affectant une mine pénible, presque endeuillée, accablée par la terrible violence des terroristes d’extrême-droite : « J’ai choisi ce moyen de m’adresser à vous parce que je n’en ai aucun autre », chevrote l’édile goitreux de La France insoumise, bien droit dans son petit costard, avec sur le visage l’expression la plus veule et la plus affectée de ce qu’il faudrait appeler « la République offensée ».

« Je vais vous montrer un résumé en images pour vous éviter d’avoir à subir la démonstration des actes odieux qui y sont suggérés […] mais je vous mets en garde sur le fait que ces images sont d’une extrême violence, et que certains pourraient la subir psychologiquement…» On frémit d’avance. De quoi s’agira- t-il ? Alexis Corbière savaté par des motards à la sortie du Dépôt ? Clémentine Autain au saut du lit ? Manuel Bompard filmé en bas-résilles par la petite copine de Piotr Pavlenski ? Même pas.
Ce dimanche 6 juin dans la soirée, le youtubeur et « pamphlétaire » Papacito a mis en ligne une vidéo sarcastique et assez beauf (comme à son habitude) qui se présente comme une sorte de tutoriel destiné à vous apprendre comment allumer un gauchiste. On y voit notre sémillant espinguouin, fringué comme une réplique de Saddam Hussein, se livrer à un « test balistique » sur un mannequin déguisé en « électeur de La France insoumise ».

Lire aussi : Mélenchon, la peste marron

Papacito se fait plaisir, se défoule, rien de très nouveau à vrai dire depuis l’apparition de son blog « Fils de Pute de la mode » (sic) il y a déjà dix ans, où il s’en prenait verbalement et avec un authentique sens de la formule à plusieurs sous-couches de la société dont il regrettait la fragilité et la couardise (pour le dire gentiment) : les bobos, les hipsters, les communistes en sarouels et autres féministes à cheveux bleus passaient déjà un sale quart d’heure, victime de sa verve jouissive (et à l’époque bourrée de fautes d’orthographe, c’était avant les correcteurs automatiques). Une verve qui n’aura pas échappé aux chasseurs de talents de David Serra, gourou cyclothymique de la maison d’édition Ring, spécialisée dans les brûlots inoffensifs contre la pensée globale : Papacito s’était vu proposer un contrat, probablement parce qu’il est pote avec Marsault, autre défenseur d’un humour viriliste et antimoderne (et par ailleurs infatigable plagiaire de Gotlib).

Ring avait trouvé son duo de choc : le dessinateur à gros biscotos et le royco grande gueule fan de dictateurs. Et ça marche : les deux zigues partagent un humour potache qui fait parfois mouche, même si leur vision politique se résume bien souvent à quelques scuds pas finauds dans les dents du politiquement correct. Rien de très dangereux finalement ; une réaction salutaire à la moraline qui marchait surtout sur les 14-19 ans. Pour les médias de la « dissidence », c’est une aubaine : Papacito est un bon client, il maîtrise son sujet et envoie des punchlines à la seconde, avec un sourire communicatif et une évidente maîtrise de l’auto-parodie. On apprenait récemment que lui et Marsault avaient fini par fuir les éditions Ring ventre à terre – pas étonnant lorsqu’on connaît les pratiques du sinistre Serra. Papacito préparait dès lors son retour avec une poignée de vidéos et quelques annonces rocambolesques, dont un « couronnement » attendu comme une arlésienne par ses fans.

Papacito ne fait pas autre chose que de la satire. C’est un amuseur. Ce n’est ni un politique, ni un écrivain, ni un religieux, c’est un youtubeur


Mais voilà : hier c’est le drame. De quoi est coupable l’aimable vidéaste ? Pas de grand-chose à vrai dire. Une énième vidéo satirique qui reprend ses obsessions une par une : en gros, méchants flingues et tartes dans la gueule aux « fiottes » de la France insoumise. Du pur mauvais esprit, pas si éloigné finalement de certains strips d’Hara Kiri, ou même de Charlie Hebdo en d’autres époques. La cible n’est simplement pas la même. Mais tout le monde se souvient de dessins particulièrement violents émis par l’hebdomadaire satirique : or Papacito ne fait pas autre chose que de la satire. C’est un amuseur. Ce n’est ni un politique, ni un écrivain, ni un religieux, c’est un youtubeur. Cette méprise, cette occultation des frontières entre l’idéologie et l’humour, entre le politique et sa représentation, contribue finalement à propulser toutes ces instances dans la même arène, alors qu’elles ne relèvent pas du même domaine de sens, et à les réduire à des « principes actifs » qui n’ont d’autre but que de simplifier le débat, de l’outrer, de l’hystériser, de le faire enfler de manière totalement artificielle.

Papacito a évidemment voulu faire le buzz, tester un peu cette réalité désormais composite, où tout dialogue avec tout, où tout court-circuite tout sans souci de hiérarchisation. Il s’en mordra peut-être les doigts – on ne peut évidemment pas montrer autant de choses qu’on en dit sur un blog ou sur un dessin, même s’il est évident que personne parmi les fans de Papacito ne prendra cette vidéo au sérieux, tout comme il est évident que ces mêmes fans n’ont aucun rapport avec des « radicalisés potentiels ». Le fantasme que brandit La France insoumise et la gauche de Libération face à cette vidéo, c’est celui du skinhead, de l’activiste d’extrême droite des années 80, qui n’existe tout simplement plus aujourd’hui, à quelques exceptions près. L’activiste d’extrême droite d’aujourd’hui a de l’humour, de la culture ; il a troqué depuis longtemps son sweat Lonsdale pour un trois-pièces en tweed, et s’il souhaite faire entendre sa voix, ce ne sera certainement pas en allant ratonner un électeur de Mélenchon, aussi candaule soit-il. Les ratonnades, on laisse ça aux Antifas.

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