Le seppuku de l’écrivain après son faux coup d’État de novembre 1970 est une fin dont l’éclat sanglant nous aveugle. Elle sidéra, elle révulsa, elle fascina ; mais contribua plutôt à obscurcir qu’à éclairer le mystère. Henry Scott-Stokes, ami et premier biographe de Mishima, intitula son excellent livre Mort et vie de Mishima, commençant par la narration de cette journée fatale ; journée qui structure le film que lui consacra Paul Schrader (Mishima, a life in four chapters).
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Ses deux biographies n’en préservent pas moins l’énigme complexe que représente leur sujet. Réinterpréter la vie et l’œuvre de cet artiste miné de contradictions en prenant pour argent comptant la statue de « dernier samouraï » que Mishima érigea dans sa mort, est cependant un piège où tombèrent nombreux de ses thuriféraires droitiers en France et en Europe, nous démontre Giocanti, qui parvient à restituer l’écrivain dans toute sa singularité, ses tensions et sa richesse, mais aussi dans le prisme culturel et spirituel qui est le sien et qui échappe en général au lecteur occidental, s’appuyant pour cela sur une formidable érudition, une connaissance des recherches japonaises et américaines les plus récentes et une familiarité rare avec la culture nippone. L’essayiste, enfin, emploie un dispositif qui déjoue l’impact sidérant de la mort de son sujet, en l’appréhendant à travers les différents masques qu’il revêtit, et qu’il revêtit comme un acteur du théâtre Nô possédé par son personnage : le masque d’Apollon, de l’homme normal, du samouraï, masque pour le peuple ou pour l’empereur, redéployant de la sorte, par une méditation orbitale, le mystère de celui qui fut avant tout un immense artiste. [...]
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