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Abou Bakr Al-Baghdadi a été tué au cours d’une opération des forces spéciales américaines le samedi 26 octobre 2019. Cette ultime victoire contre le Califat islamique permet à Donald Trump de s’offrir un retrait glorieux de Syrie.
L’opération a été menée par les Navy Seals du Joint Strike Operation Command, les mêmes forces spéciales ayant réalisé l’assaut contre Oussama Ben Laden, qui ont cette fois-ci déployé des moyens plus importants – 8 hélicoptères (contre 4 pour l’assaut d’Abottabad). Les mêmes Blackhawks furtifs ont été utilisés pour le transport de troupes ainsi que des hélicoptères d’attaque Apache. Les engins ayant décollé d’Erbil au Kurdistan irakien ont déposé les commandos près de la ville de Bashira au nord-ouest de la province d’Idleb, à 5 kilomètres de la frontière turque. Cette localisation du chef de l’Etat Islamique peut surprendre. En effet, nombre d’observateurs le pensaient retranché parmi ses hommes dans le désert syrien de la Badiya autour de Deir Ezzor. Mais si l’État Islamique ne possède plus de territoires revendiqués à Idleb, nombre de combattants rebelles présents sont des djihadistes. Al Baghdadi cherchait probablement à se créer de nouvelles marges de manœuvre en se rapprochant des groupes djihadistes rivaux, et c’est dans un territoire sous la juridiction du groupe djihadiste Horas Al Din qu’il se trouvait. Celui-ci, officiellement hostile à l’Etat Islamique, a fait défection du puissant groupe Hayat Tahrir al Cham à qui il reprochait de s’éloigner de la ligne d’Al-Qaïda.
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Les hélicoptères ont attaqué un ensemble d’habitations dans lequel se trouvait Abou Bakr Al-Baghdadi et plusieurs de ses proches depuis 48 heures. Des F15 IE et des drones de combat soutiennent l’assaut. Le bâtiment est piégé. Il réussit à s’échapper dans un tunnel avec trois de ses enfants, pourchassé par les Navy Seals. Des chiens de combat sont utilisés pour le débusquer. Voyant que sa capture devient inéluctable il actionne sa veste piégée et disparaît avec ses trois enfants dans l’explosion. 9 personnes sont tuées tandis qu’aucun opérateur des Seals n’est blessé dans l’opération. Des plans et des listes du groupe sont récupérés sur les lieux. Le lendemain, des drones de combat abattent le porte-parole de l’Etat Islamique, Abou Hassan Al Muhajer, dans la ville de Jaraboulous, à la frontière turque, au nord-est de la province d’Alep, sous contrôle du groupe rebelle de l’Armée Nationale Syrienne.
En 2006, Al Qaïda en Irak devient l’Etat Islamique d’Irak. Dès lors, le groupe ne cessera de s’éloigner du commandement du réseau Al Qaïda, faisant preuve d’une sauvagerie aveugle qui vise principalement les chiites. La mort d’Al Zarkaoui dans un bombardement américain ne va pas détruire le groupe, qui renforce au contraire sa prééminence au sein de l’insurrection arabe sunnite.
Abou Bakr Al Baghdadi était un irakien du nom d’Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri. Arabe sunnite, né à Falloujah en 1971, il affirme descendre de la tribu des Quraysh dont était isssu Mahomet. Étudiant religieux, il tend de plus en plus vers le salafisme. Fonctionnaire administratif à Bagdad en 2003 lors de l’invasion de l’Irak, il s’engage dans l’insurrection en créant son groupe l’Armée du Peuple Islamique. Fait prisonnier par les forces américaines en 2004, il est détenu au camp de Bucca. Cette prison est par la suite qualifiée d’« incubateur djihadiste géant ». Il y recrute des partisans et se rapproche d’Al Qaïda en Irak et de son chef jordanien, le sanguinaire Abou Moussab Al Zarkaoui. Considéré comme peu dangereux, il est libéré en 2005 et va participer aux activités du groupe terroriste dans la province insurgée d’Al Anbar. Il monte peu à peu en grade au sein de l’organisation et se montre intransigeant avec les autres groupes djihadistes. Cette hostilité envers toute autre formation djihadiste que la sienne sera d’ailleurs la marque du Califat qu’il va créer. En 2006, Al Qaïda en Irak devient l’Etat Islamique d’Irak. Dès lors, le groupe ne cessera de s’éloigner du commandement du réseau Al Qaïda, faisant preuve d’une sauvagerie aveugle qui vise principalement les chiites. La mort d’Al Zarkaoui dans un bombardement américain ne va pas détruire le groupe, qui renforce au contraire sa prééminence au sein de l’insurrection arabe sunnite. Abou Omar Al Baghdadi, mentor du futur calife remplacera ensuite Al Zarkaoui à la tête du groupe et sera également tué par les forces américaines, laissant Abou Bakr Al Baghdadi prendre la tête de l’Etat Islamique d’Irak en 2010.
Quand Al Baghdadi annonce en 2013 la fusion de l’Etat Islamique d’Irak avec le Front Al Nosra sous le nom d’Etat Islamique en Irak et au Levant, Al Zawahiri refuse et Al Jolani prête allégeance à Al Zawahiri. Depuis 2013, l’Etat Islamique est donc en guerre contre Al Qaïda et tous ceux qui ne lui font pas allégeance.
Sous sa direction le groupe fera preuve d’une grande résilience face aux coups portés par l’armée américaine. Il prête allégeance à Ayman Al Zawahiri, le nouveau chef d’Al Qaïda, au lendemain de la mort d’Oussama Ben Laden en promettant de venger ce dernier. Même après sa rupture avec Al Qaïda, Abou Bakr Al Baghdadi a toujours considéré Oussama Ben Laden comme « le Cheikh », l’exemple à suivre pour tous les salafistes djihadistes. Al Baghdadi implique ses troupes dans la guerre civile syrienne à partir de 2011. Lors de ses premiers commandement au sein d’Al Qaïda il était responsable des transferts de combattants syriens à destination du front irakien. Il connaît donc bien la frontière irako-syrienne qu’il a même fini par abolir en 2014 lorsque ses combattants s’en empareront. Son principal chef djihadiste envoyé au Levant, le syrien Abou Mohamad Al Jolani va créer sur ce nouveau champ de bataille le Front Al Nosra, représentant d’Al Qaïda en Syrie. Quand Al Baghdadi annonce en 2013 la fusion de l’Etat Islamique d’Irak avec le Front Al Nosra sous le nom d’Etat Islamique en Irak et au Levant, Al Zawahiri refuse et Al Jolani prête allégeance à Al Zawahiri. Depuis 2013, l’Etat Islamique est donc en guerre contre Al Qaïda et tous ceux qui ne lui font pas allégeance. Gagnant du terrain sur ses rivaux en Syrie, Al Baghdadi lance également ses moudjahidines sur les grandes villes sunnites d’Irak. Le soulèvement général de la minorité sunnite vis-à-vis du gouvernement chiite de Bagdad aide à la progression des djihadistes. Falloujah (théâtre des plus violents combats menés par les djihadistes contre les forces américaines lors de l’occupation de l’Irak) tombe aux mains de l’Etat Islamique en Irak et au levant en décembre 2013.
A partir de ce moment, les combattants djihadistes enchaîneront deux années de victoires éclairs contre des forces bien supérieures en nombre et en armes mais stupéfaites et dépassées par leur agressivité. Leur fanatisme et leur sauvagerie a largement permis leur progression sans combattre par la peur qu’ils inspiraient à une armée irakienne pourtant entraînée et équipée par la plus puissante armée du monde. Parmi ces victoires emblématiques, la prise de Mossoul voit 500 djihadistes s’emparer de la ville abandonnée par 10 000 soldats irakiens en fuite.
Abou Bakr Al Baghdadi fait alors son unique apparition en public le 29 juin 2014, dans la mosquée Al Nouri de Mossoul (détruite par les djihadistes lors de la reconquête de la ville). Il réinstaure le Califat en se proclamant Calife Ibrahim et appelle tous les musulmans à lui obéir.
L’organisation change de dimension au gré de ses conquêtes pour devenir une véritable armée au service d’un Etat. Elle se renomme simplement Etat Islamique afin d’affirmer sa vision mondiale. Abou Bakr Al Baghdadi fait alors son unique apparition en public le 29 juin 2014, dans la mosquée Al Nouri de Mossoul (détruite par les djihadistes lors de la reconquête de la ville). Il réinstaure le Califat en se proclamant Calife Ibrahim et appelle tous les musulmans à lui obéir. Alors commencent 5 années de guerre acharnée en Irak et en Syrie, faisant des dizaines de milliers de victimes. De massacres en vagues d’attentats, l’Etat Islamique a fait de sa radicalité sa marque de fabrique, n’admettant l’existence d’aucune autre entité que la sienne.
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La mort d’Abou Bakr Al Baghdadi était attendue, par lui-même comme par ses partisans. Le fonctionnement cloisonné de l’organisation et la faible publicité qu’il fait de ses chefs permettent au groupe de mettre en avant la cause commune (le califat mondial), bien plus que des personnalités à l’espérance de vie forcément réduites en temps de guerre. Ce mode de fonctionnement (expérimenté auparavant par Al Qaïda) permet l’émancipation de ses militants et la création de par le monde de nouvelles provinces du Califat, au fur et à mesure que les djihadistes s’implantent dans les zones de conflit, du Mozambique aux Philippines.
En devenant le calife Ibrahim, il a su donner corps au projet d’Oussama Ben Laden, qui était d’unir les moudjahidines dans un djihad global afin de soulever les masses musulmanes dans le but d’établir un Califat mondial régi par la Charia. Chaque semaine qui passe voit un nouvel attentat revendiqué dans le monde par un soldat du Califat.
C’est là probablement que réside la triste victoire posthume d’Abou Bakr Al Baghdadi. En devenant le calife Ibrahim, il a su donner corps au projet d’Oussama Ben Laden, qui était d’unir les moudjahidines dans un djihad global afin de soulever les masses musulmanes dans le but d’établir un Califat mondial régi par la Charia. Chaque semaine qui passe voit un nouvel attentat revendiqué dans le monde par un soldat du Califat. Le Calife Ibrahim est mort. Mais ses partisans sont toujours là.
Romain Sens
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