Charles Maurras – pourtant peu suspect d’inclinaisons bonapartistes – en convint lui-même dans son petit traité Napoléon, avec la France ou contre la France ? : « Napoléon avait reçu la science et l’art militaire de la vieille France, et son âme de feu porta au sublime degré d’incandescence ce riche et puissant capital. Ses Victoires sont au ‘Muséum’, comme disait Bonald ; soit ! elles n’y sont pas restées infécondes. Elles ont eu d’abord cette fécondité de la gloire qu’il serait misérable de négliger. »
Pour les Français encore attachés à ces valeurs surannées que sont la gloire, l’honneur et le courage, Napoléon incarne toujours le précipité chimiquement pur d’une France qui sut faire trembler l’Europe dans ses plus ancestrales fondations ; enfant de la Révolution – il fut l’admirateur de Paoli, alors adulé au-delà de la seule Corse, mais aussi de Robespierre –, et de l’Ancien Régime duquel il provenait partiellement, en dépit de la modestie toute relative de ses origines, étant d’une noblesse reconnue contrairement à certains grands maréchaux d’Empire, à commencer par le furieux cavalier Murat, ou à Bernadotte qui avant de devenir roi de Suède se fit tatouer « Mort au tyran » sur les abdominaux.
Il est amusant de constater que les reproches faits à Bonaparte en 2021, principalement par la gauche progressiste, sont peu ou prou une reprise de ceux que lui faisaient en son temps les milieux et les auteurs les plus conservateurs
Napoléon Bonaparte n’était pas, comme l’a dit toute honte bue la ministre de l’Égalité et de la diversité Elisabeth Moreno, un des « plus grands misogynes de l’Histoire » – quoique certains révisionnistes aiment à faire penser que l’Empereur fut converti à l’islam, on ne rit pas ! -, ni même un affreux réactionnaire. Il incarna, à son époque, la modernité échevelée, la puissante marche en avant de l’Histoire, comme l’ont notamment déclaré des Allemands aussi éminents que Goethe, Hegel, ou plus tard Nietzsche. Son génie militaire, logistique et juridique, fit l’admiration de la grande majorité de ses contemporains, y compris ses plus fervents ennemis. Wellington ne fit-il pas édifier une statue de Napoléon Bonaparte dans sa splendide demeure d’Apsley House au cœur de Londres ? Quel plus bel hommage à l’adversaire ? Wellington, mieux que quiconque, savait qu’il devait sa réputation à Napoléon Bonaparte.
On doit pourtant la « légende noire » de l’aventure impériale aux Britanniques et aux Espagnols, relayée en France par les milieux monarchistes – bien que Louis XVIII sut habilement recycler quelques grands personnages de l’Empire. Quels sont les principaux griefs formulés à l’encontre de Napoléon ? Principalement d’avoir rendu la France plus petite qu’il ne l’avait prise. L’homme est vu comme celui qui a finalement tout perdu, son legs étant minoré. Il est aussi jugé anachroniquement comme un « tyran » et l’homme qui sacrifia des centaines de milliers de vies françaises pour sa gloire personnelle.
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Il est d’ailleurs amusant de constater que les reproches faits à Bonaparte en 2021, principalement par la gauche progressiste, sont peu ou prou une reprise de ceux que lui faisaient en son temps les milieux et les auteurs les plus conservateurs. Il n’y a pas que du faux dans l’estimation de son bilan, mais laissons-le aux historiens ! Pour nous, simples citoyens, l’Empereur est la quintessence et l’expérience du sublime français : notre Alexandre, notre grand Khan. Il rappelle à nous un temps tout à fait génial où le fils d’aubergiste pouvait devenir l’un des plus grands rois d’Europe et effrayer des milliers de cosaques par sa seule présence sur un champ de bataille. Un temps où le mérite personnel valait tout l’or du monde. Pour cette seule raison, il faut célébrer le bicentenaire de la mort de l’Empereur, pas en catimini mais avec fierté.