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Patrick Buisson : la fidélité aux hommes et aux idées

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Publié le

28 décembre 2023

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Patrick Buisson, figure intellectuelle et politique de la droite conservatrice, est mort. Hommage de Pierre-Alexandre Bouclay, Président de Radio Courtoisie,
Buisson

Nous avons appris, ce 26 décembre, la mort de Patrick Buisson, retrouvé à son domicile des Sables d’Olonne où il vivait seul. La date exacte de son décès est encore inconnue.

Ceux qui ne le connaissaient pas garderont l’image simpliste du conseiller « occulte » de Nicolas Sarkozy, vulgarisée par Le Monde et Libération. On pourra lui préférer celle, plus exacte, d’un homme indéfectiblement fidèle à ses idées. Il a toujours expliqué que l’épisode présidentiel avait été, pour lui, l’occasion de porter ses convictions au sommet du pouvoir en caressant le rêve – et même l’ambition – de les voir appliquées.

L’accès à ces hautes sphères républicaines, la création spontanée d’une cour de dévots autour de lui, ne l’avaient jamais coupé de ses racines : celles d’un Français attaché à sa foi, sa terre et ses morts. Le fameux « ancien patron de Minute » ne s’est jamais renié.

Politiquement, loin des vélléitaires, des incapables, des grandes âmes pures, il avait des mains. Il les mettait dans le cambouis. Pour faire avancer ses idées, il acceptait de jouer le jeu du pouvoir. Cela lui avait valu ces images, chères à la journaliste de gauche Ariane Chemin, de « Diable de la République », de « mauvais génie », alors qu’il n’était qu’un maître du clair-obscur.

Je me souviens, du temps de sa splendeur, de quelques rencontres à la brasserie Le Cardinal, porte de Saint-Cloud, ou dans les hauteurs de la tour de TF1, où il trouvait toujours un moment pour recevoir des personnes surgies de son passé ou partageant ses convictions.

Dans ces moments, il était poli de se dispenser des salamalecs pour aller droit au but. L’œil concentré, la bouche pincée tirant vers le bas, les mains jointes, il écoutait, posait une ou deux questions, puis vous renvoyait à votre copie ou décidait de vous soutenir. Cela pouvait se faire discrètement, à sa manière, ou publiquement, avec l’appui de la chaîne Histoire, qu’il présidait.

Jusqu’à sa rupture avec l’ancien chef de l’Etat, les grands-messes qu’il organisait dans de prestigieux cinémas parisiens pour présenter ses films historiques attiraient le ban et l’arrière-ban de la Sarkozie. Sous peine de déplaire au maître de céans, les courtisans de l’extrême centre n’avaient pas le droit de se pincer le nez devant les parias d’« extrême droite » qu’il prenait allègrement dans ses bras.

On croisait l’ancien vice-président de TF1, Etienne Mougeotte, aussi bien que le directeur de Faits&Documents, Emmanuel Ratier. L’acteur Lorant Deutsch naviguait, un peu perdu, entre Jean-Pierre Maugendre, patron de Renaissance catholique et Pascal Eysseric, rédacteur en chef d’Eléments. Etienne de Montety, Michel de Jaeghere et d’autres plumes du Figaro ou Valeurs actuelles faisaient le lien entre ces mondes étrangers.

En privé, Buisson s’amusait beaucoup de ces pieds-de-nez au politiquement correct et à l’esprit de cour : « Les premiers seront les derniers » me disait-il. Ou, plus prosaïque : « Ils ne comprennent rien, ils sont trop cons » [les sarkozystes béats].

Chacun de ces événements mondains était l’occasion d’assister à une conférence où Buisson élevait brutalement le niveau intellectuel de l’assistance en mêlant somptueusement l’histoire aux leçons de la grande politique, de la morale et de l’exercice du pouvoir. Ce jetlag mental en laissait plus d’un plaqués au sol.

Buisson facilitait ensuite les contacts, si ses étranges convives se découvraient des atomes crochus et des projets constructifs. Ariane Chemin aboyait dans Le Monde : « Dans le sillage de cet idéologue d’extrême droite, une cohorte de bannis de la République a retrouvé la route du pouvoir. »

Loin des fastes des quelques rues qui font Paris, Buisson était un méditatif d’une austérité janséniste. Il trouvait le repos dans ses terres vendéennes, loin de ses illusions perdues. On l’a rarement vu habillé autrement qu’en noir – chemise ou col roulé, selon les saisons. Pas de touche de couleur détonnante, de chemise blanche ou d’écharpe rouge pour faire le malin. Choisir des vêtements prenait trop de temps chaque jour. Il avait définitivement opté pour une sobriété monastique lui permettant de mettre son dépouillement au service de l’exigence intellectuelle.

La parution de La Cause du peuple avait été attendue avec jubilation par tous les médias qui espéraient un règlement de compte saignant avec Nicolas Sarkozy. Au lieu de quoi la mise au point ne fut que le prétexte à une méditation de haute volée sur l’identité et l’avenir de la France. On attendait une panouille où il aurait crié « sa vérité » comme n’importe quel sous ministre ; on avait un émule de Jacques Le Goff mâtiné de Saint-Simon.

L’impressionnant cycle qu’il avait commencé sur la fin de la paysannerie, l’effondrement moral consécutif à Mai 68, l’avènement des années fric, avant la déréliction de notre civilisation le maintenait au niveau des plus grands historiens et mémorialistes. Une sorte de Soljenitsyne qui aurait lu François Furet.

Beaucoup plus bienveillant et sympathique que son « physique de Fantomas » – l’image est de lui – le laissait penser, il était attaché à la transmission. Parcourant ses livres à l’annonce de sa disparition, je retrouve cette dédicace qu’il avait faite à ma fille : « Pour Alexandra, cette Cause du peuple qui sera demain la sienne. Je compte personnellement sur toi pour que s’accomplisse le vœu de Péguy : “Il faut que France, il faut que chrétienté continue.“ Bonne route Mademoiselle. » Ce petit mot prend soudain toute sa dimension et nous oblige.

Nous avions eu le privilège d’assister à sa dernière intervention publique au salon du livre de Renaissance catholique et de récolter ses impressions pour Radio courtoisie (fidélité toujours), qu’il nous avait demandé de publier prochainement, à l’occasion d’une importante actualité.

Là encore, son intervention, lumineuse, nous élevait au-dessus de nous-mêmes et nous confrontait au futur de notre pays. Avec un sentiment d’urgence, il nous mettait face à nos responsabilités pour appeler au sursaut. Ce sera notre ultime hommage à un homme qui a servi notre cause comme peu d’autres.



Attaché aux racines ancestrales de la France et aux lumières du Ciel, catholique de tradition, cet homme secret – qui aurait sans doute trouvé cocasse d’avoir une date de décès inconnue –, ne pouvait rêver plus belle mort : chez lui, au cœur du mystère de Noël.

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