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Petit précis de Barbey d’Aurevilly

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Publié le

1 juin 2020

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Barbey d’Aurevilly était-il le premier des féministes ? Certainement pas, vociféreront les contempteurs du conservatisme et de la morale bourgeoise ! Car c’est bien cette morale, défendue par Barbey, qu’il faut mettre à bas dans la logique libertaire de Mai 68 qui sévit de nos jours. Comment donc qualifier un tel pamphlétaire rétrograde comme premier défenseur des femmes ? Commençons par les présentations.

 

 

Généralités :

 

Jules Barbey d’Aurevilly est un auteur iconique du XIXème siècle. Royaliste et catholique, il est issu d’une famille de la noblesse normande, dont il récuse un temps l’héritage. Son biographe, Patrick Averane, revient sur ce passage mouvant et charnière de sa vie. Né au début du siècle, il cherche d’abord à embrasser la carrière militaire. Empêché, car sa famille n’est pas reconnue à la Restauration, il connaît alors une période d’insouciance et d’inspiration libérale dans les années 1830 avant de se retirer de la mondanité parisienne la décennie suivante. Réfugié dans la lecture de Joseph de Maistre, auprès de son frère prêtre et de sa rencontre amoureuse, il amorce sa conversion à la pratique catholique et son inspiration réactionnaire. C’est au tournant du Second Empire que Barbey publie ses premiers grands ouvrages – Une vieille maîtresse,1851, L’ensorcelé, 1852.

 

Son œuvre littéraire dénonce la moralité postrévolutionnaire et la légèreté des mœurs. Il se montre très critique des aristocrates qui ont renié les traditions de leur caste. L’auteur opère avec des histoires faisant l’apologie de la gloire d’antan, celle d’une noblesse qui n’avait pas basculé dans le relativisme qui la perdit. Au travers de récits déclamant l’honneur des gentilshommes qui guerroyaient pour le roi, même une fois mort, de dames tenant en très haute estime leur nom et leur héritage, l’auteur des Diaboliques (1874) nous emmène dans sa Normandie natale pour nous conter les ravages de l’immoralité.

C’est dans ses œuvres parues aux débuts de la IIIème République que Barbey publie ses livres les plus nostalgiques de l’Ancien Régime.

C’est dans ses œuvres parues aux débuts de la IIIème République que Barbey publie ses livres les plus nostalgiques de l’Ancien Régime. Pour lui et ses émules, la défaite de 1870 est peut-être une épreuve divine. Ses livres sont un plaidoyer pour un retour aux sources de la morale française et catholique, un dérangement de la quiétude intellectuelle, un appel à la noblesse de l’âme. « Il y a toujours des chevaliers errants dans le monde. Ils ne redressent plus les torts avec la lance, mais les ridicules avec la raillerie… » Cette citation d’A un diner d’athées pourrait s’appliquer à merveille à l’auteur. Lire le Connétable des lettres – son surnom, c’est accepter un périple questionnant notre propre rapport au bien et au mal, au sacré, à l’honneur.

 

Le style :

 

Barbey d’Aurevilly, c’est une plume précise, qui nous emmène tout droit dans la Chouannerie, les châteaux de province et les salons clos de l’aristocratie. Il prend soin de décrire les objets de ses livres, tant les choses comme la terre, les lieux, les habits, que les hommes. Autant qu’il ne veut tronquer la réalité des scènes, pour en imprégner le lecteur, il ne veut pas tronquer celle de ses personnages. C’est d’ailleurs ce qui lui valut des accusations d’immoralité en décrivant la part sombre des pensées et des actes humains .

 

Ce lot de détails permet au lecteur de pénétrer lui-même les personnages de Barbey, sur fond d’ambiguïté. Les figures invoquées sont impénétrables, mais le sont paradoxalement grâce à ce niveau de signes déterminants, et en même temps anodins. L’auteur force le lecteur à s’immerger dans cet environnement dense pour imaginer l’univers aurevillien. C’est sa première technique pour amener l’auteur au questionnement.

 

La deuxième technique, c’est ce narrateur qui raconte des histoires dont il n’est pas directement l’objet. Dans les Diaboliques, le Chevalier des Touches (1879) ou encore Une histoire sans nom (1882), l’histoire est contée par un personnage qui a assisté aux événements qui sont le sujet principal. Un médecin qui a connu un couple machiavélique, une femme qui a en a connu une autre qui a sacrifié son honneur pour sauver un homme… C’est l’objet des discussions de son narrateur qui est dénoncé ou loué. C’est peut-être par cette forme de récit que « la morale de cette histoire » est le mieux délivrée.

 

Le sens :

 

À cheval entre romantisme, psychologie, transcendance et moralité, c’est tout un sens de la pensée que Barbey veut nous livrer. Une réflexion qui doit, in fine, interroger nos exigences de jouissance. Pour Barbey, la morale et l’honneur catholiques sont les remparts qui permettent de prévenir les passions et les exigences temporelles.

 

C’est ainsi que dans les Diaboliques, livre dénoncé comme réactionnaire et misogyne, il livre un plaidoyer pour préserver nos mœurs de passions destructrices. Des passions qui peuvent détruire un mariage, une vie, un honneur.

C’est ainsi que dans les Diaboliques, livre dénoncé comme réactionnaire et misogyne, il livre un plaidoyer pour préserver nos mœurs de passions destructrices.

Il serait hâtif de conclure que Barbey n’interroge que le comportement des femmes dans ce livre. De la même façon qu’il dissimule le caractère réel de ses personnage, l’auteur n’explicite pas sa réflexion. Au premier abord, on peut croire à une simple critique virulente des actes. Il faut aller plus loin pour comprendre la défense des conventions comme seule protection des choses bâties avec le temps : l’honneur, le nom, l’héritage. C’est la dénonciation de l’injustice, et la défense du petit qui s’incarne dans la défense de cette morale, qui protège les êtres temporels.

 

Le sens de ces nouvelles, c’est aussi celui de la transmission, qui se ressent par le caractère narratif de ses histoires. Ce qui semble être un moyen – le récit par un narrateur, est aussi une fin dans ses histoires. Un message dans le message. L’impérieux devoir de transmettre. Il se ressent également par cette nostalgie constante de la société d’Ancien Régime, où l’honneur était le maître-mot et la valeur cardinale de ses hérauts, nobles ou pas.

 

Cette transmission se caractérise par l’amour de la terre et de l’héritage, des choses immatérielles plus que matérielles. L’immatériel se conjugue par le lieu, celui qui pétrit nos âmes, auquel il faut rester attaché pour demeurer digne de qui nous sommes. C’est l’amour de l’esthétique. « Toutes ces bouches qui priaient à voix basse, dans ce grand vaisseau silencieux et sonore, et par le silence rendu plus sonore, faisaient ce susurrement singulier qui est comme le bruit d’une fourmilière d’âmes, visibles seulement à l’œil de Dieu. » Éloge de la beauté de l’église catholique.

 

Le sens de Barbey, c’est celui qui inspira par la suite la génération des décadents. Ceux qui, à bout des tourmentes sociales du siècle industriel, ont fini dans les bras du catholicisme et de la contre-révolution, comme Huysmans, qui lui rendit hommage.

Le sens de Barbey, c’est celui qui inspira par la suite la génération des décadents. Ceux qui, à bout des tourmentes sociales du siècle industriel, ont fini dans les bras du catholicisme et de la contre-révolution.

C’est cette mouvance qui a inspiré à son tour Michel Houellebecq, ou Frédéric Beigbeder. Celle qui bouscule la tranquillité intellectuelle, la certitude morale, et appelle ses contemporains à un sursaut intellectuel et spirituel.

 

Lire aussi : Gustav Temple : le prince des chaps s’adresse aux Français

 

Ce qu’il faut en retenir :

 

Que peut-on tirer du message de Barbey d’Aurevilly en 2020 ? De nos jours où le relativisme est la boussole de la société occidentale et où nous avons acté la mort de la morale bourgeoise – errements de mai 68 puisque la morale dénoncée est justement tout sauf bourgeoise, ce message nous rappelle l’utilité de la morale : elle nous protège.

 

Les personnages de Barbey qui outrepassent la morale détruisent des vies, et souvent la vie des femmes ! Dans Le rideau cramoisi, un jeune officier noue une relation intime avec la fille de ses hôtes. La jeune femme meurt tragiquement en plein ébat, puis il l’abandonne, chez ses parents, déshonorée, alors qu’elle était tout juste aux portes de la vie. Pire encore, il est muté, sa carrière n’en souffre pas, et il n’entendit plus parler de cette histoire ! Quelle injustice, n’est-ce pas ?

 

Avec Le bonheur dans le crime, une femme meurt de voir son mari amener au sein de leur maison sa maîtresse, qu’il emploie comme domestique. Se jouant d’elle et provoquant sa mort, ils filent leur parfait amour.

Ne serait-ce pas un plaidoyer pour le respect de la dignité des femmes, contre l’impunité des hommes ?

Quelle injustice pour cette femme, qui s’est engagée librement dans le mariage, puis trahie par son mari qui n’a pas respecté les termes de son union. Qu’il humilia jusqu’à la mort, et qui finit par jouir d’une vie heureuse avec celle à laquelle il avait renoncé. Ne serait-ce pas un plaidoyer pour le respect de la dignité des femmes, contre l’impunité des hommes ?

 

Il faut abandonner ses certitudes pour lire entre les lignes, et voir un peu plus qu’un brûlot contre le comportement des femmes. Y décoder un plaidoyer pour le respect de ses pairs, pour le respect des choses établies par le temps long.

 

À l’heure où les héritiers de Mai 68 plaident pour un puritanisme qui ne transige pas avec les constructions sociales, la lecture de Barbey d’Aurevilly s’impose pour comprendre pourquoi la déconstruction de la morale et la jouissance immédiate ne sont pas des valeurs d’avenir. En cela, son œuvre a probablement fait meilleur manifeste pour le respect des femmes et de son prochain que n’ont pu produire 60 ans de déconstruction sociale.

 

 

Aymeric Saint-Séverin 

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