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Pierre-André Taguieff : du complot comme théorie

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Publié le

7 juin 2021

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Dans un Que sais-je éclairant, le philosophe déconstruit avec brio les ressorts de la mentalité et du discours complotiste, et montre en quoi la modernité démocratique a sensiblement modifié le complotisme traditionnel.
complot

Comment définissez-vous le complotisme ?

La pensée complotiste consiste avant tout à attribuer des intentions conscientes, des intérêts réels et des stratégies secrètes aux sujets supposés conspirer, afin d’expliquer certains événements troublants, lesquels peuvent être inventés de toutes pièces, tout comme les sujets collectifs accusés de conspirer – par exemple les « Illuminati », chimère s’il en est. Penser les événements historiques troublants selon le schème du complot, c’est les concevoir comme les réalisations observables d’intentions conscientes ou de projets élaborés, mais dissimulés. Comme l’a noté Popper, la pensée complotiste est fondée sur la croyance fausse selon laquelle « tout événement mauvais est à imputer à la volonté mauvaise d’une puissance maléfique ». La logique du raisonnement complotiste inclut le biais de proportion, qui pousse le sujet à croire que de « grandes » et terribles conséquences (une crise économique mondiale, une pandémie, une décadence, pensée comme la fin d’une époque ou la fin d’une civilisation) ne peuvent être engendrées que par de « grandes » et terribles causes (le Juif, le Capital, le Diable).

Dans quelle mesure l’ère démocratique a-t-elle modifié le complotisme traditionnel ? Sa logique intrinsèque – tout est volonté et maîtrise – n’est-elle pas éminemment moderne ?

Les récits complotistes classiques se caractérisent par leur structure déductive, les récits néocomplotistes par leur démarche inductive. Les premiers partent d’un dogme, les seconds du soupçon et du doute. Les premiers ne faisaient qu’appliquer un schéma interprétatif aux événements sur la base d’un ensemble de croyances sociales, souvent d’origine religieuse – voir par exemple la main invisible de Satan dans la marche de l’histoire. Les seconds construisent une explication alternative, généralement fausse, en s’appuyant sur une hypercritique des « versions officielles » des événements.

Lire aussi : La fabrique du faux

Le fait psychosocial premier, dans l’espace complotiste moderne, c’est la distorsion entre le désir de transparence exacerbé par la culture démocratique prêchant le direct, la proximité, l’immédiat et la clarté, et la perception d’une marche obscure des événements, qui, à l’âge de la globalisation et des réactions identitaires, semble échapper à une lecture rationnelle. La pensée conspirationniste s’installe dans l’écart qui se creuse entre le désir de transparence et la perception d’une réalité opaque ou irrationnelle. [...]

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