Qu’il est beau d’entendre La Chanson du Mal Aimé d’Apollinaire déclamée dans un lieu public. Qu’il est beau de constater que la poésie française n’est pas morte. Qu’il est beau de savoir que quelques jeunes ne se contentent pas de révérer les cendres, préférant se faire passer la flamme encore brûlante des lettres vivantes. Présentant le grand André Chénier en couverture, Points et Contrepoints vaut surtout pour ses publications d’auteurs contemporains, issus de plusieurs générations.
Évitant les clichés de la poésie politisée, Points et Contrepoints fait œuvre de salut public en ouvrant ses colonnes à des talents actuels
Parmi ces derniers, on retrouve notamment Arnault Destal qui nous offre ici quelques-uns des textes de son groupe Varsovie, dont Etat-Civil (à Jacques Rigault) ou encore Va dire à Sparte. S’illustrent aussi le jeune Chams Bernard et l’expérimenté Pierre de la Coste qui livre un sublime poème intitulé La Ville, dont la lecture m’a arraché quelques larmes lors de cette belle soirée.
Long texte en vers consacré aux villes, leurs odeurs et leurs tentations, leurs chemins de traverse et leurs recoins de solitude, La Ville est une balade nostalgique sur les voix goudronnées de nos enfances disparues :
« Il n’y a pas plus libre que les enfants des rues,
Comme eux sans but je marche poussé par mon désir
La ville se laisse aimer pour qui sait la poursuivre
User dans la poussière le cuir de ses souliers
Par ses sentiers pierreux vers sentiers lointains
Et faire sonner son pas tel un guerrier vainqueur
Aux alentours l’ennui resserre les façades
Les murs sont gris les volets clos et sur mes traces
La nuit s’enfonce à pas de loup dans la cité »
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Evitant les clichés de la poésie politisée, Points et Contrepoints fait œuvre de salut public en ouvrant ses colonnes à des talents actuels, y compris féminins. Ainsi de Catherine Ferrari, poétesse qui nous trouble avec L’oiseau rare : « Phallus sonnant le glas entre mes lèvres, ne me laissez pas décliner dans la brume de l’oubli ». Remercions donc Christophe Scotto d’Apollonia et Francis Venciton pour leur volonté de réanimer le cadavre de la littérature nationale.