Sa singularité, son talent, sa mort volontaire une boule à facette à ses pieds dans un appartement aux murs noirs, contribuèrent vite à sa légende, ainsi que Les Forçats, très beau récit paru il y a trois ans que son complice Bruno Gibert consacra à leur amitié et leur pratique artistique. Peintre repenti fasciné par le double, l’artiste se fait connaître par des portraits photographiques d’homonymes de célébrités ou de scènes pornographiques rejouées en costume et sans expression : c’est chic, potache, un peu troublant, un peu vain. Puis il passe de l’art conceptuel à la littérature comme art du concept, faisant le chemin inverse de son maître Duchamp pour écrire, plutôt que de les réaliser, les projets de 533 œuvres d’art (Œuvres), et le peintre raté, le photographe intrigant mais limité, devient un fascinant écrivain.
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Perec dépressif
Avec Autoportrait, publié en 2005, Levé se décrit en 1 600 phrases sans lien logique, précises, cocasses, tranchantes, à la Perec, mais nimbées d’un genre d’étrangeté désabusée. Deux ans plus tard, il remet le manuscrit de Suicide, autour du suicide d’un ami survenu vingt-cinq ans plus tôt, et passe à l’acte dix jours plus tard. Sa vie réelle semble rejoindre la performance, ce qui répond à un effet de symétrie assez logique, vu que l’art qu’il développa consista essentiellement à enregistrer le réel de la manière la plus transparente possible pour en faire ressortir l’incongruité comico-tragique. La publication, cet automne de ces Inédits préfacés et ordonnés par Thomas Clerc, n’entame nullement le mythe paradoxal d’un écrivain démystificateur. Au contraire. [...]
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