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Roberto Calasso le très nommable

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Publié le

3 juillet 2018

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RCALASSO

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Parce qu’il y a une autre Europe que celle des technocrates, Samuel Brussell nous présente chaque mois l’un des écrivains qui en perpétuent le génie.

 

« Touristes, terroristes, sécularistes, hackers, fondamentalistes, transhumanistes, algorithmiciens: ce sont toutes les tribus qui habitent et agitent l’innommable actuel. Les voix du poème d’Auden Le Temps de l’angoisse nous semblent bien lointaines aujourd’hui, où l’angoisse, si elle ne manque pas, n’a pourtant pas le premier rôle. Au premier plan de notre époque, il y a l’inconsistance, une inconsistance assassine. » Cet extrait de L’innominabile attuale – l’innommable actuel, donne le ton.

Le dernier livre de Calasso est peut-être le plus profond de tous parce qu’on y sent la note humaine d’un profond chagrin et d’une lucidité terrifiante, à peine maquillés pour honorer les règles de la bienséance sociale. Car il s’agit tout de même d’une critique du monde moderne, de notre apocalypse : Calasso n’est pas le seul à crier dans le désert, on pourrait citer cent autres de ses alliés qu’il a hébergés dans l’abbaye des éditions Adelphi où toute littérature authentique finit dans la prière – de Porphyre de Tyr à Salluste, de Maître Eckhart à Sainte Claire d’Assise, de Nietzsche à Kraus, de Brodsky à Ceronetti, de Naipaul à Czapski, de Cioran à C.S. Lewis, de Rozanov à Nicolás Gómez Dávila… – tous ces valeureux modernes éternels eurent maille à partir avec leur temps. Mais les authentiques modernes ne s’attendaient pas à devoir se heurter au concept même de la modernité, à son fondement inquestionnable : la société séculaire.

 

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Après Verdun, après Hiroshima, après Auschwitz, après la Kolyma, arrive le triomphe du séculaire avec l’ouragan de « l’algorithme déchaîné » de la jungle informatique, qui substitue à la parole – au Verbe, donc à l’Homme – le chiffre. Valéry se lamentait dans une page de Variété que les temps avaient bien changé, que l’évolution de la science nous avait fait franchir un pas vers l’inconnu, il regrettait l’époque où « l’eau était eau, l’air était air ». Et, probablement, où l’Éternel était Un, où la Parole était Verbe. Calasso, par un tour de force extraordinaire, reconnaît au terrorisme islamiste un sens: celui de nous révéler sa détestation du monde séculaire – que la plupart d’entre nous, pauvres séculaires, sommes capables de comprendre, sinon de partager.

Le terrorisme islamiste, dans sa folie, pourrait bien réfléchir notre mépris du sens, c’est-à-dire de la morale – de notre tentation nihiliste qui débouche inévitablement sur la dictature du Vide, telle qu’elle fut ébauchée par les bolchéviks, comme l’annonça Chestov dans Qu’est-ce que le bolchévisme: « Les bolchéviks, comme nos vieux partisans du servage, font le rêve de s’emparer de la technique européenne, mais libérée de tout contenu d’idées. »

 

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Ne sommes-nous pas en présence de « l’ouragan de la Grande Révolution qui a balayé tout le passé »? Ne sommes-nous pas devenus semblables aux « bolchéviks, qui non seulement ne croient pas à la vertu, mais pas davantage à la science, ni même à l’intelligence »? « Les monarques ont tué la monarchie et les démocrates ont tué la démocratie », écrit encore Chestov, et il se pourrait bien que les intellectuels progressistes occidentaux, réactionnaires radicaux et sectaires comme les bolchéviks, aient censuré l’intellect et toute idée de progrès. Calasso pose la question fondamentale et quasi insoluble : « On peut se demander, écrit-il, si la société séculaire est une société qui arrive à croire à autre chose qu’à elle-même. Homo saecularis reste insensible au divin. Il ne sait pas le situer. Il ne rentre pas dans l’ordre des choses. De ses choses. » Et, en laïc éclairé, en homo civilisatus il invite le lecteur à cultiver le sens du divin qui féconde toute culture et seul permet la liberté de l’hérésie.

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