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Slovaquie : le spectre de la ‘Ndrangheta

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Publié le

12 avril 2018

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Vel’ka Maa, à soixante-cinq kilomètres à l’est de Bratislava, la capitale. Rien de commun avec la « grande banlieue » des métropoles d’Europe occidentale. Ici, ce sont des terres noires à perte de vue, des restes d’ensembles bétonnés de l’époque soviétique, et, au bord de la nationale, fléchée par un seul panneau, une petite enclave, des maisons colorées, coquettes, construites les unes face aux autres comme dans un décor de western étrange, reliées à un centre-ville fantôme par une route poussiéreuse où plus personne n’attend le bus sous les abris en tôle froissée et délavés.

 

C’est dans l’une de ces maisons que, le 21 février dernier, le journaliste Ján Kuciak, 28 ans, et sa fiancée Martina Kušnírová ont été assassinés de plusieurs balles. Dès le 26 février et la découverte des corps, l’onde de choc s’est propagée jusqu’à Bratislava, puis dans tout le pays, d’est en ouest. À Košice, Prešov, Nitra, Trnava, Žilina et une trentaine d’autres villes, les jeunes d’abord, puis les moins jeunes, sont descendus dans la rue spontanément, brandissant des bannières où les slogans, tantôt en langue slovaque, tantôt en anglais, clamaient « All for Ján », « Justice for Ján » ou encore « We are Slovakia ». Depuis l’indépendance, en 1993, aucun journaliste n’avait été assassiné en Slovaquie.

Une intuition appuyée par Roberto Saviano, le spécialiste italien de la mafia, interrogé sur l’affaire Kuciak par La Repubblica : « Au vu de l’enquête, cela semble désormais évident : Ján Kuciak a payé pour son travail, pour son engagement journalistique. (…) En Europe, comme en Amérique latine, les seuls journalistes qui reçoivent du soutien sont les journalistes morts. »

Ján Kuciak était journaliste d’investigation pour aktuality.sk, la version numérique du très populaire tabloïd Nový ?as. Adam Val?ek, reporter au SME Daily et ancien collaborateur de Kuciak, évoque ses derniers travaux. « Ján travaillait depuis plusieurs années sur la mafia, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a là un lien avec sa mort. (…) Le nom d’Antonio Valada revenait très souvent. Il suffit de taper ce nom dans un moteur de recherche pour découvrir que celui-ci, ainsi que plusieurs politiciens et industriels slovaques, sont membres de la ‘Ndrangheta [N.B : la plus puissante des mafias italiennes.]. (…) Je ne sais pas tout ce que Jan avait découvert. Mais il suivait la piste et s’était aperçu que le clan Valada avait largement influencé, et influençait toujours, la conduite des affaires politiques en Slovaquie. Grâce à Ján, l’affaire était sortie dans les médias. (…) Le message envoyé aux journalistes aujourd’hui est très inquiétant. Je ne me fais pas d’illusion sur l’issue de l’enquête, ni sur ma propre sécurité, ainsi que celle de mes confrères. » Une intuition appuyée par Roberto Saviano, le spécialiste italien de la mafia, interrogé sur l’affaire Kuciak par La Repubblica : « Au vu de l’enquête, cela semble désormais évident : Ján Kuciak a payé pour son travail, pour son engagement journalistique. (…) En Europe, comme en Amérique latine, les seuls journalistes qui reçoivent du soutien sont les journalistes morts. »

 

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Mi-mars, le mouvement de contestation entre dans sa troisième semaine consécutive et réunit encore près de 70 000 personnes à Bratislava. Le plus grand rassemblement populaire depuis la Révolution de Velours et l’indépendance. « Nous voulons connaître la vérité. Et plus encore, nous voulons grandir et nous épanouir ici, en Slovaquie, dans un pays libre et honnête », résume Karolína Farská, une étudiante présente dès les premiers cortèges. En France, Christophe Delaire, le Secrétaire général de Reporters Sans Frontières, observe : « Bratislava est devenue la capitale mondiale de la liberté de la presse. » Sur les images des journaux télévisés, la maison de Ján et Martina entourée par des équipements de police scientifique tournent en boucle. Policiers et procureur donnent des conférences de presse à visage caché, pour annoncer solennellement que, non, l’enquête n’a pas avancé.

À Bratislava, sur la place où cohabitent le mémorial à la Résistance slovaque et le rappel des atrocités du régime stalinien, les bougies allumées à la mémoire de Ján et Martina brûlent toujours. Leurs portraits sont placardés dans le quartier des ambassades, leurs noms toujours prononcés.

 Cependant, plombé par les soupçons de plus en plus clairs de fraude fiscale aux fonds structurels européens et de crruption, acculé par ses liens évidents avec les entreprises immobilières de la famille Valada, le Premier ministre slovaque Robert Fico, de centre-droit allié aux nationalistes, suivi par le ministre de l’Intérieur, Robert Kali?ák, présente sa démission le 12 mars. Peter Pellegrini, de la même sensibilité politique succède à Fico le 22. Les manifestations cessent pour un temps, mais la colère de la rue ne s’apaise pas. « Une vaste blague » que ce remaniement express, s’indignent les médias locaux.  À Bratislava, sur la place où cohabitent le mémorial à la Résistance slovaque et le rappel des atrocités du régime stalinien, les bougies allumées à la mémoire de Ján et Martina brûlent toujours. Leurs portraits sont placardés dans le quartier des ambassades, leurs noms toujours prononcés. Mais on ne parle plus d’élections anticipées. Moins encore d’identifier et de punir le ou les coupables du meurtre.

Alors, dès le 5 avril, la mobilisation reprend. Les cortèges, calmes et sans encadrement policier, essaiment jusqu’à la frontière orientale avec l’Ukraine. Au nom de Kuciak et de sa mémoire, au nom de la liberté de la presse et de la lutte contre la corruption, les Slovaques s’unissent pour que transparence et confiance soient les mots d’ordre des relations entre les citoyens et le monde politique. « Pour une Slovaquie décente » est désormais le nom d’un mouvement transpolitique et transgénérationnel. L’un de ses instigateurs, Jan Galik, martèle : « Nous marcherons encore autant de fois que nécessaire pour obtenir ce que nous réclamons ».

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