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Pierre Guerci : Métaphysique de la merde

Pour résumer Ici-bas en quelques mots, je dirais que c’est un admirable traité métaphysique de la merde. Qu’en pensez-vous ?

Oh là, c’est faire beaucoup d’honneur aux méditations désespérées du narrateur, lequel accomplit seulement, en tentant d’élever la défécation paternelle à la dignité d’un problème métaphysique, la fonction primordiale de l’intellect humain : se raconter des histoires pour supporter la trivialité de l’existence. Sans grand succès d’ailleurs, car ce qui le sort de son marasme est moins de l’ordre du mythe que du miracle… Plus généralement, m’intéressait ce qui reste d’un homme quand il n’en reste rien, autrement dit quand il n’est plus qu’un de ces cas de conscience sur lequel la casuistique contemporaine se casse les dents faute de pouvoir dépasser l’antinomie entre, d’un côté, une compassion sans fond et sans repère, lieu moral de compétition immorale, et de l’autre les raisons froides du calcul utilitaire qui ne traite jamais que de « surplus social » et ignore toute espèce d’inquantifiable. Dans cette optique, je voulais montrer la décrépitude de nos vieux un peu à la manière de Tchékhov, au coin du feu, lentement mais sans s’arrêter, en baissant légèrement la voix – et avec cette idée centrale que le sublime et le terrestre, au fond, c’est tout un.

Vous abordez franchement la problématique excrémentielle et cette question : peut-on continuer d’aimer et respecter son père quand on le torche chaque jour ?

Notre nez est un juge implacable ; bête comme ses deux trous, mais implacable. Ce qu’il approuve nous envoûte, ce qu’il réprouve nous donne des envies de meurtre ; il se fiche de ce que professe notre conscience, la Justice, la Démocratie, l’Égalité – poil au nez. Tant que la misère continuera de sentir, nous continuerons à changer de wagon quand nous la croisons dans le métro, c’est ainsi… Soit dit en passant, cette suprématie morale du nez permettra peut-être un jour d’éviter qu’après la libération du téton, on en vienne à la libération du trou de balle… Bref, aimer est encore et toujours un combat, et d’abord un combat contre les caprices de nos sens émancipés. [...]

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La faute à Voltaire, la faute à France 2

Comme le veut l’adage, le pire n’est jamais décevant. L’une des toutes premières images que nous offre la série est donc un gros plan sur la naissance du génie, façon Origine du monde de Gustave Courbet, en gros plan et en haute définition, histoire de planter le décor. Autant vous le dire : si vous aviez l’intention de regarder la série avec l’un de vos enfants pour l’éveiller à la littérature du XVIIIème siècle, ce n’est pas une très bonne idée. L’objectif n’est pas de faire un « biopic » exhaustif, mais de se pencher sur les années d’éclosion du génie : comment François-Marie Arouet est devenu Voltaire. C’est un exercice courant, qui peut donner lieu à des choses intéressantes : il y a déjà eu en l’espèce comment Gabrielle Chanel est devenue Coco, ou comment Edmond est devenu Rostand.

Voltaire était un homme tout pétri de sa supériorité, et qui, loin d’être le défenseur d’une tolérance de supermarché qu’on nous dépeint en cours de littérature pour avoir la moyenne au bac de français, a consciencieusement coché toutes les cases de ce que notre temps devrait haïr : raciste, misogyne, élitiste, esclavagiste, antisémite

Ici, l’approche par la jeunesse fournit l’occasion rêvée de nous déballer les poncifs habituels sur le caractère obscur et sclérosé de l’éducation d’Ancien Régime, avant l’installation du courant électrique par les philosophes des Lumières. Les scénaristes n’essaient même pas n’innover en la matière. On insiste lourdement : l’éducation jésuite est là pour « limiter », brider les aspirations. Le prêtre qui surveille l’internat de Louis-le-Grand a évidemment des pulsions pédophiles. Dans les couloirs de l’institution, c’est forcément le noble blondinet tête à claques qui va s’acharner sur le pauvre gars du peuple, offrant sur un plateau au jeune Arouet l’occasion de prendre conscience de l’injustice du monde. Le grand frère est forcément obtus, le père dépassé. Il y a ce qu’il faut de bruits de couloir et de regards torves pour qu’on soit bien convaincu qu’on est au XVIIIe.

La photo et la lumière ne sont pas désagréables, l’architecture classique exerce par elle-même un charme si puissant qu’on ne peut rester totalement de marbre devant les panneaux lambrissés, la pierre blonde sculptée, les volutes de fer forgé des cages d’escalier qu’arpentent les héros du téléfilm. Mais c’est bien tout. Quel dommage que l’énergie de Thomas Solivéres, qui avait justement excellé dans le rôle d’Edmond, se trouve ainsi gâchée dans un opus qui sonne terriblement faux.

Le problème est profond et ne tient pas qu’à la maladresse du scénariste ou de la réalisation. Ce qui transpire dans Les Aventures du jeune Voltaire, c’est l’incapacité totale des acteurs comme de l’équipe à éprouver une quelconque empathie pour leurs personnages et pour l’état d’esprit d’un autre siècle. De ce fait, on a perpétuellement l’impression de voir des gars de 2021 parachutés dans un monde qu’ils ne comprennent pas et qui ne les passionne pas le moins du monde. Une grande œuvre tient à la proximité intime de son créateur avec son sujet… Ici, la distance est abyssale et chaque réplique sonne creux : comment bien jouer lorsque l’on ne croit pas au monde que l’on tente de représenter ? Cela s’explique sans mal par l’obsession originelle des scénaristes : montrer que Voltaire est un homme « de notre temps », un type résolument moderne parachuté dans une époque de dégénérés.

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La Chronique des Bridgerton : notre critique

C’est la série qui fait se pâmer la planète progressiste. La raison : le plus gros blackwashing de l’Histoire. Dans l’Angleterre du XIXe, sous la régence, nombre de nobles anglais sont joués par des acteurs noirs. Au lieu de l’argument selon lequel « seul le jeu d’acteur doit être apprécié », on nous sert une uchronie confondante de niaiserie : une partie de la noblesse britannique est noire car le roi Georges III est tombé amoureux d’une métisse : la princesse Charlotte de Mecklembourg-Strelitz.

Lire aussi : Mort à 2020 : notre critique [...]

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Mort à 2020 : notre critique

Tourné comme un documentaire, Mort à 2020 mêle les témoignages de personnalités (fictives) mondialement célèbres à des images d’archives de ces douze derniers mois. La nouvelle production Netflix s’annonçait bien : une satire sur l’année passée produite par le scénariste de Black Mirror. Le début, tout en sacrifiant à la doxa de gauche sur Johnson et Trump, se montre assez ironique et nuancé. Espoir de courte durée, dès l’arrivée de la séquence Black Lives Matter, le docu-fiction bascule dans le tract.

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Paulina Dalmayer : Tandis que j’agonise

Paulina Dalmayer est entrée en littérature en 2013 avec Vive la guerre, roman tonitruant, vibrant et initiatique inspiré de son expérience en Afghanistan et témoignant d’une claire envie d’en découdre, avec la vie, l’époque et la littérature tiédasse. Avec Les Héroïques, elle entreprend un cycle sur plusieurs générations (a priori un diptyque) commencé avec Wanda, dont on suit les derniers jours au fil d’un long monologue qui l’entraîne à récapituler une vie et plusieurs époques de la Pologne où elle est née, en plein régime communiste, et où cet ancien médecin s’apprête à mourir du cancer.

Rites alternatifs

Femme très éduquée, donc, et mariée à Edward, un politique charmant, séducteur, ayant su ménager sa carrière malgré les bouleversements politiques, mère de deux filles aux tempéraments divergents, elle se remémore le concert des Rolling Stones à Varsovie en 1967 où elle rencontra son futur époux, puis son aventure auprès de Grotowski, célèbre dramaturge polonais révolutionnaire, mais aussi son jeune amant Konrad qu’elle retrouvera à l’hôpital après une dernière virée pieds nus avec Edward dans un bar mal famé. Figure de femme intransigeante, intrépide, exigeante, orgueilleuse, Wanda évoque un genre de folie, de faille fiévreuse qu’elle voit chez son frère improvisant un étrange lit funèbre pour leur mère, celles des compagnons de Grotowski ou de sa fille aînée dépressive qui souffle ses démons dans des bouteilles de verre. [...]

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Peninsula : notre critique

Quatre ans après Dernier train pour Busan, il ne reste que des zombies dans la péninsule. Un groupe de soldats forcés d’y retourner découvrent que des survivants non contaminés se sont regroupés dans une bande bien plus dangereuse que les zombies… Autant le premier film était follement inventif, surprenant et intelligent, autant Peninsula se révèle fade, médiocre, et bien pauvre en dépit d’un budget que le succès précédent avait démultiplié.

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Eddy de Pretto, narcisse agressif

Ceux d’entre vous qui sont nés dans les années 80 s’en souviennent sûrement : au début de la décennie, le groupe Bronski Beat affolait les charts avec Small Town Boy, tube synth pop désespéré qui évoquait la solitude d’un jeune homosexuel dans l’Angleterre post-industrielle de Thatcher. Rythmique imparable, mélancolie à fleur de peau, arrangements minimalistes : aujourd’hui encore la chanson fait mouche.

Près de quarante ans plus tard, la culture gay s’est imposée jusqu’à intégrer l’idéologie dominante, relayée par le monde politique et tout un phalanstère de critiques inféodés. Aujourd’hui les « small town boys » montent à Paris pour faire carrière dans le marketing viral et ouvrir des boulangeries communautaires déconseillées aux cisgenres. Bien que la marge d’hier soit devenue la norme, elle continue pourtant de donner dans la revendication putassière, pour preuve nos chanteurs contemporains, pressés de masquer leur vacuité artistique en exhibant leurs sexualités soi-disant « opprimées ». [...]

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Partout, les saints : Sainte Élisabeth de Hongrie

Élisabeth naît en 1207 à Bratislava, avec une cuillère en argent au paprika dans la bouche. Son papa, le roi André II de Hongrie, en impose tellement à la street européenne qu’il la promet à ses quatre ans à son allié le landgrave Ludovic IV de Thuringe, alors qu’on ne sait pas encore si elle sera regardable ou sympa. La jeune fiancée grandit en grâce et en caractère : sa piété la fait négliger les ors de la cour. Ses demoiselles de compagnie se paient ouvertement sa tronche, probablement un peu par jalousie. Si sa mise reste simple, elle dégage cette lumière intérieure qui transforme son humilité sincère en présence gracieuse. De quoi foutre en rage celles qui ont passé cinq heures sur le make-up pour ressembler à un cageot en comparaison.

À quatorze ans, elle épouse le brave Ludovic, qui turbo-craque pour son adorable bout de femme. Élisabeth découvre le courant franciscain naissant, dont elle en embrasse les principes de charité et de dénuement. Dans un contexte politique très dur de guerres, famines et maladies, elle abreuve et nourrit ceux qui se présentent, sape les plus pauvres et soigne les malades. Le brave Ludo la soutiendra toute sa vie. Face aux langues de pute de la cour qui essayent de salir sa réputation, il déclare : « Tant qu’elle ne vend pas le château, je suis content ! ». [...]

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