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Jean Hautepierre : un poète de notre temps contre son temps

Depuis Apollinaire, la poésie française tend à se diviser en deux écoles antagonistes, ou plutôt que l’on a voulu telles au bénéfice de la seconde : celle qui maintient le magistère du vers régulier, mais un magistère affable qui accorde à Maurras même, à l’intraitable Maurras, une certaine licence prosodique, et celle qui se moque des règles classiques, qui les jette à la voirie, mais qui, dans les meilleurs des cas, en réinvente pour son usage exclusif, aussi rigoureuses, aussi sévères que celles auxquelles obéissaient Valéry et Aragon, ou, plus près de nous encore, Jacques Audiberti, le libertaire Jean Cuttat ou le réactionnaire Jacques Réda.

À cet égard, cette seconde école pourrait se prévaloir de l’avertissement d’Apollinaire selon qui l’esprit nouveau devait se réclamer « avant tout de l’ordre et du devoir qui sont les grandes qualités classiques par quoi se manifeste le plus hautement l’esprit français, et il leur adjoint la liberté ». Il y aurait bien entendu beaucoup à dire à ce sujet, beaucoup à nuancer, et, pour m’en tenir à notre temps (et pour mieux me faire comprendre), je renvoie le lecteur à ces deux poètes lumineux que sont le très regretté Yves Martin et notre cher Jacques Sommer, dont la poésie relève de la plus pure évidence épiphanique. [...]

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Traité de la vie élégante : Décadence de la Chine

Et de fait, c’est dans cet esprit-là qu’il sortait du métro porte de Vanves, à deux pas des Puces du même nom, savourant les picotements de l’air froid et l’odeur âcre des marrons brûlés vendus à la sauvette – lorsqu’il aperçut au loin Lucien et Chantal de S. qui arrivaient par le boulevard Brune. E. hésita un instant à redescendre en catimini l’escalier du métro, mais une noria de grosses dames en boubous montant en sens inverse, les bras chargés de paquets ou de moutards vagissants, lui interdisait toute manœuvre de repli. Il se résigna donc à faire contre mauvaise fortune bon cœur et feignit la surprise en allant serrer la main de son vieux copain Lucien, non sans s’être incliné au préalable devant son irascible moitié.

– Tiens! Quel bon vent vous amène ? Sans trop y croire, E. espérait encore secrètement qu’ils n’étaient pas là pour « faire les puces », et qu’il ne les aurait pas sur le dos pendant toute la matinée.

– Oh, mon cher E., je crois que nous allons au même endroit! gloussa Chantal avec un mauvais sourire – comme si le déplaisir qu’elle éprouvait à le croiser se trouvait compensé par le bonheur de gâcher sa partie de chine hebdomadaire.

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Mes Contes merveilleux : notre critique

Noël approche et c’est sans doute l’occasion de rappeler à vos enfants que l’animation ne se résume pas aux grosses productions de Pixar ou Dreamworks. Carlotta a eu la très bonne idée d’éditer en DVD les introuvables courts-métrages de Ray Harryhausen, magicien du stop motion. Né dans les années 20 en Californie, Harryhausen est un peu le Méliès d’Hollywood : un artiste complet, touche-à-tout, doublé d’un véritable ingénieur.

Lire aussi : Le Démon de la chair : notre critique[...]

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Patrick Sbalchiero : « Le Sacré-coeur de Montmartre est un fait d’actualité politique, religieux et intellectuel majeur de la fin du 19e siècle »

En lisant votre livre, on a l’impression que le Sacré-Coeur a été la pierre d’achoppement de tous les conflits politiques et religieux qui ont accompagné les débuts de la troisième République. Est-ce que c’est ça qui vous a poussé à relater l’histoire de sa construction ?

Pas uniquement. Je me suis aperçu que la construction de la basilique de Montmartre au coeur de la capitale, était un fait d’actualité politique, religieux et intellectuel majeur de la fin du dix-neuvième siècle. Mais surtout que ce projet a eu des répercussions sociétales, et du reste politiques, qui courent jusqu'à jusqu’à aujourd’hui. À travers notamment la problématique de la laïcité qui ressurgit en ce moment.

Il existe une interprétation qui voudrait que l'érection de la tour Eiffel soit une sorte de riposte architecturale athée, destinée à équilibrer le paysage face au Sacré-Coeur. S’agit-il d’une vérité historique avérée, ou d’une relecture de l’histoire ?

C’est une petite relecture, faite concomitamment par les deux camps. Il faut bien se remettre dans le contexte de l’époque. La France est, dans ce dernier tiers du dix-neuvième siècle, en pleine industrialisation. Ce changement se fait à un rythme très soutenu. C’est l’âge d’or des grandes expositions universelles qui drainent des millions de personnes, et Paris en organise régulièrement. Évidemment, pour certains opposants à la basilique de Montmartre, interprétée comme un signe du cléricalisme, du religieux, donc de l’obscurantisme, la tour Eiffel devient aussi un symbole. Celui de l’industrialisation, de la modernisation, donc un signe du progrès. Un symbole dressé dans la plaine face à la colline de « l’obscurantisme ».

Évidemment, pour certains opposants à la basilique de Montmartre, interprétée comme un signe du cléricalisme, du religieux, donc de l’obscurantisme, la tour Eiffel devient aussi un symbole. Celui de l’industrialisation, de la modernisation, donc un signe du progrès. Un symbole dressé dans la plaine face à la colline de « l’obscurantisme »

L’architecture du Sacré-Coeur est très audacieuse. Comment ce style romano-byzantin a-t-il été choisi ?

C’est une histoire aussi longue que la construction. Le comité qui s’est constitué autour du projet a changé plusieurs fois d’architecte. Le premier architecte, Paul Abadie, était un homme qui avait travaillé dans plusieurs chantiers religieux français, où le style qualifié de romano-byzantin avait déjà trouvé sa place. Je pense en particulier à la cathédrale de Périgueux. Et il y a eu, presque au jour le jour, des atermoiements, des tensions parfois, entre les membres du comité de construction, pour la poursuite des travaux. Il faut s’imaginer que ce comité n’est pas parti avec une ligne budgétaire très fermée et programmée en 1871. L’argent rentrant au fur et à mesure, les travaux ont avancé par à-coup. Enfin il y a eu des difficultés d’ordre technique, par exemple la gestion des fondations de l’édifice en haut de la butte. Les antécédents personnels du premier architecte ont finalement prévalus et le projet initial est allé jusqu’au bout.

Le vœu des promoteurs du projet était aussi de faire de cet endroit un lieu de concorde, de réconciliation nationale. Or, le gouvernement Clémenceau ne s’est pas déplacé à la dédicace, et des députés de gauche ont tenté de faire annuler le projet. Le camp laïcard s’est-il montré mauvais joueur ?

Évidemment, en qualité d’historien, je ne reprendrai pas votre expression de « mauvais joueurs » : je dirai qu’ils ont joué leur jeu. Du moins pour un certain nombre d’entre eux, qui ont vu dans cet édifice un bâtiment érigé en symbole des forces religieuse. D’autre part, la religion catholique était aussi assimilée par certains d’entre eux à un projet politique, celui des légitimistes et des orléanistes, favorables à un retour du Roi sur le trône de France. Et là, la pilule ne passait pas. Il y a eu un amalgame entre catholiques et partisans d’un retour à la monarchie de droit divin. Ce qui était évidemment faux. Les renseignements généraux de l’époque, par exemple, savaient que le comte de Chambord envoyait des personnes le représenter lors des messes dans la chapelle provisoire. Autour de ces représentants, se greffaient un certain nombre de personnes. Cette présence est parvenue jusqu’aux oreilles de l’archevêque de Paris, lequel y a mis fin immédiatement, parce qu'il ne voulait pas qu’il y ait une confusion ou récupération de ce projet.

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Le Démon de la chair : notre critique

Bel objet que ce Strange Woman réalisé en 1946 sur l’impulsion de la star Heidi Lamarr, considérée à l’époque comme la plus belle femme du monde. Dans ce récit hybride se côtoient le film noir et le pur mélodrame. Située au XIXe siècle dans le Maine, État reculé et ultra-rural, The Strange Woman relate l’ascension sociale d’une femme fatale et psychotique. Sur un canevas classique, le réalisateur d’origine austro-hongroise Edgar G. Ulmer, bon artisan formé par Murnau, tire une fable morale inspirée, pleine de flamboyance aux plans composés comme des miniatures pastorales.

Lire aussi : La Trilogie Taisho : notre critique[...]

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La Trilogie Taisho : notre critique

Formé dans les années 50 à la Nikkatsu où il réalise une flopée de séries B, Seijun Suzuki impose très vite un style expérimental et baroque qui culminera avec La Marque du Tueur, œuvre désormais culte mais qui lui vaudra d’être licencié par sa boîte de production. Sa faute : avoir commis une sorte de polar abstrait, contemplatif et presque muet. Suzuki revient en 1980 sur le devant de la scène grâce à un jeune producteur qui lui propose d’adapter un roman à succès se déroulant pendant l’ère Taisho (1912-1926).

Lire aussi : La Flamme : notre critique[...]

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Les critiques littéraires du mois #36

FIÈVRE RUSSE

Les Petrov, la grippe, etc. d’Alexeï Salkinov. Éditions des Syrtes, 320 p., 22 €

D’emblée, le ton est donné. Un matin d’hiver, le mécanicien et auteur de bande dessinée raté Petrov part travailler fiévreux. Déjà, le trajet en trolley est une petite aventure en soi, les fous sont partout et tout est prétexte à digression. Quand cet antihéros né rencontre son pote Igor, l’alcool vient se conjuguer aux délires grippaux dans un contexte joyeusement funèbre. Finalement, c’est toute la famille Petrov qui tombe malade, les envolées éthyliques ouvrent d’étranges perspectives et les souvenirs d’enfance refont surface dans le flou généralisé. Entre errance hallucinatoire et thriller déjanté, ce livre fait la part belle à l’humour absurde et se joue des frontières entre les genres littéraires. Bref, quelques jours au sein d’une famille de l’est très à l’ouest par-dessus les restes foutraques du soviétisme. Dans la veine de Kourkov ou d’Andreï Guelassimov pour le côté zapoïesque – les amateurs de littérature russophone contemporaine un peu barrée se sentiront ici chez eux. Alain Leroy

UN PEINTRE DU XXe SIÈCLE

Le Regard de la mémoire de Jean Hugo. Actes Sud, 515 p., 28 €

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Frédéric Pajak : Pessoa, miroirs de l’inquiétude

Quelle est la genèse du Manifeste Incertain ?

Le projet remonte à l’époque de mes 18 ans, je travaillais dans les wagons-lits internationaux, et notamment beaucoup en Italie. Nous étions en plein dans les années de plomb, avec des idéologies très fortes qui se combattaient : gauchistes ultra-violents d’un côté, de l’autre nostalgiques du fascisme, les deux faisant régner la terreur, notamment dans les trains. Beaucoup de mes amis étaient tombés dans le trotskysme et le maoïsme, et une nuit, en réaction à ces engagements, le terme m’est apparu : Le Manifeste Incertain.

C’est ensuite à Paris, où j’ai vécu dans la pauvreté et la solitude, que j’ai imaginé le livre qui pourrait avoir un tel titre, ainsi que la forme écrite et dessinée, qui est venue bien plus à tard, à mes 45 ans. J’avais envie de faire un livre sans fin, ce que j’ai proposé à mon éditrice, à raison d’un volume par an. Un rythme qui semblait important pour entretenir une relation avec mes lecteurs. Assez rapidement j’ai décidé de m’arrêter arbitrairement à neuf volumes. Les héros de mes livres, ce sont les sentiments, ici je souhaitais mettre en scène l’incertitude. Une incertitude qui m’apparait comme un stimulant, tout comme la mélancolie. À la fois une angoisse et une exaltation. [...]

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