Skip to content

Burkina Faso – Abraham Kouassi : « Blaise Compaoré est accusé par certains d’être fortement lié à des groupes islamistes »

Par

Publié le

3 mars 2018

Partage

BURKINA

[vc_row][vc_column][vc_column_text css=”.vc_custom_1520078925527{margin-left: 25px !important;border-right-width: 25px !important;}”]

Abraham Kouassi est un jeune journaliste ivoirien travaillant pour le site Linfodrome.ci. Spécialiste des questions politiques et judiciaires ivoiriennes, il est également secrétaire général de l’Union nationale des blogueurs de Côte d’Ivoire et contributeur régulier pour divers médias africains. Il a suivi de près les évènements terribles de Ouagadougou, où des intérêts français ont été attaqués par des terroristes ce 1er mars 2018. La parole est rarement donnée aux Africains vivant en Afrique dans nos médias. L’Incorrect a décidé d’aller à la source.

 

Abraham, que s’est-il passé à Ouagadougou ? Connaît-on les assaillants, leurs revendications ?

Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, a été attaquée ce vendredi en deux points stratégiques : l’État-major des armées et l’ambassade française qui se trouve non loin de la Primature. Les assaillants sont pour l’heure inconnus mais deux tendances sur leur identité se dégagent. Une première voudrait qu’il s’agisse de terroristes rattachés aux groupes islamistes qui pullulent dans le Sahel. D’autres parlent de nostalgiques de l’ancien régime [de Blaise Compaoré, ndlr]. Et ce, d’autant plus que des hauts gradés proches de l’ex-président Compaoré sont actuellement confrontés à la justice. Mais, il ne faut pas nécessairement attendre une revendication. En août 2017, un attentat qui a frappé la ville n’avait pas été revendiqué.

 

La situation est-elle désormais sous contrôle ?

Nos sources sur place assurent que la situation est calme et quasiment sous contrôle. La présence non confirmée d’un terroriste dans les locaux de l’ambassade de France avait été évoquée par des témoins aux alentours de quinze heures vendredi, mais il est difficile de le confirmer. De façon générale, la situation semble s’être calmée.

 

Après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et le processus de transition qui a abouti à l’organisation d’élections, le Burkina Faso ne semble pas en mesure de sortir de la crise. Du reste, le 27 février s’est ouvert le procès des responsables présumés du coup d’Etat de 2015. Peut-on établir un lien entre l’attaque de l’ambassade de France de Ouagadougou et ce procès historique ?

Depuis la chute de Compaoré, les attaques qui ont frappé le Burkina sont souvent liées à l’ex-président qui vit aujourd’hui en Côte d’Ivoire. La coïncidence entre ce procès et l’attaque de ce jour peut troubler. Même si pour l’heure, aucun lien véritable n’a été établi entre Blaise Compaoré et ces attaques, il est important de souligner que l’ancien président est toujours influent dans son pays. Vingt-sept ans à la tête d’un État ne s’effacent pas facilement et plusieurs éléments du RSP (Régiment de sécurité présidentielle), sa garde prétorienne, sont toujours dans la nature. De plus, Blaise Compaoré est accusé par certains membres de la classe politique du Burkina Faso d’être fortement lié à certains groupes islamistes. Donc, faire le lien entre ces deux évènements n’est en rien farfelu.

 

Lire aussi : Christian Bader, ambassadeur de France en Centrafrique, sur la sellette

 

Avez-vous apprécié le discours d’Emmanuel Macron à l’Université de Ouagadougou en novembre 2017 ? Il a notamment déclaré, à propos de la démographie africaine : « Quand vous voyez des familles de 6, 7, 8 enfants par femme, êtes-vous sûrs que cela soit le choix de la jeune fille ? Je veux qu’en Afrique, partout, une jeune fille puisse avoir le choix. (…) C’est une conviction profonde qui m’a poussé à faire de l’égalité femme-homme une grande cause de mon mandat. La démographie peut être une chance mais à condition que chaque femme puisse choisir son destin »

Le Président français a émis une opinion, même si je juge son intervention déplacée. C’est moins du mépris que de l’inexpérience politique à mon sens. Car, culturellement en Afrique, les familles nombreuses n’ont pas une connotation négative, au contraire. C’est vrai que de nos jours la tendance est aux familles réduites.  Le Président français n’avait pas besoin de faire cette sortie même si comme je le dis, il n’a fait qu’émettre une opinion. C’est aussi l’expression d’un cliché qui montre ce grand village avec ces femmes paysannes et leurs époux agriculteurs sous l’arbre, à palabrer au clair de lune. Mais, l’Afrique, ce n’est plus uniquement cela. Cette façon de vivre tend même à se perdre. Aujourd’hui, la femme africaine est aussi ingénieur, ministre, cadre, entrepreneur… Donc, difficile pour elle d’être mère de 7 ou 8 enfants. Donc, il est important que le Président français se départisse de ces clichés aux allures de livres d’histoire pour s’imprégner réellement de la situation de cette Afrique jeune qui bouge et que certains jugent parfois même trop « européanisée ».

Il est important que le Président français se départisse de ces clichés aux allures de livres d’histoire pour s’imprégner réellement de la situation de cette Afrique jeune qui bouge et que certains jugent parfois même trop européanisée 

Comprenez-vous que l’Afrique subsaharienne puisse être un motif d’inquiétudes pour les Français et les Européens, tant parce que sa démographie est exponentielle, que par l’instabilité institutionnelle des nations qui la composent ? Le continent paraît étouffer sous la domination d’une klepto-gérontocratie indéboulonnable qui aurait peut-être intérêt à ce que rien ne change.

L’Afrique subsaharienne a du potentiel. Cela est indéniable et les pays qui la composent ne sont pas véritablement des lieux dangereux pour les Français. Dans nos pays, ces derniers vivent bien et font des affaires sans être inquiétés. L’Afrique est aujourd’hui en route vers la démocratisation. Certains pays comme le Ghana et le Sénégal sont cités en modèles. Derrière, les choses bougent aussi, avec les jeunes qui, mieux formés, luttent contre cette classe que vous citez. L’Afrique avance à son rythme, renforcée par l’impulsion nouvelle que lui donne sa jeunesse.

 

La France ne peut plus accueillir d’immigration supplémentaire et l’Afrique a besoin de garder ses meilleurs éléments. Comment peut-on résoudre le problème migratoire ?

La question migratoire est avant tout à mon sens une question africaine. Quand nos États mettront en place le climat nécessaire pour l’épanouissement de leurs jeunes, plus personne ne prendra le risque de mourir en mer. La migration est un phénomène humain normal. Il y a aujourd’hui en Afrique des Européens qui ont réussi ce qu’ils n’auraient jamais réussi chez eux par exemple. Ce qu’il faut combattre, c’est l’immigration clandestine et une grande part de ce combat revient aux dirigeants africains. Personne n’a envie de quitter sa famille. Une fois que nos jeunes percevront un début d’espoir dans leurs pays, ce phénomène reculera de lui-même.

 

Lire aussi : Asile immigration : Gérard Collomb devrait s’inspirer du Danemark

 

La place de la France en Afrique est-elle toujours aussi importante que dans les années 1980 ? Quid de la Chine ? Des États-Unis ? De la Russie ? Des pays de la péninsule arabique ?

Historiquement, la France et l’Afrique seront toujours liés. Mais d’un point de vue purement économique, des pays comme la Chine ou même le Maroc montent en puissance, en Afrique subsaharienne francophone. La France compte toujours sur le continent mais elle est aujourd’hui talonnée par d’autres pays. Même si des États comme la Russie ou ceux du Golfe semblent à la traîne, il faudra également compter avec eux. L’Émir du Qatar a récemment effectué une visite en Côte d’Ivoire et au Sénégal. L’Afrique est un immense marché de potentialités à conquérir et cela a été vite perçu par les grands pays. Ce que les Africains attendent, ce sont des relations gagnant-gagnant avec ces pays.

 [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]

EN KIOSQUE

Découvrez le numéro du mois - 6,90€

Soutenez l’incorrect

faites un don et défiscalisez !

En passant par notre partenaire

Credofunding, vous pouvez obtenir une

réduction d’impôts de 66% du montant de

votre don.

Retrouvez l’incorrect sur les réseaux sociaux

Les autres articles recommandés pour vous​

Restez informé, inscrivez-vous à notre Newsletter

Pin It on Pinterest