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De quoi Raoult est-il le symbole ?

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Publié le

6 mai 2020

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En politique la prudence est de mise, parce que la politique n’est pas une science dure et que la multiplicité des facteurs qui l’influencent, changeant sans cesse au gré d’un univers mouvant, empêchent d’en faire in vitro. Non pas d’ailleurs que la prudence politique refuse la prise de risque, le risque étant par définition consubstantiel à l’action, mais il faut l’assumer et être prêt à en payer le prix seul, quand on a pris ce risque seul.

 

Dans le camp des intellectuels de droite, dans le camp de ceux qui représentent ceux que l’on ne représente pas, qui se targuent de parler à et de « ceux qui ne sont rien », on a, semble-t-il, pris fait et cause pour la chloroquine et pour Didier Raoult ; certains ont même cru voir en lui un « chef » et son traitement la solution à la pandémie : un traitement pas cher et qui marche comme on l’entend répéter souvent ; excepté que l’on ne sait pas encore s’il marche, Didier Raoult refusant obstinément de se plier aux exigences des « sachants » qu’il raille en boucle lors de saillies jubilatoires, quelque peu grotesques à force, puisqu’il est à cette heure impossible de dégager le moindre début d’évidence des travaux du médecin marseillais.

 

Lire aussi : L’éditorial de Jacques de Guillebon : Juste du courage

 

Certes, Raoult, entre deux bêtises sur les morts en trottinette, une confiance aveugle dans le régime dictatorial chinois en passant par les fameuses statistiques qui ne bougeront pas, a pointé à raison les défaillances stratégiques du Conseil scientifique, préconisé à juste titre le dépistage et l’isolement des malades, et dénoncé le confinement avant de se rétracter dans une espèce de retournement de veste sophistique dont il a le secret, arguant désormais que celui-là n’a rien changé à la cinétique de la courbe de l’épidémie sinon la hauteur de son pic (sic). Traduisons : l’épidémie aurait fait une courbe en cloche avec ou sans le confinement, mais sans celui-ci elle aurait été plus haute – il y aurait donc eu plus de morts encore du coronavirus chinois, a fortiori, que d’accident de trottinettes. Cela fait beaucoup d’erreurs pour peu de vérités et cela implique donc la plus grande prudence à l’égard des trouvailles d’un personnage dont les intuitions se confirment une fois sur trois, d’autant que nous l’avons dit en préambule, Didier Raoult est devenu un phénomène politique : le symbole de la lutte du peuple contre les élites.

 

Didier Raoult : “Il est temps de tourner la page sur les études qui ne contiennent pas groupe de contrôle négatif”. Source ici.

 

On peut se moquer de la réalité des symboles, s’en servir comme prétexte, rien ne changera le fait qu’un symbole, aussi métaphorique fût-il, pour mériter son statut de symbole doit conserver quelques accointances avec la réalité. De Gaulle en son ordre représente le symbole de la France parce qu’il l’a sauvée, parce qu’il a combattu ceux qui voulaient la détruire, et qu’il a eu raison de choisir Londres, raison de refuser la soumission à l’Allemagne, comme il avait aussi vu juste sur les intentions de celle-ci avant la guerre. Pétain qui réclamait aussi sa dimension symbolique, a soumis la France à ses ennemis, s’est trompé sur les intentions allemandes quoiqu’il ait vu juste sur l’affaiblissement des élites françaises auxquelles, comme Raoult, il appartenait – il avait, lui aussi, raison une fois sur trois.

 

Le populisme est le plus dangereux des narcotiques, le plus puissant des opiums pour endormir et anéantir l’intelligence, la culture, la patience et l’effort conceptuel. Michel Onfray
Journal hédoniste I, Le Désir d’être un volcan (1996)

 

Pour l’instant Didier Raoult n’est qu’un symbole en devenir de la même façon que Pétain et de Gaulle avant l’issue de la guerre prétendaient chacun figurer celui de la France. Mais la comparaison cesse là : de Gaulle incarnait une espérance folle d’abord, puis vite confirmée à mesure que la guerre avançait, et celui qui avait vu juste à l’entrée de la bataille ne cessait de se voir conforter dans sa vision, à l’inverse du funeste Maréchal. La comparaison cesse là aussi parce que n’en déplaise à Macron et à Raoult, il ne s’agit pas ici d’une guerre, mais d’une crise et que cette crise aussi mal gérée qu’elle le soit par le pouvoir en place ne semble pas mieux gérée par Raoult qui n’a toujours pas su générer autour de lui le consensus nécessaire à la victoire de sa bithérapie.

 

 

Il peut toujours dire : « le consensus c’est Pétain », il n’empêche que c’est de Gaulle qui a fait consensus autour de sa personne, en unifiant les diverses factions résistantes qui permirent le triomphe de la France libre. Le seul consensus qui vaut pour l’instant autour de Raoult est politique, chez ceux qui se revendiquent du populisme : dans son domaine, le seul où il prévaut, la médecine, il apparaît de plus en plus isolé. Par parenthèse, à ceux qui voudraient dire que les médecins de base le soutiennent, on rappellera que pour l’administration d’hydroxychloroquine, le professeur Raoult préconise officiellement un électro-cardiogramme préalable, outil dont ne dispose pas la majorité des médecins généralistes rendant cette molécule, d’après ce que nous en dit Raoult, imprescriptible en médecine générale.

Le symbole politique repose donc, pour l’instant, sur un potentiel échec médical puisqu’on ne sait toujours pas si Raoult a guéri une seule personne du coronavirus ; il vient d’ailleurs de signaler étrangement, dans une vidéo, pour expliquer que la maladie n’est pas grave que les résultats qu’il obtient, de 0,5/100 de mortalité, sont identiques à ceux obtenus par les islandais, lesquels se sont contentés d’un dépistage massif sans chloroquine ajoutée. C’est un pari donc, mais c’est un pari médical que le professeur assumera seul dans l’opprobre ou la gloire selon que l’avenir lui donnera tort ou raison.

 

 

Politiquement, il en va autrement car un échec de Raoult, depuis qu’on en a fait un symbole politique et qu’il s’est glissé dans ce rôle qu’il assume de plus en plus, quoiqu’il dise le contraire comme souvent, puisqu’il a rallié la future revue politique de Michel Onfray, Front Populaire, aura des conséquences politiques, et elles seront forcément terribles. S’il a raison, l’heure de nos gouvernants, l’heure des « sachants » est comptée, on n’échappera pas à une révolution ; qu’elle arrive rapidement ou un peu plus tard, elle aura lieu, le scandale de la chloroquine couplé à celui des masques exacerbant une rancœur légitime à l’égard de ceux qui projettent à cette heure de s’auto-amnistier de leurs propres fautes.

Si Raoult a tort, il aura trompé ceux qui se sont fait les porte-paroles du peuple en en faisant le symbole, et c’est le peuple à la fin qui aura été trompé, légitimant encore le mépris de ceux qui le méprisent et leur permettant de l’accroître en toute bonne conscience. Le peuple subira l’anathème pas ceux qui auront parlé en son nom et qui continueront leur carrière médiatique. Là encore, nous n’échapperons pas, à terme, à une révolution, laquelle n’est que la modalité anarchique de l’oppression vers laquelle le nouveau monde se dirige. Mais peut-être est-ce là le souhait secret de ceux qui ont fait du professeur Raoult un symbole : la Révolution ; la bêtise alors commandant moins leur enthousiasme qu’une espèce de stratégie marxiste visant à radicaliser les antagonismes afin que tout explose, et le peuple avec…

 

Lire aussi : Sibeth Ndaye nous dit quelle presse nous devons lire

 

On en doute malgré tout, quoique si cela s’avérait il faudrait alors se méfier de ces amis du peuple qui prétendent parler en son nom, et lui faire assumer des risques que le peuple n’a pas pris, des symboles qu’il n’aurait jamais revendiqué ; les révolutions en France ayant toujours martyrisé le peuple en premier lieu, elles n’ont jamais, par ailleurs, remplacé les anciennes élites que pour en consacrer des nouvelles, implacablement pires que les précédentes.

 

Par Rémi Lélian

 

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