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Du « droit au blasphème »

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Publié le

7 février 2020

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Quinze jours déjà que ce qu’on appelle « l’affaire Mila » dure. À l’heure de l’éphémère, la persistance de cette polémique surprend. Pourquoi celle-ci et pas une autre ? Peut-être parce qu’elle réveille et révèle certains travers français, notamment une propension toute contemporaine à travestir le sens des mots. A-t-on toujours le « droit de blasphémer » se demande-t-on le plus sérieusement du monde dans les rédactions et dans les débats politiques.

 

Lors de son entretien chez Yann Barthés, Mila a présenté ses arguments de défense et n’a pas reculé face à ses opposants. Dotée d’un certain courage – assez propre aux femmes de sa génération semble-t-il sans filtre, du fait d’une éducation qui les y a probablement encouragées -, l’adolescente a indiqué qu’elle avait « voulu blasphémer ». Ce faisant, elle a repris un terme que même les plus laïques des laïcistes utilisent désormais. Pour le moins étonnant que des non croyants et des non pratiquants, parfois hostiles à tous les rites religieux comme à la moindre spiritualité théiste personnelle, utilisent un vocabulaire frappé au sceau de la pure religiosité. Comment l’athée ou l’agnostique pourrait-il blasphémer ? Même d’un point de vue musulman, la chose n’existe pas. Le « mécréant » peut injurier l’islam. Il doit d’ailleurs se taire en terre d’islam et éviter toute critique de cette religion, mais il ne saurait blasphémer. Seul le croyant et le pratiquant peuvent « blasphémer », apostasiant parfois au cours du processus.

 

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Imagine-t-on un prêtre critiquant l’islam et considérant que cette religion ne détient pas toute la vérité être accusé d’avoir « blasphémé » ? En réclamant un « droit au blasphème » qui n’a jamais existé, les défenseurs de la laïcité donnent des arguments … aux religieux. En l’espèce, ils en donnent aux musulmans les plus incultes. En France, nous avons toujours – au moins en théorie – droit à avoir une opinion politique, philosophique et donc religieuse. Nous pouvons aussi exprimer ces opinions. Mais avons-nous le droit de blasphémer ? Pas au regard de notre religion si nous en avons une. Dans la société, nous pouvons en revanche tout à fait exprimer avec virulence des opinions qui seraient jugées blasphématrices par des membres du clergé, des imams ou des rabbins.

Nous ne pouvons toutefois pas blasphémer contre les totems et les tabous contemporains, contre les tables de la loi du vivre-ensemble. C’est d’ailleurs peut-être ce crime de lèse-diversité qui a joué contre Mila et lui a attiré l’opprobre de ces grandes consciences que sont la starlette Nabilla, le trompettiste poursuivi pour agression sexuelle sur mineure Ibrahim Maalouf, le créateur de temps de cerveau disponible Cyril Hanouna ou le rappeur Booba pour qui « la liberté d’expression c’est pour les cons ». Quand son collègue, le rappeur Niska prétend qu’il s’en « bat les couilles de qui c’est Charlemagne », il ne dérange personne. Il faudrait d’abord pour ça que tout le monde sache qui fut Charlemagne… Idem quand des « jeunes » crachent quotidiennement sur la France et son peuple – auquel ils sont supposés appartenir aussi – ; pas un murmure de réprobation.

 

L’affaire Mila est finalement plus une affaire de la sous-culture rap qu’un problème lié à la religiosité. La bimbo Nabilla et les voyous qui ont insulté Mila sont-ils de pieux musulmans ? Non, mais ils incarnent un moment suspendu, une époque. Celle de la rencontre du rap violent, de la culture du gangstérisme, de l’islamisme comme vecteur identitaire plutôt que comme pratique religieuse, des réseaux sociaux et de la toute puissance jalouse de l’émotion.

 

Dans ces conditions, pourquoi devrait-on s’offusquer du fait qu’on puisse dire qu’on glisse un « doigt dans le cul » d’un livre religieux ? La chose est d’une confondante banalité à l’heure où cette activité peut être exercée en public. L’affaire Mila est finalement plus une affaire de la sous-culture rap qu’un problème lié à la religiosité. La bimbo Nabilla et les voyous qui ont insulté Mila sont-ils de pieux musulmans ? Non, mais ils incarnent un moment suspendu, une époque. Celle de la rencontre du rap violent, de la culture du gangstérisme, de l’islamisme comme vecteur identitaire plutôt que comme pratique religieuse, des réseaux sociaux et de la toute puissance jalouse de l’émotion.

Du reste, si on a le droit légal de critiquer toutes les religions (encore heureux), il faut aussi s’attendre à être soi-même critiqué en retour. Je pourrais ainsi me filmer en expliquant que la Torah est un texte xénophobe et que les règles de la cacheroute sont le signe d’une psychose collective ; je ne m’étonnerais alors pas d’être mal vu par les juifs observants. Je pourrais aller plus loin en utilisant un registre de langage comparable à celui de Mila, c’est-à-dire grossier. S’il est peu probable que je sois alors menacé de mort, j’aurais tout de même quelques soucis. Soyons civils et évitons d’injurier les gens dans ce qu’ils ont de plus intime, sans s’interdire une critique intellectuelle d’une grande dureté.

 

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Demain, que dirons-nous à ceux qui se vantent de « niquer la France » si nous sommes injustes ? Suis-je Mila ou ne suis-je pas Mila ? À cette question binaire et forcément stupide, apportons une réponse nuancée. Nous sommes Mila face aux voyous qui font régner l’ordre à la place de l’Etat grâce à la violence, face à cette jeunesse débile qui se soumet intellectuellement. Nous sommes Mila contre les ordures qui la menacent de mort et ceux qui les excusent. Contre ces mêmes « jeunes » qui ont assassiné la petite Laura et tant d’autres au cours des dernières années. Il y a des dizaines de milliers de Mohamed Merah en puissance en France. Mais doit-on nous aussi employer un langage injurieux ? Doit-on réduire notre champ de vision et notre capacité de réflexion au niveau d’une adolescente ? Heureusement que non.

 

Gabriel Gabriel

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