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Gay Pride, Jeanne d’Arc et moi

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Publié le

3 juillet 2018

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gay pride

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Dans ce Paris cruel et non moins enchanteur où je vis depuis deux ans et demi, je déambule souvent au gré des itinéraires des personnages balzaciens de la Comédie Humaine ; un des chefs-d’œuvre de la littérature française qui m’a le plus marquée. Les pavés du quartier de l’Opéra, de la rue de Rivoli, des anciennes galeries du Palais Royal jusqu’aux quais de la Seine sont familiers à mes pas de flâneuse. Cependant, en ce 30 juin 2018, les pavés vibraient plus frénétiquement que d’accoutumée sous mes pieds à cause d’une chaleur caniculaire, mais pas que…

 

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Ce jour-là c’était le jour de la « Marche des Fiertés ». La communauté LGBTQ, cible de violences et de discriminations surtout dans les pays musulmans où la charia est appliquée et dans les sociétés conservatrices où les Droits de l’Homme sont bafoués, paradait à Paris ; capitale de la France où le mariage pour tous est légalisé et où les libertés ont le vent en poupe depuis longtemps. Le spectacle vu de loin est multicolore, vivace, bariolé… beau à regarder ! Mais plus je m’approchais de la foule en marche, plus je découvrais un déchaînement similaire à celui des Bacchanales extravagantes, exhibitionnistes et perverses, sans le soupçon d’une once de solidarité humaniste avec les victimes de l’homophobie en Tchétchénie, en Iran, en Egypte ou dans les territoires contrôlés par l’EI, les Talibans ou les Frères musulmans. Une victime lointaine est sans intérêt pour l’égoïsme victimaire et primaire d’une communauté qui prétend être « stigmatisée » en France. Tintamarre assourdissant, spectacles SM live du cœur de l’événement, cravaches, laisses en cuir, fouets, fanions multicolores, enfants attifés de T-shirts couleur de l’arc-en-ciel, drag queens, femmes aux seins nus qui s’égosillaient en répétant des slogans à peine perceptibles… La foule était hétéroclite et euphorique… Mais aussi hostile vis-à-vis des « outsiders », ces zombies hétérosexuels venant perturber leur vacarme tranquille. Oui, en sortant de chez moi, il ne m’était pas venu à l’esprit que c’était le jour de la Marche des Fiertés !

Des frontières visibles se dessinent dans la ville. Un séparatisme se déploie en douce

J’ai essayé donc de me tenir à distance de la foule et de presser le pas, non par insensibilité ou indifférence à la cause des LGBTQ, mais par manque d’identification à leurs revendications de second ordre dans un pays où ils ne sont pas les plus malheureux. J’ai toujours milité pour des causes que j’ai jugées justes, à raison ou à tort. Mais pour des causes d’ordre primordial : les femmes victimes de violences conjugales au Liban, les enfants de réfugiés syriens traumatisés par la guerre, la présence souveraine et historique des chrétiens au Liban, etc. Je trouve indécent de partager la marche avec une communauté qui a le droit de manifester dans un pays de libertés, moi qui ai esquivé de justesse les violences des services secrets syriens à l’âge de 11 ans lors d’une manifestation étudiante contre l’occupation syrienne au Liban, en un certain 7 août 2001. J’étais une enfant mais depuis je garde le sens des priorités dans l’ordre des luttes. N’en déplaise à nos amis LGBTQ, aux féministes, aux vegans antispécistes, aux pro-migrants qui ne voient pas le malheur à leurs portes : les SDF à la vie en vrille qui occupent les trottoirs, par exemple… Ils vont chercher le malheur ailleurs, dans la Méditerranée. C’est plus exotique. Serais-je en train de passer du coq à l’âne en mettant tous ces militants modernes des causes superflues dans le même sac ? Je ne pense pas. Ils partagent tous la même attitude malsaine ; celle de placer leur égoïsme en-dessus du bien commun et de la transcendance paisible des différences dans une société aussi riche et multiple que celle française. Il y a le camp du Bien et celui du Mal, séparés par un mur presque infranchissable. Le manichéisme et les discours moralisateurs font foison. Et un certain puritanisme tentaculaire enserre de son étau la liberté d’expression. Et la communautarise. Des frontières visibles se dessinent dans la ville. Un séparatisme se déploie en douce. Des passages piétons couleur arc-en-ciel dans le Marais (qui n’est pas historiquement le quartier des Gays, comme d’aucuns prétendent péremptoirement) et drapeaux arc-en-ciel sur la façade de l’Assemblée nationale. Ces mêmes frontières sont beaucoup plus subtiles dans la « Marche des fiertés ». J’ai été subtilement identifiée comme « outsider ». Ma marche maladroite dans cette marée humaine déjantée a suffi pour me démasquer. Un groupe de lesbiennes m’a interpellée : « Eh meuf, viens ! ». Il m’a suffi de les ignorer pour subir une salve de mots irrévérencieux.

 

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Cet incident ne m’a pas choquée. Je suis tombée sur un mauvais groupe, sans doute. Je ne veux pas généraliser. Cependant, ça m’a poussée à réfléchir sur l’amateurisme névrotique de ces groupes de lutte modernes à mille lieues de la tradition sociale, littéraire et historique de l’homosexualité. Ce n’est plus une forme d’hédonisme philosophique et libertaire- qu’on peut apprécier ou pas- trouvé dans les mazarinades, par exemple. Ce n’est surtout pas représentatif de l’intensité de la flamme que partageaient ce couple mythique : Jean Cocteau et Jean Marais. Une flamme qui s’alimentait même de la foi catholique de Cocteau qui allait à confesse régulièrement. Dans une des lettres adressées à Marais, Jean Cocteau écrivit : « Ce ciel nous a tant donné qu’il doit être mal de lui demander davantage ». On en est où de cette élégance ? A la Gay Pride, des croix en bois faisait guise de cache-sexe ! A la Belle époque, les homosexuels s’affichaient librement et faisaient partie du paysage parisien. Ils n’attendaient pas les passages piétons arc-en-ciel pour aller se retrouver. Il y avait les vespasiennes (appelées communément les tasses de Paris), les jardins dont les plus centrés comme les Tuileries, les passages couverts comme le passage Jouffroy et le passage des Princes. Il y avait l’Eldorado, le   Moulin Rouge et le Divan Japonais. En ces temps-là, on ne scandait pas dans les rues seins nus ou à quatre pattes des slogans « trash ». L’homosexualité s’exprimait sur des notes dadaïstes, burlesques, artistiques et non conformistes. A l’heure actuelle, elle veut adopter les cadres « conformistes », déjà trop contraignants pour certains couples hétérosexuels qui veulent se mettre à deux et fonder une famille. Mariage, adoption, PMA, etc. Ces êtres délicieusement excentriques qui défiaient une Eglise autoritaire et la société conservatrice deviennent comme la masse ennuyeuse. Des homosexuels au rythme de vie reproduisant celui des « pauvres » hétérosexuels. Des indélicats qui houspillent une simple passante comme moi. Des ignorants qui vandalisent le symbole le plus représentatif d’une certaine France que j’aime : La statue de Jeanne d’Arc. Des pseudo-révolutionnaires qui croient changer le monde en détruisant des monuments qui ont puisé dans l’histoire de France une sacralité légitime.

 

Un jour, à force de revendiquer le droit à la différence, on finira indifférent à tout. Jeanne d’Arc, y compris.

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