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L’Azerbaïdjan, régime fort sur sables mouvants

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Publié le

10 mars 2020

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C’est un petit pays étrange, à mi-chemin de la Syldavie et du pétro-État. Bordant l’ouest de la Caspienne, coincé entre la Géorgie, l’Iran et l’ennemi héréditaire arménien, l’Azerbaïdjan n’attire guère l’oeil de l’expert en géopolitique. Et pourtant.

 

Dans cette charnière apparemment paisible articulant Moyen-Orient et Eurasie pourraient se dérouler demain des événements intéressants le sort du monde en général.

D’abord parce que ce petit pays est plein de pétrole et que son grand frère turc en est en partie dépendant. Ensuite parce que les nouvelles routes de la soie de M. Xi Jinping commencent d’y passer. Enfin, parce qu’il constitue un rare poste avancé de la laïcité à l’occidentale en terre musulmane.

 

Lire aussi : Trente ans après, la Russie éternelle incomprise

 

Le pays est pour lors très stable, dirigé d’une main de fer par Ilham Aliev, qui a succédé à son père, l’ancien patron du parti communiste local en 2003. Car l’Azerbaïdjan fut une république soviétique et c’est sans doute ce qui lui vaut son caractère « éclairé » religieusement. Une main de fer, certes, qui leur vaut d’être sans cesse réélus haut la main, et malgré la présence comme en ce mois de février 2020 d’« observateurs internationaux » qui n’ont dans les faits guère les moyens d’observer.

Alors que plus de 1300 candidats de 19 partis se présentaient pour se partager les 125 sièges du parlement, le « Milli Majlis », 72 sièges ont échu aux partisans du président.

Nous le savons, nous en étions. Quoiqu’il y eut 883 observateurs extérieurs, ces élections législatives du 9 février ont vu la victoire étonnante du parti de M. Aliev, qui a renforcé encore son pouvoir en gagnant 3 nouveaux députés dans une chambre unique qu’il contrôlait déjà. Alors que plus de 1300 candidats de 19 partis se présentaient pour se partager les 125 sièges du parlement, le « Milli Majlis », 72 sièges ont échu aux partisans du président. Large majorité dont les rares voix contestataires ne parviendront pas à faire entendre l’illégitimité.

Au fond, cette situation arrange presque tout le monde : le peuple, s’il gronde quelque peu ces dernières années – la chute des cours du pétrole ayant réduit la croissance à la portion congrue (1 à 2%) – n’a jamais connu de tradition révolutionnaire et ne dispose pas des organes nécessaires pour manifester son mécontentement. L’étranger, lui, est ravi que ce petit pôle de stabilité continue d’exister dans cette zone si agitée.

Surtout l’Azerbaïdjan peut compter sur deux marraines puissantes et toujours penchées à son berceau, la Turquie et la Russie. S’il est membre du Conseil de l’Europe, le pays vit en réalité dans un monde bien différent du nôtre. Les Azéris se considèrent comme originellement turcs, et M. Erdogan ne se fait pas prier non plus pour les envisager ainsi : dans son expansion panturciste, l’Azerbaïdjan figure en bonne place, comme allié stratégique et pour l’approvisionnement en énergie et comme porte d’entrée en Asie.

Les Azéris se considèrent comme originellement turcs, et M. Erdogan ne se fait pas prier non plus pour les envisager ainsi. 

Ainsi, fin février, la Turquie et l’Azerbaïdjan ont signé un accord commercial préférentiel qui crée une sorte de marché commun. Mais la relation n’est pas à sens unique, et si la Turquie pose en « grand frère », elle est en réalité très dépendante des investissements azéris : ainsi la SOCAR (State Oil Company of Azerbaijan Republic, NDLR) investit énormément en Turquie et le banques turques lui doivent beaucoup.

De même, le Ceyhan, cet important port fluvial ouvrant vers la Méditerranée, lieu d’aboutissement de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, qui achemine le pétrole brut des champs azeris de Chirag-Guneshli sur la mer Caspienne, rapporte beaucoup d’argent à la Turquie. La Turquie a aussi besoin de l’Azerbaïdjan pour la soutenir dans ses récriminations contre l’Europe.

 

Lire aussi : Le jeu criminel de la Turquie en Syrie 

 

Ainsi au mois de janvier M. Aliev soulignait que le Conseil de l’Europe avait pris l’Azerbaïdjan et la Turquie pour cible, à propos de la Syrie notamment : « Je me souviens, lorsque j’ai commencé à travailler à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en tant que chef de la délégation azerbaïdjanaise, ma première démarche a consisté à d’organiser la rencontre de la délégation azerbaïdjanaise avec la délégation turque. Nous nous sommes rencontrés le premier jour et nous sommes convenu que nous nous soutiendrions toujours dans toutes les questions. Malheureusement, le Conseil de l’Europe connaît une dégradation depuis ce temps, je crois. Cette organisation perd de son importance au niveau international ».

Mais dans les faits, pour l’Azerbaïdjan, le partenaire le plus important n’est pas la Turquie mais la Russie. Car c’est l’ancienne puissance tutélaire et l’Azerbaïdjan a été créé réellement pendant la période soviétique. Une bonne partie de ses élites sont russophones et beaucoup de travailleurs azéris vont travailler en Russie.

Comme ailleurs, en Syrie, l’Azerbaïdjan est l’occasion pour messieurs Poutine et Erdogan de confronter, à fleurets mouchetés, leurs deux volontés impérialistes concurrentes.

Une alliance précieuse pour la paix du monde puisque la Russie joue le rôle de modérateur dans les relations belliqueuses du pays avec l’Arménie. D’autant que se profilent le 31 mars des élections présidentielle et les législatives dans le Haut-Karabakh, le territoire disputé entre les deux pays, et certains soupçonnent Bakou de vouloir en profiter pour intervenir militairement. Comme ailleurs, en Syrie, l’Azerbaïdjan est l’occasion pour messieurs Poutine et Erdogan de confronter, à fleurets mouchetés, leurs deux volontés impérialistes concurrentes.

 

 

Jacques de Guillebon

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