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L’homme au masque de fer : entretien avec Christophe Roustan Delatour

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Publié le

19 juillet 2019

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Du 16 juin au 27 octobre 2019, l’île Sainte-Marguerite, au large de Cannes, accueille l’exposition Secret d’Etat sur l’homme au Masque de fer. L’historien Christophe Roustan Delatour a tenté de percer par un long travail de recherche,  le mystère autour de l’identité de ce personnage mythique.

 

 

L’homme au masque de fer est-elle encore une légende ou désormais une vérité établie ?

Christophe Roustan Delatour : L’Homme au masque de fer est un personnage historique, dont l’existence est attestée par de nombreux documents d’archive et corroborée par des témoignages fiables. A Cannes, le souvenir de sa détention au Fort Royal de Sainte-Marguerite, de 1687 à 1698, s’est perpétué jusqu’à nos jours : sa prison, remarquablement conservée, attire chaque année plus de 80 000 visiteurs. Pourtant, plus de 300 ans après son décès (1703), le mystère de son identité reste entier.

Une légende est née autour de ce mystère. Le prisonnier masqué est ainsi devenu célèbre dans le monde entier, grâce aux œuvres de fiction de la période romantique (Alexandre Dumas, Victor Hugo…) et au cinéma.

Le Masque de fer est un « prisonnier d’État », arrêté et mis au secret, sans procès ni jugement, sur ordre du roi Louis XIV.

Comment apparaît cet homme ? D’où vient-il lorsqu’on le mentionne pour la première fois ?

Le Masque de fer est un « prisonnier d’État », arrêté et mis au secret, sans procès ni jugement, sur ordre du roi Louis XIV. Le motif de son incarcération reste inconnu. Seule certitude : en avril 1680, le prisonnier est détenu au donjon de Pignerol (en Piémont italien) sous la garde du geôlier Saint-Mars. D’où venait-il ? Que faisait-il auparavant ? La réponse varie d’une théorie à l’autre…

 

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Vous affirmez que le détenu connu comme l’homme au masque de fer est passé par une prison en Italie ainsi qu’à Paris. Pensez -vous que l’Ile Saint Marguerite a-t-elle été transformée en prison afin de garantir un plus grand secret ?

L’itinéraire du prisonnier est connu à partir d’avril 1680. De Pignerol, il est transféré en 1681 au château d’Exilles, autre forteresse piémontaise. De là, en avril 1687, il est envoyé au Fort Royal de Sainte-Marguerite, dans une prison spécialement construite pour le garder au secret. Cette prison est exceptionnelle pour l’époque : très confortable, elle était aussi l’une des plus sûres du royaume. C’était l’équivalent d’une prison de haute sécurité, protégée par la mer, érigée à l’abri des regards sur un à pic rocheux et défendue par une compagnie de mousquetaires.

 

Quel était le quotidien de l’homme au masque de fer ?

La détention du Masque de fer était entourée d’un secret absolu. Nous avons donc très peu d’informations sur son quotidien. Nous savons toutefois qu’il était très strictement gardé, pour « empêcher qu’il soit vu ni connu de [quiconque] ». Il était soumis à des inspections et des fouilles régulières, de jour comme de nuit, afin d’empêcher qu’il communique avec l’extérieur. Sa cellule, spacieuse, était meublée et également pourvue d’une cheminée, de latrines et d’une grande fenêtre. Un dispositif élaboré de portes et de grilles rendait toute évasion impossible. Enfin, l’on sait qu’une chapelle était aménagée à proximité de la cellule, afin que le prisonnier puisse entendre la messe (il était catholique). Etait-il parfois autorisé à quitter sa cellule ? Pouvait-il se promener sur la vaste terrasse qui surplombe la mer (appelée « cour du château » dans un inventaire de 1691) ? On ne peut pas l’affirmer…

Son geôlier, Saint-Mars, le considère comme un prisonnier modèle et le décrit comme un homme résigné à son sort.

Comment était-il traité ?

Apparemment, il était bien traité. Son geôlier, Saint-Mars, le considère comme un prisonnier modèle et le décrit comme un homme résigné à son sort. A la même époque, d’autres prisonniers furent traités avec une grande sévérité : privés de confort, chichement nourris, battus… Ce n’est clairement pas le cas du Masque de fer.

@ Mairie de Cannes

 

Qui était Eustache Danger ?

Eustache Danger ou Dauger (l’orthographe varie beaucoup à cette époque), est un prisonnier d’État arrêté en juillet 1669 et incarcéré à Pignerol. Etroitement surveillé, il est entouré d’une aura de mystère. Il disparaîtra de la correspondance officielle en avril 1680 après avoir été, pendant cinq ans, le valet occasionnel d’un autre détenu de Pignerol, Nicolas Fouquet, l’ancien Surintendant des Finances. La majorité des historiens actuels considère que Dauger est l’Homme au masque de fer. Toutefois, les avis divergent quant à sa véritable identité, au motif de son arrestation et à la signification du masque.

En réalité, le Masque de fer a, porté deux types de masques : un « masque d’acier », mentionné en 1687, et un « masque de velours noir », attesté à la Bastille en 1698 et 1703.

Pourquoi un masque de fer ?

En réalité, le Masque de fer a, porté deux types de masques : un « masque d’acier », mentionné en 1687, et un « masque de velours noir », attesté à la Bastille en 1698 et 1703. Ce masque n’était donc pas un instrument de torture mais une manière efficace de cacher un visage qui pouvait être reconnu… Reste à savoir pourquoi.

 

A-t-on une trace, un écrit ou  un récit de ce qu’aurait pu dire ou penser l’homme au masque de fer ? Est-ce que l’on sait dans quel état psychologique était le prisonnier du fait de sa condition ?

Les seuls propos du Masque de fer qui aient été rapportés concernent son transfert d’Exilles à Cannes, en avril 1687. Durant ce périple de douze jours, Saint-Mars avait dissimulé son prisonnier masqué dans une chaise à porteurs couverte de toile cirée. Le Masque de fer faillit suffoquer en route et s’en plaignit auprès de Saint-Mars, qui relata l’épisode au ministre de la Guerre.

La correspondance officielle de l’époque ne révèle rien de son état psychique mais il est certain que ses gardiens veillaient à le maintenir en bonne santé : après lui avoir apporté son repas, on lui demandait « fort civilement s’il [n’avait] pas besoin d’autre chose ». Il recevait les soins d’un médecin lorsqu’il était malade. Et contrairement à d’autres prisonniers contemporains, il n’a jamais sombré dans la folie, ni contesté son traitement.

 

Si c’est le visage qui devait être absolument rester secret n’est-ce pas forcément parce que l’on aurait pu reconnaître un lien de parenté très proche voir de gémellité avec Louis XIV ?

On ne connaît pas le secret du Masque de fer. S’agit-il d’un acte qu’il aurait commis jadis, d’une information dont-il aurait eu connaissance ou bien, tout simplement, de son identité ?

Bien entendu, il est possible qu’une ressemblance avec le roi ait justifié le port du masque. Quel autre visage que celui du Roi-Soleil – connu à travers l’Europe par ses monnaies et d’innombrables portraits gravés, sculptés et peints –  pouvait-on reconnaître, à la fin du 17e siècle, au fin fond du royaume ?

 

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Pourquoi Louis XIV n’aurait-il tout simplement pas fait exécuter son demi-frère plutôt que de le contraindre à vivre ce destin ?

Nous entrons là dans le domaine de la pure spéculation. Si (et c’est un grand « si » !) le Masque de fer était un parent du roi – par exemple son demi-frère, comme l’a suggéré Marie-Madeleine Mast en 1974 dans Le Masque de fer. Une solution révolutionnaire – alors ce lien du sang le protégea sans doute d’une exécution sommaire. En effet, Louis XIV, monarque de droit divin et fervent catholique, n’aurait pas risqué le salut éternel de son âme en commettant un tel péché. L’enfermement à vie peut être interprété à la fois comme un signe de tempérance et comme un geste de domination de la part d’un souverain absolu.

 

N’est-ce pas plus cruel que la mort comme sort ?

 

L’homme au masque de fer est-il bien mort sur l’île Sainte-Marguerite ?

Non, le Masque de fer est mort à Paris, dans la forteresse-prison de la Bastille, le 19 novembre 1703. Ce décès est consigné par Etienne du Junca, Lieutenant du roi à la Bastille, et confirmé par un acte d’inhumation au cimetière de l’église Saint-Paul. Cependant, Sainte-Marguerite est une étape importante dans le parcours du Masque de fer : il y resta enfermé 11 ans, dans une cellule construite « sur-mesure » et qui existe encore.

Le Masque de fer est mort à Paris, dans la forteresse-prison de la Bastille, le 19 novembre 1703.

Votre thèse remet-elle en cause la filiation de Louis XIV ? Pourquoi ?

Il n’est pas possible, aujourd’hui, d’affirmer qui fut réellement le Masque de fer. En trois siècles, quelque 50 hypothèses ont été avancées, sans apporter de preuve définitive.

 

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L’exposition L’Homme au masque de fer. Un secret d’État (Musée de la Mer jusqu’au 27 octobre 2019), décidée par le maire de Cannes, David Lisnard, adopte une démarche résolument scientifique. Elle s’intéresse aux personnages clés de l’énigme, aux indices, aux lieux témoins. Elle présente ainsi trois hypothèses plausibles ; trois « candidats » qui ont encore des défenseurs parmi les chercheurs : Nicolas Fouquet, Eustache Dauger et Ercole Matthioli. Mais le mystère persiste ! Il est digne d’un véritable secret d’Etat… Au gré de l’exposition, chaque visiteur pourra donc confronter les points de vue et forger sa propre opinion.

 

 

Propos recueillis par Romain Demars

 

 

 

L’Homme au masque de fer. Un secret d’Etat.

Du 16 juin au 27 octobre 2019

Musée de la mer

Ile Sainte-Marguerite

06400 Cannes

 

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