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Un an après l’élection présidentielle : Emmanuel Macron seul au monde ?

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Publié le

7 mai 2018

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Deuxième partie de la semaine politique de L’Incorrect

Un an après l’élection présidentielle de 2017, marquante dans l’histoire de la Vème République parce qu’elle a offert un duel inédit, duquel et le Parti socialiste et la droite dite de gouvernement étaient absents, l’Institut Ipsos a réalisé une enquête d’opinion auprès de 13.000 personnes en collaboration avec le journal Le Monde, le Centre de recherche de Sciences Po, et la Fondation Jean Jaurès, afin d’évaluer la perception qu’ont aujourd’hui les Français de l’action d’Emmanuel Macron et l’idée qu’ils se font de ses principaux opposants. Si les sondages seuls ne permettent pas de prévoir les résultats des prochaines élections, ni même l’évolution politique d’un pays qui a connu et qui connaitra encore de nombreux imprévus historiques, ils sont suffisamment précis pour nous donner des tendances souvent confirmées par les faits.

 

I-Emmanuel Macron tient (encore) le choc

 

En première lecture, l’étude de l’Institut Ipsos laisse apparaître un bilan que la plupart des observateurs n’ont pas hésité à qualifier de « globalement négatif ». À la question « Et un an après son élection, diriez vous que le bilan d’Emmanuel Macron est ? », 55 % des Français interrogés l’estiment négatif contre 45 % qui le jugent positif. Tendance confirmée par le fait que parmi les jugements négatifs se trouvent 16 % de jugements « très négatifs », alors qu’ils ne sont que 4 % à dire de ce bilan présidentiel qu’il est « très positif ». Les partisans d’Emmanuel Macron sont donc en moyenne plus critiques ou plus sceptiques que ses détracteurs. Les choses se corsent quand on examine les résultats de l’enquête au ras-du-sol, tant par sympathies partisanes que par catégories socio-culturelles. Les opposants les plus virulents d’Emmanuel Macron se trouvent principalement à gauche, où seuls 29 % des Français se déclarant proches d’une formation politique classée dans cette famille idéologique trouvent l’action présidentielle globalement positive. À l’intérieur du bloc de gauche, un clivage marqué entre la gauche de la gauche et l’axe rose-vert, confirmant un mouvement de séparation entre les gauches françaises, atomisées façon puzzle.

Au premier tour d’une élection présidentielle, les électeurs choisissent ; au second, ils éliminent. Emmanuel Macron l’a trop bien compris

Ainsi, la gauche d’héritage marxiste réprouve massivement la politique d’Emmanuel Macron avec 93 % de jugements négatifs pour les sympathisants du PCF, 85 % pour ceux de La France Insoumise, et 81 % pour les sondés d’extrême-gauche ne se reconnaissant pas dans le plus vieux parti politique français et dans le mouvement populiste postmarxiste de Jean-Luc Mélenchon. Les mouvements sociaux qui se succèdent depuis septembre, à l’initiative du tribun Mélenchon et des syndicats, auront donc soudé la gauche de la gauche contre Emmanuel Macron. C’est moins le cas au Parti socialiste et chez les Verts, où les courants socio-démocrates et réformistes se maintiennent envers et contre tout, 41 % des socialistes sondés et 36 % des Verts plébiscitant Emmanuel Macron. À droite et au centre, Emmanuel Macron jouit d’une belle cote de popularité : 51 % des Républicains sondés jugeant son action positive, 66 % des sympathisants du MoDem et 68 % des sympathisants de l’UDI. Un total droite tempéré par la défiance des électeurs souverainistes et motivés par les questions migratoires de Debout La France et du Front National, presque aussi vent debout contre Emmanuel Macron que les sympathisants de l’extrême gauche, puisque seuls 22 % des électeurs du Front National trouvent positive l’action présidentielle et 28 % des électeurs de Debout La France. Comme on pouvait s’y attendre, les partisans de La République En Marche sont 93 % à donner un avis positif, en miroir des électeurs communistes. Nous y reviendrons prochainement dans un autre article consacré aux deux cent ans de la naissance de Karl Marx, mais l’opposition entre le fonds marxiste français et les vues d’Emmanuel Macron, inspiré par le libéralisme classique, du moins en discours, pourrait structurer l’inconscient politique français pendant plusieurs années.

 

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Au vrai, c’est le jugement détaillé de l’action d’Emmanuel Macron, mesure par mesure, qui est le plus révélateur des clivages, montrant que le Président tient mieux le choc dans l’opinion que ce que pourrait nous indiquer une lecture superficielle de l’étude. Les Français sondés sont 63 % à considérer que la politique étrangère menée par Emmanuel Macron va dans le bon sens, 61 % à estimer que l’aide apportée aux entreprises va dans le bon sens, 60 % à se montrer en faveur de sa politique européenne, 57 % à trouver que sa façon de lutter contre le terrorisme est la bonne. Ils sont même 50 % à penser qu’il va dans le bon sens en matière de lutte contre le chômage, 49 % à penser qu’il doit poursuivre sa réforme de l’éducation nationale, et, plus surprenant, 47 % à penser qu’il emploie les bonnes méthodes pour limiter l’insécurité. Comparativement à ceux de ses prédécesseurs, ces chiffres sont bons et dévoilent une opinion plutôt sensible aux mesures prises, mais aussi, c’est aussi, sinon plus important, à l’attitude d’Emmanuel Macron face à ces enjeux. Nonobstant ces signaux encourageants pour Emmanuel Macron, son action souffre de deux talons d’Achille aux yeux de l’opinion publique : la maîtrise de l’immigration (34 % seulement de sondés jugeant que son action va dans le bon sens), et de manière plus générale, tout ce qui concerne la justice sociale et le bien-vivre. Emmanuel Macron, bien qu’il s’en défende, est perçu comme étant le « Président des riches », ce que démontrent les 78 % de Français interrogés estimant que sa politique est négative pour la réduction des inégalités sociales et les 78 % de sondés croyant que ses mesures n’augmenteront pas le pouvoir d’achat des Français. Emmanuel Macron échoue sur deux thèmes essentiels qui, selon Jean-Jacques Rousseau, constituent la fin de l’association politique ; garantir la conservation (immigration) et la prospérité (pouvoir d’achat) de ses membres.

 

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Dans un article du Monde, le communicant élyséen Bruno Roger-Petit, anciennement éditorialiste pénible souvent hystérique, dit à propos d’Emmanuel Macron que « Pour lui, le toucher est fondamental, c’est un deuxième langage ? C’est un toucher performatif : « Le roi te touche, Dieu te guérit. » Il y a là une forme de transcendance ». Une affirmation qui, pour l’heure, ne semble atteindre que les fidèles parmi les fidèles. Toutefois, il faut bien reconnaître de l’habileté aux acrobaties politiques macroniennes, un génie du dosage que traduit bien le fameux « en même temps ». Pragmatique ou cynique ? Un peu des deux ? Reste qu’Emmanuel Macron en donne un peu à tout le monde « en même temps ». Selon vos sympathies politiques naturelles, vous n’approuverez pas toutes les réformes mises en chantier ou toutes les positions prises par le Président, mais vous en trouverez au moins une qui pourra à peu près vous convenir. Les Républicains saluent la réforme de la SNCF ; les socialistes applaudissent quand Emmanuel Macron s’oppose à Donald Trump sur la Cop 21 ; et ainsi de suite.

 

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Qu’en est-il de l’image personnelle d’Emmanuel Macron, indicateur important dans le système quasi monarchique des institutions de la Vème République ? Distinguons deux volets : les actes et la personnalité. D’abord les actes. Premier point : 73 % des Français sondés pensent qu’il respecte ses engagements de campagne. Il tient la parole donnée et se montre constant, concentré sur ses objectifs. Voilà qui change et qui pourrait compter. Second point : 82 % des personnes interrogées croient qu’Emmanuel Macron veut « vraiment réformer ». Au moins n’est-il pas « mou », se diront les électeurs. Troisième point : les sondés sont plus nombreux à croire que la situation générale du pays sera améliorée à la fin du quinquennat qu’à croire qu’elle se détériorera, bien qu’ils estiment majoritairement, c’est très français, que leur cas personnel n’en sera pas affecté positivement. Maintenant, la personnalité. Le rejet n’est pas aussi fort qu’attendu. Si 58 % des Insoumis et des Frontistes rejettent et la personnalité et l’action d’Emmanuel Macron, ils ne sont par exemple que 27 % parmi ceux qui ont voté François Fillon au premier tour de la dernière élection présidentielle. Emmanuel Macron est toujours « central ». Sa politique ne suscite pas un enthousiasme débordant, mais il est solidement ancré sur ses positions, profitant du XVIII Brumaire de la social-démocratie qu’on croyait finissante qu’il a accompli lors de la dernière élection présidentielle. Ses adversaires sont divisés, et divisent. Il est parfaitement placé dans un système électoral majoritaire à deux tours. En effet, au premier tour d’une élection présidentielle, les électeurs choisissent ; au second, ils éliminent. Il s’en trouvera très souvent plus pour éliminer l’adversaire d’Emmanuel Macron que pour l’éliminer lui, si les évènements n’évoluent pas en sa défaveur. Qu’il soit dénué d’empathie aux yeux des Français ne devrait pas changer la donne…

 

II-Une opposition atomisée et peu crédible

 

Les difficultés s’annoncent quasiment insurmontables pour l’opposition classique, Républicains et socialistes en tête. Les sondages sont sans appel : 63 % des sympathisants socialistes apprécient la personnalité et / ou l’action d’Emmanuel Macron, le chiffre montant à 68 % pour les sympathisants des Républicains. Le mouvement « dégagiste » continue de frapper très durement les deux (ex ?) grands partis de notre histoire politique récente, morts sur l’autel de leurs propres contradictions, de leur incapacité à donner une réponse aux maux français. Ayant délibérément abandonné l’idéologie contre le pragmatisme technocratique, ils sont désormais inutiles et ringardisés par un homme qui apparaît comme la synthèse de leurs aspirations respectives et de leurs orientations. Pourquoi voter Les Républicains ou socialiste quand il y a Emmanuel Macron, hors quelques élections locales ? Autre problème : le déficit de personnalités d’envergure dans ces deux formations. Olivier Faure n’est pas mauvais, mais il est insuffisant. Quant à Laurent Wauquiez, sa personnalité n’accroche pas et il décroche. Emmanuel Macron, par ailleurs, a réussi l’exploit d’être identifié à la droite dans l’opinion, sans pour autant s’aliéner le centre gauche, ce qui lui confère un atout stratégique important en vue des futures échéances. Il pourra agréger à lui, notamment, l’électorat le plus europhile lors des prochaines élections européennes, et peut-être même monter au-dessus de la barre des 30 points. Pour quoi faire ? C’est une autre question… Emmanuel Macron fait peur en Europe, il risque d’être isolé. À la fois libéral et autoritaire par certains aspects, il ne rentre pas dans une case politique européenne, ne pouvant pas plus s’allier au PPE qu’aux SD ou à l’ALDE. Il lui reste un an pour nouer des relations avec des formations politiques européennes, l’agenda de ses réformes en dépend.

 

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La nature a horreur du vide. Emmanuel Macron comble le vide que lui laissent ses adversaires. Ses véritables opposants, à l’heure où j’écris ses lignes, sont La France Insoumise et l’arc de la droite alternative, dont l’essentiel des forces se trouve au Front National (sans toutefois négliger Debout La France, semble-t-il en croissance). Malheureusement, ces deux familles de pensée réunissent des électorats très motivés qui ne s’associent jamais, y compris pour rejeter Emmanuel Macron. Les deux opposants les plus vaillants à Emmanuel Macron sont aussi ceux qui divisent le plus. Songez que 57 % des sondés pensent que Jean-Luc Mélenchon ferait « moins bien » qu’Emmanuel Macron s’il était au pouvoir, et 60 % pour Marine Le Pen. Ces deux personnalités s’attirent des fidélités importantes mais peinent à élargir leurs blocs sociologiques. Ils ont des électorats « acquis » sans réelles marges de progression. Marine Le Pen a un socle extrêmement solide qui devrait lui permettre d’être une force non négligeable pour longtemps. Peut-elle conquérir le pouvoir ? Présentement, non. Idem pour Jean-Luc Mélenchon, dont l’électorat est néanmoins beaucoup plus friable, les jeunes qui le choisissent pouvant se retourner assez rapidement contre lui. En outre, La France Insoumise est traversée par des vents contraires semblables à ceux qu’a dû affronter le Front National entre les élections régionales de 2015 et le départ de Florian Philippot. Emmanuel Macron ne s’y trompe pas, réservant l’essentiel de ses attaques à ces deux familles politiques, profitant de la radicalisation du peuple de gauche autour de Jean-Luc Mélenchon pour incarner la raison, l’Etat ; plus précisément encore, l’ordre républicain face aux facteurs de désordre. Cela séduit directement la droite, et « en même temps », un centre gauche « légitimiste » dont l’impensé est le rejet de l’aventure révolutionnaire, ses valeurs triomphant depuis plusieurs décennies. Emmanuel Macron peut-il perdre en 2022 ? À moins d’un retournement de situation inattendu, non. Pour une raison simple, les mécontentements sont trop disparates. Aucun projet politique, le sien compris, n’obtient l’adhésion d’une majorité transpartisane, populaire. On le constate, le projet qui est le moins rejeté est donc celui que porte La République En Marche.

 

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Conclusion

 

Pour vaincre Emmanuel Macron, il ne sera pas possible de cristalliser des colères divergentes. Il faut donc lui opposer un projet politique construit et réellement alternatif, sinon une vision de la France. La lutte contre l’immigration – parent pauvre de la politique d’Emmanuel Macron – sera un axe important -, mais insuffisant. Prospérité, mérite et justice sociale seront aussi fondamentaux. Surtout, les adversaires d’Emmanuel Macron, pour l’emporter, devront être aussi cohérents que lui, aussi crédibles, aussi déterminés, aussi stratèges. La tâche s’annonce rude. Elle n’est pas insurmontable si l’opposition s’organise et s’emploie à appuyer principalement sur les points faibles de l’Elysée, sans s’abandonner à la détestation unilatérale et stérile, aux postures qui assomment et épuisent les Français. Convaincre les convaincus ne sera pas gage de victoire. Il faudra convaincre ceux qui ne sont pas encore convaincus.

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