
« Tes mains deviennent des poissons qui s’évitent de part et d’autre de ton corps… » Le mois dernier, j’évoquais la fonction cardinale de la poésie. Quelques jours plus tard, le 9 mai, à Strasbourg, on aurait cru que le président réélu me prenait au mot en offrant au Parlement européen une danse de l’Europe téléguidée par des vers aussi puérils que ceux de Prévert: « Tu découvres une planète. Ici, le végétal a pris le pouvoir, tes bras deviennent des lianes qui poussent et se développent autour de toi ». Les députés tentaient de dissimuler leur gêne en regardant dans le vide comme des usagers du métro devant un mendiant trop audacieux. Pendant ce temps, un bourdonnement néfaste croissait sur la toile. Cher Emmanuel, puisque tu me lis avec tant d’attention, sache que je n’entendais pas les choses sous cet angle.
Pourtant, l’idée n’était pas forcément absurde. L’usage de la danse en politique, c’est très français ; Louis le Grand, cet excellent danseur, l’illustra à merveille, comme une vision cosmique de l’exercice du pouvoir: bien gouverner, c’est créer l’harmonie. Et puis Angelin Preljocaj est un brillant chorégraphe, quant à Jeanne Added, à qui fut confiée la musique, si elle a ce côté provincial des Français fascinés par les Anglo-saxons au point d’intituler « Falling » un titre sans texte anglais comme si c’était logique quand on est née à Reims, elle demeure apte à pondre un truc correct. Si elle avait nommé son morceau « Chute », elle aurait du moins donné l’impression de calculer le désastre. [...]












