
J’entendais l’autre matin François Busnel sur France Inter au micro de l’inénarrable Sonia Devillers (j’aime me vriller les nerfs au réveil) lâcher un terrible aveu : « Je ne suis pas certain, disait-il, que « La Grande Librairie » soit une émission littéraire, c’est une émission autour du livre (…), de ce qu’il peut déclencher dans une société. » Manière de justifier la promotion des livres de Vanessa Springora et, le mois dernier, de Camille Kouchner, lesquels représentent les sommets médiatiques de l’émission de Busnel et, en effet, le reconnaît-il en creux, des platitudes en termes de littérature. Désormais nous le savons, en dépit de son air naïf, Busnel est conscient, conscient d’avoir substitué à la question de la littérature – de la forme et du feu –, celle du « produit livre » et de son simple écho dans la masse. Une continuation de la sociologie par d’autres moyens. Et qu’on se débarrasse des artistes, ces ennemis de la société qui cherchent moins à la réformer qu’à la dévoiler, à réparer les vivants qu’à approfondir la douleur, à résoudre les problèmes psychologiques des foules qu’à s’armer d’un style pour transcender l’existence.
Cela me rappela qu’il y a dix ans exactement, le 3 février 2011 pour être précis, Olivier Maulin et moi-même lançâmes le Cercle Cosaque avec l’ambition de prôner l’inverse de ce que François Busnel cultivait depuis déjà trois saisons. Nous recevions, ce premier soir d’hiver, le romancier François Taillandier, devant un auditoire nombreux et hétéroclite. Reprenant la formule de Bloy qui disait attendre « les Cosaques et le Saint-Esprit » au début du siècle précédent, nous proposions quant à nous de fournir déjà les Cosaques. Le Saint-Esprit finirait bien par suivre. Sabrer dans le vif, incendier les vieilleries littéraires, nous réunir autour de chefs Sioux, de glorieux vétérans ou de vibrants mercenaires dans un cadre échappant au pince-fesses mondain comme au brise-burnes scolaire, tel était le programme, un programme qui convertit en quelques mois de nombreux adhérents. Bertrand Lacarelle et Jacques de Guillebon rejoignirent bientôt le comité central de la conspiration. [...]













