Skip to content
Stéphane Giocanti : « Mishima a voulu rendre sa mort utile à son pays »

On commémore aujourd’hui le cinquantenaire de la mort spectaculaire de l’écrivain japonais Yukio Mishima, par seppuku, après qu’il eut essayé de soulever les militaires en vue d’un putsch nationaliste. Cet événement a été alors assez traumatisant pour un Japon pacifiste d’après-guerre qui voyait dans cette mise-en-scène resurgir le démon impérialiste. Qu’en est-il aujourd’hui ? La mort de Mishima peut-elle être commémorée normalement, l’écrivain a-t-il achevé son purgatoire ?

Il convient de remettre un peu d’ordre dans l’événement du 25 novembre 1970 que vous évoquez. De jeunes étudiants nationalistes ou droitiers étaient venus trouver Mishima deux ans plus tôt parce qu’ils voyaient en lui une force de résistance symbolique à l’extrême-gauche – pour préciser ce contexte d’effervescence et de batailles de rue, au cours du « Mai 68 » japonais, sept cents mille étudiants ont rejoint la principale organisation en révolte, le Zengakuren. L’un de ces admirateurs de Mishima, Mochimaru, a lancé l’idée d’une petite milice privée, qui deviendrait la Société du Bouclier (la Tate no Kai). Anticommuniste flatté de rencontrer de jeunes hommes sympathiques, Mishima a organisé cette société paramilitaire et lui a fait suivre des entraînements par les forces d’autodéfense, les Jietai. Le 25 novembre, cependant, seuls quatre de ces étudiants (portant l’uniforme conçu et dessiné par Mishima) l’accompagnent à Ichigaya, qui est le quartier général Est des Jietai à Tokyo.

Lire aussi : Guillaume Zeller L’Indochine sous la terreur japonaise

Ils prennent en otage le général Mashita avec qui ils avaient pris rendez-vous – il n’est pas une cible, tout au plus un accessoire. Mishima demande que soient rassemblés les militaires de ce quartier général devant le bâtiment (près d’un millier d’hommes, plus fonctionnaires administratifs que soldats, en vérité). Sa harangue, les tracts qu’il fait lancer, conspuent l’américanisation du Japon et dénoncent l’article 9 de la Constitution, qui interdit aux Jietai de combattre sur aucun front. La suite est connue : face au torrent d’insultes qu’il reçoit, Mishima se fait seppuku, suivi de Morita, le capitaine de la Tate no Kai. Il ne s’agit donc pas d’une tentative de putsch nationaliste – ses moyens sont très réduits : quatre hommes armés de sabres –, mais d’un coup politique symbolique dont Mishima connaissait l’issue. Il se situe en continuité avec cette noblesse de l’échec dont Ivan Morris a fait le portrait à travers des figures héroïques et mythiques du Japon (La Noblesse de l’échec, 1980).

Une mort reliée au passé comme au futur

À mon sens, la théâtralité de cet acte avait pour but de secouer le Japon et d’étonner le monde – de nombreux Japonais ont affirmé que Mishima avait cherché à faire l’intéressant. Par cette « autodétermination » (c’est ainsi que l’on nomme cet événement au Japon), Mishima se trouve entre deux temporalités. D’une part, le passé : l’historien Pierre-François Souyri a rappelé à quel point le Japon a été dominé pendant des siècles par la classe des samouraïs (Les guerriers dans la rizière, 2017) ; ensuite, le futur : par son seppuku, Mishima instruit une réclamation, dont le sens est parfaitement compris par les politiques au pouvoir, mais qu’ils tiennent caché. Mishima a maintes fois réclamé la modification de l’article 9 et l’acquisition du nucléaire : en vérité, le 25 novembre, il regarde l’avenir.

De nos jours, le Japon est largement réconcilié avec ce Mishima « politique ». Il dispose d’une des armées les plus puissantes et modernes du monde (ce qui était loin d’être le cas en 1970), et il accorde à la Défense une part de budget considérable, en dépit de l’article 9, peu à peu vidé de son pacifisme. S’il le décide, ce pays est en capacité de fabriquer des bombes nucléaires en une vitesse record. On a qualifié le Mishima du 25 novembre 1970 de désespéré (il l’était aussi), de fou (c’est une facilité) et de malade (Knock nous a dit que nous l’étions tous). En réalité, Mishima a voulu rendre sa mort utile à son pays. Auparavant, il avait songé à d’autres modes de suicide. Il haïssait le suicide des faibles et exaltait le suicide des forts, comme l’affirme sa nouvelle Ken.

Le monde intellectuel japonais majoritairement à gauche, reconnaît et admire Mishima

Après la sidération et la honte apparente de 1970, il y a eu ensuite une période d’intériorisation et d’interprétation de « l’acte Mishima », comme l’a appelé Maurice Pinguet. L’évolution historique, avec l’hégémonie chinoise et les folies spectaculaires de la Corée du Nord, lui donnent raison : en ce début du XXIe siècle, un Japon militairement puissant est devenu une condition d’équilibre de la planète. Maintenant, je réponds à la dernière partie de votre question. Depuis les années 2000, l’Université japonaise, les artistes, les intellectuels ont assimilé cet artiste complexe. Ils l’ont interprété, historicisé, analysé sous toutes les coutures. Le Musée Littéraire Mishima Yukio a été inauguré à Yamanashi en 1999 : il réunit des objets, des lettres, des manuscrits, organise des conférences, accueille tout un public de curieux et de passionnés. Le monde intellectuel japonais (universitaires, écrivains), majoritairement à gauche, reconnaît et admire Mishima, tout en craignant que de jeunes excités s’inspirent de lui pour commettre des attentats ou du terrorisme. Ce mythe repoussoir sert d’argument contre l’extrême-droite.

En même temps, des universitaires soulignent les liens qui associent le Mishima de 1968-1970 à la Nouvelle gauche japonaise. Le Japon d’aujourd’hui publie des mangas sur cette personnalité hors du commun, tourne des films, diffuse des documentaires, particulièrement sur NHK, et l’on ne compte plus les magazines riches de dossiers spéciaux. D’anciens Tate no Kai ont publié des témoignages. On a diffusé en DVD la fameuse discussion de Mishima devant les étudiants d’extrême-gauche de l’Université Todai, à Tokyo, en 1969. On s’apprête à éditer pour la première fois l’album photographique La Mort d’un homme, pour lequel l’écrivain avait travaillé avec Shinoyama Kishin (cinq mille euros le volume), peu avant sa mort. Les rayonnages en témoignent : les œuvres de Mishima publiées en poche (souvent, depuis longtemps) forment plusieurs mètres.

À l’occasion du cinquantenaire de la mort de l’écrivain, Gallimard republie une biographie de John Nathan, vous-mêmes travaillez actuellement à un essai qui doit paraître l’année prochaine. On sait que Mishima a connu un certain engouement en France, Marguerite Yourcenar lui ayant même consacré un essai. Mais aussi aux Etats-Unis avec le merveilleux film que réalisa Paul Schrader, Mishima, a life in four chapters. Qu’en est-il aujourd’hui, de la postérité de Mishima en France (un livre graphique est paru l’an dernier à son sujet) et dans le monde occidental en général ?

Mon constat est sévère : alors que la littérature japonaise est devenue accessible aux Français comme jamais elle ne l’a été (depuis les années 1990), ce sont les plus de cinquante ou soixante ans qui connaissent le mieux Mishima. Cet écrivain est peu et mal lu en France, peut-être de moins en moins. La plupart des commentateurs se contentent de répéter les mêmes clichés, et n’ont pas l’idée d’approfondir. Trop de gens abordent Mishima comme s’il était un auteur français ou occidental, et font de la culture japonaise un folklore au parfum exotique. De prétendus admirateurs de Mishima n’ont lu ni Confession d’un masque, ni Le Pavillon d’Or, ni La Mer de la fertilité : voilà où ils en sont. Tout simplement, ils n’aiment pas la littérature.

Une réception brouillée

En France, Mishima a subi des grilles très opposées : il y a d’abord eu la tendance psychanalytique, qui a consisté à le traiter comme un cas d’espèce en tant que malade profond ; il y a eu ensuite la Nouvelle Droite, qui a élaboré autour de Mishima un mythe politique dont le réductionnisme confine à l’imposture. La plupart de ces récupérateurs méconnaissent les ressorts de son art et les drames de sa vie. Ils ignorent son œuvre, ou la sélectionnent. Pour donner un exemple : les textes à teneur politique occupent une place mineure dans son œuvre ; ils n’ont été publiés que dans des magazines friands d’attitudes paradoxales. C’est pour cela qu’au Japon, ils sont considérés comme marginaux. Mishima ne s’est jamais pris pour un philosophe, ni un maître à penser, ni un chef politique. Il a d’abord voulu incarner la figure d’un artiste dans la continuité d’Oscar Wilde et de Jean Cocteau, en allant beaucoup plus loin qu’eux.

La réalité, c’est que Mishima a été détesté et menacé par l’extrême droite japonaise, et qu’elle n’a commencé à le récupérer qu’en dépit de lui. L’homme qui a défendu une certaine idée du Tenno (la traduction de ce mot par « empereur » est approximative) est aussi l’auteur des deux plus grands romans consacrés à l’homosexualité masculine, dans le Japon du XXe siècle : Confession d’un masque et Les Amours interdites, roman qui a introduit le mot « gay » dans la littérature japonaise. Cette thématique l’a encore occupé à la fin de sa vie par le biais des photos où il expose son corps musclé et iconique. Les « couleurs mâles » (nanshoku) et l’attachement au Tenno sont, au Japon, des réalités culturelles et traditionnelles. En France, en revanche, la binarité et le sectarisme politique tendent à séparer ce que l’écrivain, fidèle à son « nid » (son pays), a uni.

Il a fallu attendre 2019 pour que la Confession d’un masque soit retraduite

Mais il y a plus grave que les récupérations. Gallimard continue de mettre en vente une petite biographie qui est un plagiat de la biographie de John Nathan (publiée pour la première fois en 1974 aux Etats-Unis, en 1980 en France). Pour le Cinquantenaire, cet éditeur en titre de Mishima a fait traduire Une Vie à vendre, qui n’est qu’un roman mineur. Il aurait mieux valu traduire La Maison de Kyôko, grand roman méconnu, d’où Paul Schrader a tiré la structure de son film ! La plupart des sommets de Mishima sont disponibles en français, mais il existe quantité de textes qui attendent d’être traduits, comme La Chute d’eau souterraine (1955) et certaines pièces de théâtre. Chez Shinchôsha, « l’Édition définitive » comporte quarante-quatre volumes, près de vingt mille pages… Il a fallu attendre 2019 pour que la Confession d’un masque soit retraduite, cette fois du japonais : en effet, alors que Mishima ne l’a jamais demandé formellement, La Mer de la fertilité et d’autres textes importants ont été traduits en français à partir de l’anglais ! Les approximations et les problèmes fourmillent donc.

Si Gallimard avait eu un minimum de sens des responsabilités à l’égard de Mishima, cette maison d’édition aurait publié une traduction nouvelle de cette tétralogie pour 2020 – accompagnée d’une annotation suffisante. Telle qu’elle est publiée actuellement, en effet, cette œuvre majeure ne saurait être comprise correctement par un lecteur occidental moyen. Enfin, la presse française s’est montrée d’une nullité affligeante en ignorant la biographie d’Inose Naoki et Sato Hiroaki (publiée aux États-Unis en 2012) : Persona apporte une mine de détails et de documents inédits en 850 pages, qui nuancent et modifient quantité d’images et de représentations. À part les universitaires spécialistes, personne en France ne s’est intéressé à cette somme incontournable, au prétexte qu’il faut savoir lire en anglais.

Lire aussi : Partout, les saints : Justo Ukon Takayama

Aujourd’hui encore, l’essai de Marguerite Yourcenar fait autorité dans le monde entier, y compris au Japon. Elle saisit l’essentiel, et commet peu d’erreurs. Un travail pionnier et très riche est l’essai d’Annie Cecchi : Mishima Yukio, Esthétique classique, univers tragique (Honoré Champion, 1999). Cependant, il ne faut pas oublier que Mishima a toujours eu des détracteurs, en France. Le plus important est Maurice Pinguet (La Mort volontaire au Japon, 1984) : comme d’autres japonisants, il s’exprime en gardien et juge de la japonité authentique, et considère Mishima comme un auteur occidentalisé et folklorique. En France, la plupart des gens qui écrivent sur Mishima ne connaissent ni la littérature japonaise, ni la langue d’expression de l’écrivain, et se contentent de compiler ce qui a été déjà écrit ou traduit uniquement en français.

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Interventions de Michel Houellebecq : Savonarole sous Xanax

Ce recueil d’articles, essais, textes, entretiens, reprenant le contenu des deux premiers livres du même nom ne contient, comme son auteur l’indique avec la franchise mathématique qui le caractérise, que « 45 % de nouveaux textes ». L’ensemble montre à nouveau la cohérence et l’originalité de la pensée houellebecquienne, la profondeur de sa réflexion esthétique et comporte plusieurs morceaux de bravoure (« Vers une semi-réhabilitation du beauf » ou « Donald Trump est un bon président », adressé aux Américains, et qui s’achève par un délicieux : « Quoi qu’il en soit, vous resterez les bienvenus – en tant que touristes »).

Lire aussi : Émile Brami : Louis-Ferdinand Céline ou l’adaptation maudite[...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Olivier Perru : ces maladies qui font l’homme
Vous montrez que l’histoire du corps malade est avant tout celle de la distinction entre l’âme et le corps. Pour les Anciens par exemple, la maladie était une forme de dysharmonie dans un tout. Aujourd’hui, le corps semble avoir pris toute la place, le scientisme a fait disparaître la notion d’âme, c’est pourquoi nous sommes […]
La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Julius Sacrovir, le dernier Gaulois réfractaire

Toute la Gaule est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Astérix avait raison ! Du reste, la « pax romana » sera souvent troublée par la fougue celtique, de la fronde du légat Vindex contre Néron aux révoltes des bagaudes, en passant par les empereurs gaulois du IIIe siècle – Postume, Victorin et Tetricus…

Dès l’aube de l’ère chrétienne, un chef éduen, Julius Sacrovir – ou Sacroviros – va brandir l’enseigne de la révolte. Pourtant, il appartient à une noble famille de l’actuel Morvan, qui a reçu la citoyenneté romaine et a même été agrégée à la gens Iulia, la tribu de César. Il en est de même de son principal acolyte, le Trévire Julius Florus. Leurs motivations semblent d’ailleurs autant d’ordre financier que patriotique, comme l’explique Tacite : « Ils se rendent dans les assemblées, les réunions, et se répandent en discours séditieux au sujet de la permanence des impôts, du poids accablant des intérêts de leurs dettes, de l’orgueil et de la cruauté des gouverneurs ». Profitant d’une certaine discorde régnant au sein des légions cantonnées sur le Rhin, depuis la mort de Germanicus, en 19 ap. J-C, les deux complices considèrent « que l’occasion est belle pour ressaisir la liberté, eu égard à la prospérité des Gaules, à la pauvreté de l’Italie, à la veulerie de la populace de Rome, et à ces armées dont toute la puissance repose sur des auxiliaires étrangers ».

Lire aussi : Yves L’Hôtellier, l’homme qui voulait un roi[...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Les albums du mois de novembre

L’ARNAQUE LA PLUS ATTENDUE DE LA RENTRÉE

S16 de Woodkid, Barclay, 15,99 €

L’électro chic, élégante, suave, est un genre typiquement français, souvent assortie d’orchestres, de Thylacine à Laake, parfois pour le meilleur, mais la plupart du temps, il faut bien l’avouer, pour un résultat se limitant à un genre de musique d’ascenseur, fût-ce pour hôtel de luxe, vite lassante, même sur cinq étages. Woodkid, le nain le plus surévalué de France, est un exemple flagrant de cet écueil. Sept ans après son Golden Age et alors qu’il avait prétendu, fort sagement, arrêter la musique, voici qu’il revient avec un S16, soi-disant moins accessible et allant jusqu’à prétendre porter des « réflexions sur l’équilibre des forces entre infiniment grand et petit », alors qu’il est une simple démonstration de platitude. C’est kitsch, cliché, attendu, surfait, exactement comme le précédent disque. Une musique cosmétique pour défilés de mode et jeux vidéo, dont la pompe creuse, après avoir un instant accroché l’oreille, vire à l’ennuyeux, voire au grotesque. L’épidémie devrait du moins nous épargner la gêne d’une version scénique. Romaric Sangars

BACH ÜBER ALLES MOTETS

Motets de Bach d’Ensemble Pygmalion et Raphaël Pichon, Harmonia Mundi, 17,99 €

[...]
La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Philip K. Dick est-il toujours si actuel ?

Dick est d’abord un grand novelliste, un pasticheur du quotidien roué à la science du dialogue et au rythme percussif. Chaque nouvelle s’y donne comme une miniature politique et satyrique de son temps, et chacune porte déjà en germe les grandes thématiques qui en feront le génie que l’on sait. Comme il le dira lui-même, « les vrais personnages de la science-fiction, ce sont les idées », et Dick introduit au cœur de ses textes une spéculation sur le mode du « et si ? », hypothèse disloquant le terrain du réel.

Avec cette intégrale, c’est toute la gamme de couleurs d’un portraitiste surdoué de l’Amérique névrosée qu’il nous est donné de contempler, depuis la pantalonnade métaphysique jusqu’à l’exorde apocalyptique. Plus de soixante-dix ans après ces premiers textes, alors que les oriflammes du Faux battent dans la nuit existentielle de l’homme, que les masques peinent à dissimuler d’invariantes paranoïas et que le réel n’est plus qu’un îlot perdu dans la Mer des Chacun, Dick est-il encore si étonnamment actuel ? Marc Obregon répond quatre fois oui. [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Place de la comédie : Une Jeanne en pur et pompier à la fois

C’est un grand succès, et en 2020, alors que le spectacle a fini par réunir 300 000 spectateurs en Italie et à New York, Guerritore décide de rendre Jeanne d’Arc à sa chère patrie, profitant pour ce faire du centenaire de sa canonisation. Séverine Cojannot est choisie pour interpréter en français le feu de la jeune sainte brûlée vive.

Avec le poteau du supplice en fond de scène, la comédienne se défend devant les spectateurs, alternant des moments du procès, les souvenirs de sa geste et des envolées lyriques comme consumée en même temps par sa foi, sa mission et son martyre. Séverine Cojannot, complètement habitée par Jeanne, est bouleversante. Elle incarne à merveille cette pureté implacable et tranchante, et à la fois enfantine, de la sainte attachée à l’Église du ciel et confrontée à l’Église militante comme aux manigances politiques de son temps. [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Le sélectron des livres misogynes qui vous donneront, mesdames, envie de retourner dans la kouizine

1- Les Jeunes Filles, Montherlant

En toute honnêteté, le roman star qui enflamma les années 1920 a inspiré ce sélectron et aurait pu lui suffire. La misogynie littéraire française, dans tout le raffinement de sa muflerie, c’est depuis Les Jeunes Filles et pour toujours, Montherlant. Ce roman d’une cruauté inouïe examine froidement, à travers le regard de son héros Pierre Costals, séducteur impénitent, les aspirations de celles dont le sourire est l’étincelle de tous les feux du monde, les femmes entre leur majorité et leur mariage. Qu’en déduit Montherlant ? Qu’elles s’ennuient mortellement, qu’elles n’attendent le salut que d’un mari qui les ouvrira enfin à la vie, qu’elles sont, en somme, l’exact opposé du moule de la femme forte et indépendante où l’on voudrait aujourd’hui les couler. On voit l’aveuglement de leur espoir de mariage alors que les hommes n’ont à leur offrir que le désintérêt ou les étreintes rapides, on voit jusqu’où elles sont prêtes à s’humilier par amour et à quel point elles sont capables de détester quand cet amour s’évanouit.

Bien sûr, Montherlant est un con qui ne comprend rien ni à la beauté de l’amour, ni à celle de l’éternel féminin ou de la complémentarité entre les sexes. Cependant, rappeler à quel point il fut adoré par les femmes alors qu’il les avaient dépeintes si cruellement interroge. N’aimeraient-elles pas un peu les hommes qui les détestent ? Essayez donc, quand les soirées seront de nouveau autorisées, d’y lancer quelques propos misogynes. Vous sentirez les regards féminins s’illuminer d’un courroux gourmand et, rapidement, leur haine vous couvrir amoureusement. Vous finirez peut-être même par en ramener une chez vous et par l’épouser, vous verrez. [...]

La suite est réservée aux abonnés. Déjà abonné ? Se connecter

Vous souhaitez lire la suite ?

Débloquez tous les articles de l’Incorrect immédiatement !

Formule Intégrale

À partir de 5,80€ / mois

  • Papier
  • Web
  • Tablette
  • Mobile
Formule numérique

À partir de 4,10€ / mois

  • Web
  • Tablette
  • Mobile

L’Incorrect

Retrouvez le magazine de ce mois ci en format

numérique ou papier selon votre préférence.

Retrouvez les numéros précédents

Pin It on Pinterest