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Chez les arcandiers

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Publié le

9 juillet 2019

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Le « festival des idées », rassemblement de la gauche des 5, 6 et 7 juillet, vu du côté des ploucs. Pour L’Incorrect, Thibault Alain nous rapporte les dernières nouvelles de la bien-pensance. 

 

 

Ah ben dis donc. Y a un festival des idées ici ce week-end. Tu vas y aller ?

Pas besoin. Moi, des idées, j’en ai toute l’année.

La Charité-sur-Loire, vendredi après-midi, au comptoir de l’un des quelques cafés du bas de la ville. Il n’y a pas foule, encore. Les deux messieurs qui viennent d’échanger cette jolie brève ne sont pas représentatifs du reste de la population. Ici, la plupart des gens ignorent qu’une animation particulière figure au programme. Même les commerçants haussent les sourcils.

Ah bon ? Y a un festival ? De quoi ?

 De la gauche. Festival des idées. C’est le rassemblement politique des f…

Bouh, on s’en fiche de ces arcandiers-là.

Un arcandier, c’est un filou. Ça vous escroque le sourire aux lèvres, des belles paroles plein la bouche. Comme tous les brigands, des arcandiers il y en a des gentils et des…

 

Bienvenue dans la Nièvre. Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville, vous avez fait le bon choix. C’est aussi l’un des départements les moins peuplés de France, on prétend que les cerfs y vivent plus nombreux que les humains. Sauf ce week-end, à La Charité-sur-Loire.

 

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Y étaient conviés tous les courants, partis et mouvements politiques de gauche, avec le soutien de la presse de gauche, des intellectuels de gauche, des éditeurs de gauche ; afin de produire une grande brassée d’idées assez fraîches et neuves pour rendre un peu d’énergie à la bête. Quarante débats, tables rondes, rencontres et discussions pour « faire tomber les murs », « inventer de nouveaux horizons » mots d’ordre lancés par les organisateurs de ces journées, Christian Paul, ancien député PS de la Nièvre et Guillaume Duval, éditorialiste du mensuel Alternatives économiques. Dans sa note d’intention, le duo écrit : « La première de nos forces, c’est la diversité créatrice, celle des générations, des origines, des combats. ‘Je peux changer en échangeant avec l’Autre, sans me perdre pourtant, ni me dénaturer’, nous recommandait déjà Édouard Glissant. » 

Tout l’art de la gauche consiste à s’exprimer de façon à 1) blesser la langue française 2) piétiner le style 3) ne pas avoir l’air de dire ce qu’elle dit.

Nous autres urbains, Parisiens, intellectuels, on n’a pas besoin d’un dessin : le concentré de mots-clefs « générations » + « origines » + « l’Autre » + « changer en échangeant » veut tout dire. Mais allez expliquer cette évidence à un Nivernais.

 

– Mais qu’est-ce que vous allez chercher ! « Générations » pour vous, ça a une connotation ?

– Idéologique, oui. Dans ce contexte, au pluriel, à côté de « origines » et « combats », ça se traduit par « jeunes issus de la diversité culturelle » qui sous-entend « Vive le multiculturalisme qui enrichit le Gaulois ». La référence à Glissant, « l’Autre » avec une majuscule… C’est clair, non ?

– Ha ha ! Ah non, pour moi c’est pas clair du tout ! Et puis c’est vous qui dites que c’est la gauche. L’affiche, elle dit pas ç: que c’est juste des idées !

           

En effet. Tout l’art de la gauche consiste à s’exprimer de façon à 1) blesser la langue française 2) piétiner le style 3) ne pas avoir l’air de dire ce qu’elle dit.  C’est d’ailleurs à croire qu’elle a honte de ce qu’elle est. Et qu’elle a peur de se montrer. Le « Festival des Idées », sur affiches placardées en ville depuis plus de six mois, brouille les pistes : les Charitois pensent à un succédané du « Festival du Mot », l’événement local qui rythmait la vie culturelle de la cité et qui, justement, ne se tient plus depuis un an. La création de Christian Paul et de Guillaume Duval ne risque pas d’évoluer vers un festival des idées claires, mais elle est déjà mûre pour se rebaptiser festival des bons sentiments ou pour servir de bible de travail à la prochaine édition du dictionnaire des idées revues. Avec cinq discussions/conférences publiques proposées directement chez les habitants (qui se sont portés volontaires – quand même), et des « débats inversés », le festival réinvente l’eau tiède. « C’est-à-dire que les propositions viendront d’abord de la salle, puis les invités réagiront. Nous voulons rompre avec le ronron traditionnel » (Guillaume Duval au Journal du Centre, 12/04/2019).

 

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Voilà, c’est cela : rompons ! Éblouis par tant d’audace, médias et personnalités politiques conviés à soutenir et à animer le festival ont promis en janvier qu’ils viendraient, puis, le mois de juillet venu… Ben ouais, ils ont déboulé pour de vrai. La perspective du pique-nique campagnard sous canicule au centre désertique de la France, avec pâté et piquette, voyage en TER et hébergement Ibis ne manquait certes pas de glamour. À moins que les organisateurs ne doivent une fière chandelle aux européennes et à la raclée qu’y ont pris les roses.

Mediapart, Libération, L’Obs, Politis et consorts, co-organisateurs, ont ainsi corrigé leurs mentions de « la gauche » par toutes les variantes de « les gauches et les écologistes », « l’écologie et la gauche », etc. 

Le « triomphe » des verts ayant achevé de convaincre quelques vaillants gauchistes de serrer les fesses, de subir ce pensum et, faute de mieux, puisqu’on en est là, d’aller se faire redorer sous les humbles flashes de France 3 Bourgogne-Franche-Comté. Pour ne pas laisser Jadot seul sur la photo. Car la vedette, M. Jadot ne comptait la prêter à personne. Pas même à un Julien Bayou légèrement ramolli, encore moins à une Cécile Duflot contrainte d’apparaître contre son gré et qui n’a pas fait contre mauvaise fortune bon cœur. Mediapart, Libération, L’Obs, Politis et consorts, co-organisateurs, ont ainsi corrigé leurs mentions de « la gauche » par toutes les variantes de « les gauches et les écologistes », « l’écologie et la gauche », etc.

Quimporte : la gauche y était. François Lamy, Guillaume Balas, Boris Vallaud, Clémentine Autain, Manon Aubry, Raquel Garrido, Raphaël Glucksmann, Ian Brossat… Dans toute sa majesté, l’élite rose-rouge-verte a déboulé à La Charité-sur-Loire pour plancher sa philo : disserter sur des sujets aussi bizarres que ceux qui sont désormais distribués à nos analphabètes de classe terminale. Les responsables du festival, auteurs des thèmes donnés aux quelques quarante-trois débats, ont-ils cherché à flatter les matinales radios friandes de sujets de bac en cette saison ? Ont-ils sincèrement cru possible que la population locale s’émerveille de leurs tournures absconses ? Ou bien ont-ils oublié que leurs débats s’adressaient à un public ? Et que dans le public, il y aurait une large part de population locale ?

« Comment favoriser les coopérations économiques d’un nouveau genre ? »  se demande l’humaniste de gauche, tandis que le technicien de surface à Intermarché rêve d’un petit boulot au noir, seule planche de salut à court terme.

Quoi qu’il en soit, la novlangue gauchiste, déroulée en tapis rouge sur le programme des festivités, a servi de ligne de démarcation entre l’armée des audacieux s’aventurant en « territoire » nivernais et les troupeaux d’autochtones : blancs, pauvres, laids, diabétiques, sans dents. Ce n’est quand même pas à ceux-ci qu’on entendait vendre des « innovations solidaires » ? On n’espère pas convertir au café bio équitable à 6 euros le paquet de 250 grammes, et au jazz Dixie égrené sur une enceinte portable à énergie autonome et cent pour cent recyclable, ceux qui écoutent de la vase FM à s’en crever les tympans devant la pizza surgelée Aldi Regina à 1,19 euros qu’ils n’hésitent pas à couvrir d’une autre plâtrée de fromage râpé à 69 centimes les 600 grammes ? Nos idéalistes au cœur pur, quand ils pondent de jolis syntagmes postmodernes, ne polluent pas leurs « horizons ». « Quand la mobilité des uns permet celle des autres » = pour aller à Gare du Nord attraper son Eurostar à 279 euros l’aller-retour, en fait, c’est plus rapide que Trotinette-Uber ; « Comment favoriser les coopérations économiques d’un nouveau genre ? »  se demande l’humaniste de gauche, tandis que le technicien de surface à Intermarché rêve d’un petit boulot au noir, seule planche de salut à court terme.

 

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Le gauchiste n’a jamais eu beaucoup d’humour. Sauf involontairement. « Territoires zéro chômeur : comment ça réussit ? (sic) » Bien vu la taupe. La Charité-sur-Loire, 4900 habitants, avec son taux de chômage officiel à 19%, en aura certainement pris de la graine, même si on lui proposait aussi, après l’hypothèse raisonnable et mesurée du « zéro chômeur » typique d’une pensée de gauche rationnelle, la perspective riante et tout aussi mesurée du « zéro travail » : « Comment rendre nos territoires attractifs quand le travail ne revient pas ? » Soyons honnête, les habitants de la Nièvre n’étaient probablement pas concernés, et sans doute fallait-il traduire la proposition par : « Pourquoi toi, métrosexuel citadin chassé par l’enfer climatique de la ville, tu vas être obligé de prendre tes quartiers d’été puis de printemps et d’automne dans une campagne où il n’y a plus rien, ni médecin ni bureau de poste, et que tu vas devenir chef d’entreprise équitable ou te déguiser en Julien Coupat dans la Creuse »… ces considérations bucoliques aussitôt rééquilibrées par le béton de véritables monuments idéologiques comme : « Quartiers populaires : quelles nouvelles ambitions collectives face au ‘sauve-qui-peut individuel’ (sic) ? », et « Jeunesse des quartiers : destins subis, destins choisis ».

Qu’il est pertinent d’aborder de tels sujets dans un département rural, vieux et vieillissant, sans industrie, principalement agricole, où la terre est pauvre, les céréales cultivées peu qualitatives. La Nièvre compte deux cent mille âmes. La moitié des maisons de village sont décorées par Orpi, les routes par des nids de poules. Non les magasins ne livrent pas : ni pour la petite vieille, ni pour l’invalide, ni pour la femme seule avec ses quatre enfants. Et les piliers de l’économie, ce sont 1) les aides sociales nationales 2) les aides sociales locales.

 

Ce n’était pas une mauvaise idée que de vouloir fourmiller d’idées dans une zone française sinistrée à tous points de vue. Encore fallait-il avoir l’honnêteté de dire quel public était visé ; à quelle Nièvre le « Festival des idées » s’adressait. Celle qui s’est juchée au 20e rang du classement des département français pour le paiement de l’ISF ? Qui reste crânement mitterrandienne, plusieurs décennies après l’extinction des dernières de Tonton ? Celle qui reste couchée en 94e position de la redevance de l’impôt sur le revenu ? Et qui a massivement voté pour le RN ?

Les thématiques essentielles des quarante débats, l’Europe, l’« égalité femmes-hommes » et les banlieues, n’avaient aucune chance d’emporter l’adhésion du pleupleu. La bonne nouvelle ce week-end, c’est qu’il s’est manifesté, le pleupleu. Et même s’ils ne l’avoueront jamais, les animateurs de tous ces débats inversés à horizons multiples ont senti le courant d’air glacial soufflé par le peuple forcer la moiteur des salles charitoises.

« Comment sortir le pays du face-à-face Macron / Le Pen ? » : c’est le « débat » ou plutôt le cours magistral le plus attendu, celui qu’organise Libé avec Raphaël Gluksmann, Manon Aubry, Julien Bayou et Iann Brossat (Najat Vallaud-Belkacem avait piscine finalement). La salle est pleine, mais pas à craquer. Le ronron conjuré par les gentils organisateurs se cale rapidement en mode automatique. Au bout de trois quarts d’heure, chacun récite toujours son catéchisme. « Le logiciel du changement climatique et de la transition énergétique peut servir de base à tous nos courants », « nous devons rester cohérents », « l’Europe doit bouger sur les traités favorables aux importations alimentaires et sur l’accueil des migrants »…

Car dans l’ancien prieuré clunisien, c’est la gauche old-fashioned qui tient le pavé. La petite bourgeoisie de gauche style rase campagne. Style « I love Mai 68 ». Style « Jospin, reviens ». 

Et Julien Bayou de plastronner sur le succès des verts aux Européennes, et Manon Aubry de servir à toutes les sauces son appel aux jeunes qui sont nés après la chute du mur, « Il faut d’abord qu’il y ait davantage de femmes et de jeunes, les jeunes qui n’ont pas connu 2002 », et Glucksmann de broder à l’infini sur les aspects techniques de l’évolution indispensable de Bruxelles qui est quand même une bonne chose. « Vous ne faites que parler de l’Europe ! Il y a un autre forum prévu là-dessus ! Revenez au sujet ! » s’insurge, excédé, un auditeur. Oups. On n’avait pas donné la parole à la salle. Silence outré des quatre stars, sauvées par la placidité de Laurent Joffrin. Qui comprend qu’il est temps de faire passer le micro dans l’auditoire. « Vous vous vantés d’être nés après la chute du mur ! proteste une dame. Vous avez même l’air d’être fiers de ne pas savoir ce qu’est la gauche ! Eh bien vous devriez l’apprendre. Le syndicalisme, le front populaire, tous les acquis, c’est ça la gauche ! Soyez fiers du mot gauche ! »

Applaudissement nourris. Car dans l’ancien prieuré clunisien, c’est la gauche old-fashioned qui tient le pavé. La petite bourgeoisie de gauche style rase campagne. Style « I love Mai 68 ». Style « Jospin, reviens ». Tous les fonctionnaires nivernais se sont donné rendez-vous ici. Enseignants, personnel hospitalier et employés territoriaux.

Droits dans leurs bottes, cramponnés à leurs nouveaux logiciels, les jeunes Parisiens froncent les sourcils. Julien Bayou conclut : « Pour nous, le combat, c’est le féminisme, l’anticolonialisme, l’anti-impérialisme ». Ils ne s’attendaient pas à ça : la fracture générationnelle leur savonne la planche.

Et il n’y a pas qu’elle.

 

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Un peu plus tôt dans la matinée avait lieu la séance intitulée « Lutter contre les ‘faux débats’ : identité et laïcité ». Intervenants : l’inénarrable Patrick Weil, qui rappelait à Zemmour le 23 octobre dernier, sur BFM que certes il avait fait de la politique quand il était jeune, mais que ce temps était révolu depuis 1985 ; et un jeune historien, Thomas Branthôme (Samira Bourezama avait piscine, finalement). Il n’est pas exagéré de dire que la tension dans la salle était proportionnelle avec le niveau de déconnexion entre ceux qui causoient et ceux qui écoutoient. Patrick Weill : « A-t-on demandé aux musulmans s’ils étaient d’accord pour qu’on les appelle comme ça, ‘les musulmans’ ? Il s’agit de patriotes qui font partie de l’histoire de l’empire français ». Puis il déplore que l’on n’enseigne pas à l’école que le mariage civil est censé précéder le mariage religieux, parce que les musulmans ne peuvent pas le deviner.

C’est une catastrophe : le micro circule, c’est la règle au festival ; et cette expression populaire a des effets aussi désastreux que ceux d’une primaire.

L’apprentissage de la laïcité à l’école est très insuffisant. Même les maîtres et les professeurs ne connaissent pas la loi de 1905. Ils croient la connaître. Il faut qu’ils l’apprennent et qu’ils l’enseignent. Ça éviterait les problèmes dans les cantines. « Justement, observe un fonctionnaire parisien, certains enfants vont maintenant jusqu’à refuser de s’asseoir à côté d’un élève qui mange de la viande [non hallal] »; « Je trouve anormal que la majorité doive s’aligner sur le choix d’une minorité », renchérit une dame ;  « Même si je sais que je ne devrais pas et que je respecte la croyance des gens, eh bien… j’avoue que je me sens agressée quand je croise une femme voilée dans la rue », avance timidement une quinquagénaire ; « Grâce à Michel Onfray, par exemple, on sait que le Coran contient des préceptes incompatibles avec les droits de l’homme ». C’est une catastrophe : le micro circule, c’est la règle au festival ; et cette expression populaire a des effets aussi désastreux que ceux d’une primaire.

Crispation et radicalisation du discours de réponse, pour reprendre la rhétorique de Mathieu Bock-Côté. Le jeune Branthôme déploie une intransigeance glaciale. « Madame, si vous goûtiez à de la viande hallal, vous vous apercevriez que le goût n’est pas très différent » ; « Il ne faut pas vous sentir agressée mais c’est bien de l’avoir dit ; vous n’avez jamais vécu avec des femmes voilées mais si vous allez vers elles, vous apprendrez des choses (sic) » ; « Il existe un Islam des Lumières, un Islam poétique. ‘Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive’, dit le Christ : le catholicisme n’est pas non plus une religion d’amour… » Le vieux dialogue de sourds tourne à la caricature et Branthôme le républicain n’a pas de mots assez durs contre l’Église, la chrétienté en général et les catholiques français en particulier. Son auditoire ignore d’où il parle.

« Il faut apprendre des musulmans », insiste le jeune historien avant de partir s’attabler avec Manon Aubry dans le jardin du cloître.

Mais il sait où il parle : dans un prieuré bénédictin qui plaçait l’église de La Charité-sur-Loire au rang de seconde de France après Cluny, au Moyen-âge. Un monument historique classé par l’Unesco, dont s’enorgueillit toute la Nièvre, et une étape renommée du chemin de Compostelle. « Il faut apprendre des musulmans », insiste le jeune historien avant de partir s’attabler avec Manon Aubry dans le jardin du cloître, où l’équipe du festival sert à boire et à manger, intra muros, quoi qu’en dise le slogan (« faire tomber les murs »), ce qui évite ainsi aux invités parisiens de s’aventurer dans les troquets des rues du quartier historique.

 

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Au fait, pourquoi Christian Paul, député de la Nièvre durant quinze ans, a-t-il choisi La Charité-sur-Loire comme quartier général ? Parce que « c’est une petite ville où l’on veut venir à un prix raisonnable, qui est centrale » ? Ou parce que la ville dispose de salles magnifiques, restaurées et désespérément vides toute l’année, dans l’immensité du prieuré ? Il s’agit de l’ancien fief de son camarade de promotion à l’ENA, Gaëtan Gorce, ex-sénateur du même département. Et Gaëtan Gorce, qui s’est dévoué durant deux mandats municipaux à rendre sa superbe à La Charité-sur-Loire, se désole de voir la ville pourrir sur pied depuis l’arrivée de son successeur en 2014.

Dans le département en général et au cœur de cette ville en particulier, le mouvement des Gilets jaunes a été radical. 

Gorce avait obtenu le label « ville du livre » : les libraires rendaient un peu de vie aux longs hivers humides et tristes, le week-end, quand les collectionneurs venaient de toute la France pour chiner, s’imprégner des terres de Jules Renard. Il avait porté à bout de bras, avec Marc Le Carpentier, un événement annuel d’inspiration oulipienne, le « Festival du mot ». Le maire actuel a détruit les deux, non pour soulager les Charitois de taxes locales quatre fois plus élevées que dans la vicinité, mais au bénéfice de l’équipe de basket qu’il dirigeait auparavant (« La Charité Basket 58 » est passée de NM2 en NM1 en 2017 grâce à l’achat du joueur Austen Rowland)… Cette ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco inflige aux habitants les odeurs des poubelles jetées à même le trottoir, ramassées deux fois par semaine : pas de bacs. Une taxe foncière faramineuse fait flamber les loyers des petits logements. La Nièvre est une plaque-tournante du trafic de cocaïne. À l’hôpital psychiatrique de La Charité-sur-Loire, la population de malades rajeunit chaque année, mais il n’y a plus de médecins. Sauf ceux dont on entend parler dans les journaux, comme le « dentiste boucher » de Château-Chinon… L’air est connu, et ils sont nombreux à le chanter : trop d’impôts, aucun service. Dans le département en général et au cœur de cette ville en particulier, le mouvement des Gilets jaunes a été radical.

Ceci n’est pas une farce : Edwy Plenel a animé les interventions et lorsque les Gaulois ont voulu prendre la parole… « Malheureusement, nous n’avons plus le temps ».

Il paraissait évident que Mediapart, en inaugurant le festival avec son débat « Les Gilets Jaunes : et après ? » se ferait fort d’accorder la parole au collectif de Gilets jaunes charitois qui s’est donné pour nom « Les Gaulois ». Ceci n’est pas une farce : Edwy Plenel a animé les interventions et lorsque les Gaulois ont voulu prendre la parole… « Malheureusement, nous n’avons plus le temps ».

Et face à une Cécile Duflot prostrée, elle a demandé : « Mais pourquoi vous n’avez pas invité le RN ? »

Histoire de sauver la face, on a accordé une question à un Gaulois et, bizarrement, la délégation aux relents de sueur et de fromage, impériale, aristocratique, même, ne s’est pas formalisée ; elle est revenue occuper le terrain pour « Vous avez dit ras-le-bol fiscal ? ». Et face à une Cécile Duflot prostrée, elle a demandé : « Mais pourquoi vous n’avez pas invité le RN ? »

 

Thibault Alain

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