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Le jour où le Vatican remporta la coupe du monde

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Publié le

2 juillet 2018

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cavani

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Plusieurs historiens éminents ont démontré que, contrairement à ce qu’affirme le cardinal Sanchez dans ses célèbres Mémoires,  les membres de l’équipe de football du Vatican chantaient des cantiques lorsqu’ils entrèrent sur la pelouse du grand Stadium de Buenos Aires. Les 300 000 personnes venues assister à la finale de la coupe du monde se turent subitement en les voyant pénétrer sur le terrain, et de très nombreux témoins ont évoqué le trouble qu’ils ressentirent dans ce silence inouï, presque inimaginable. On aurait entendu les drapeaux onduler au vent de la pampa, et les crampons des souliers fouler la pelouse synthétique.

 

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 Il faut dire que personne n’avait jamais vu cela–et que les matches remportés les uns après les autres par l’équipe du Vatican depuis le début de la compétition n’avaient pas suffi à émousser l’effet de surprise, ou plutôt, de stupeur. Au départ, tout le monde avait cru à une blague lorsque, sur l’une des chaînes les plus regardées au monde, le pape Benoît XVIII avait été interpellé en direct par le président de l’Union européenne, qui lui avait expliqué avec un sourire glacé que le catholicisme ne représentait plus rien, et que pour l’immense majorité des terriens, c’est le foot qui était désormais la seule vraie religion. Face au jeune président, froid et sûr de lui, le vieil ecclésiastique patelin avait d’abord répliqué que lui-même n’avait rien contre ce sport, qu’il avait pratiqué en amateur lorsqu’il était au séminaire ; mais que pour autant, et quelle que soit la passion universelle qu’il suscitait, il n’était pas possible de le confondre avec une religion. Une fête des corps et des muscles, certes, une religion, certainement pas. Le jeune président saisit la balle au bond :

-« Pardonnez-moi, cher Monsieur, mais vous faites erreur. Le football a bien un dieu, et c’est même là ce qui fait toute sa grandeur : car ce dieu, c’est l’homme. À travers ce sport, l’homme s’adore lui-même et célèbre sa propre divinité. En fait, le football est la religion d’après les religions, la foi d’après la mort de Dieu, ou plutôt, après l’extinction de ce dieu imaginaire, immatériel et irrationnel que nos aïeux avaient inventé pour se rassurer face à une nature effrayante et inconnue. Une fois passé du monde clos et opaque à un univers infini mais transparent, ce dieu-là était voué à disparaître, chassé à jamais par le progrès et par l’éducation. Et remplacé par l’homme lui-même, qui fait l’univers en l’expliquant, et qui, nous y voilà, célèbre sa puissance à travers le football, ce sport qui rassemble tous les hommes et toutes les femmes, de toutes les races et de toutes les nations, autour d’une sphère qu’il a lui-même créée. »

 Le souverain pontife avait l’air de bien s’amuser :

-« Une sphère qui n’est jamais,  Monsieur le président, qu’une petite balle de cuir bouilli qu’il s’agit de frapper avec les pieds pour la faire rentrer dans une cage en plastique… »

-« Excusez-moi, mais vous êtes complètement en dehors du coup, cher Monsieur. Et je comprends à vous entendre  pourquoi vos églises se vident de leurs derniers fidèles à mesure que les stades se remplissent. Vous êtes l’ancien monde, celui des fanatismes, des illusions et des mensonges, alors que nous sommes le nouveau, celui de l’épanouissement de chacun, du corps et de l’esprit. Et quoi que vous puissiez dire, vous avez perdu la par… »

-« Je ne crois pas, Monsieur le président »

-«  Comment ça, vous ne croyez pas ?  Bon Dieu ! N’est-ce pas l’homme, et le foot, qui ont gagné, contre vous, votre église et votre soi-disant… »

-« Non, et je vous le prouverai, si vous y tenez.

-« Et comment donc, cher Monsieur ?

-« C’est très simple : en remportant la prochaine coupe du monde de football. »

 

 Tandis que dans le studio d’enregistrement, journalistes et techniciens se figeaient en se demandant quelle mouche avait bien pu piquer ce pauvre pape, et s’il n’était pas devenu  complètement dingue, le président, après une seconde de stupeur, fut comme plié en deux par le fou rire, celui du boxeur qui a mis son adversaire K.O au premier uppercut.  Seul le vieil ecclésiastique demeurait parfaitement calme.

-« Puisqu’il n’y a pas d’autre moyen de vous montrer où est le Vrai, et que  Dieu, seigneur et créateur de l’univers,  est un peu au-dessus de votre  übermensch en short,  je vous répète que l’équipe du Vatican remportera la prochaine coupe du monde de football en Argentine. »

 

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Le président de l’Union européenne sortit du studio en hoquetant de rire. D’un pôle à l’autre, quelques centaines de millions de messages électroniques commentèrent sans  indulgence le pari fou du pape Benoît, qui ridiculiserait définitivement l’église catholique et entraînerait à coup sûr sa disparition immédiate. Dans les jours qui suivirent, une poignée de commentateurs sportifs plus méfiants que les autres évoquèrent la possibilité d’une embrouille –se demandant si Benoît XVIII n’avait pas prévu d’engager, pour le Vatican, de jeunes footballeurs africains ou sud-américains ordonnés à la va-vite et installés en coup de vent dans la cité des papes. Mais l’annonce officielle les détrompa rapidement, et fut accueillie par un ricanement unanime :  tous les membres de l’équipe pontificale étaient cardinaux, et deux seulement étaient âgés de moins de 60 ans. Le pape lui-même jouerait gardien de but.

Au départ, tout le monde avait cru à une blague lorsque, sur l’une des chaînes les plus regardées au monde, le pape Benoît XVIII avait été interpellé en direct par le président de l’Union européenne, qui lui avait expliqué avec un sourire glacé que le catholicisme ne représentait plus rien, et que pour l’immense majorité des terriens, c’est le foot qui était désormais la seule vraie religion

Et c’est alors que les choses prirent une tournure inattendue : lorsque cette bande de vieillards en maillot rouge, moyenne d’âge 68 ans et demi, se mit à battre sans coup férir les équipes de professionnels surentraînés, aux qualifications d’abord, puis lors des premières phases de la coupe du monde – et toujours par le même score de un à zéro. A chaque fois, les vrais joueurs se montraient d’une maladresse miraculeuse tandis que les cacochymes parvenaient, peu de temps avant le coup de sifflet final, à envoyer le ballon au fond des buts adverses d’un coup de guibole flageolante. Après le match, dans les vestiaires, les vieillards célébraient sur le pouce une messe d’action de grâces. Pendant ce temps, les demi-dieux vaincus, interrogés fébrilement par la presse sportive, expliquaient qu’ils n’avaient rien pu faire, que les dribbles les plus savants, les shoots les plus imparables, les percées vertigineuses étaient à chaque fois amortis, déviés, faussés sans qu’ils sachent comment, mais qu’ils essaieraient de faire mieux la prochaine fois. Ce en quoi ils se trompaient, puisque la fois suivante, ils s’avéraient tout aussi catastrophiques.

 

Et c’est ainsi qu’au bout du compte, après avoir éliminé l’Angleterre en quart de finale et l’empire de Chine en demi, l’équipe du Vatican se retrouva en finale face à celle de l’Union européenne –  chaudement encouragée par le président en personne, qui en cas de victoire avait promis à tous les joueurs des primes dont on ne parlait qu’à mots couverts, tant leur  énormité paraissait obscène. Dans le grand Stadium de Buenos Aires, devant la marée humaine qui occupait les gradins, les milliers de caméras du monde entier et les 7 milliards de téléspectateurs, l’équipe de l’Union européenne se raidit dans un garde-à-vous impeccable en écoutant l’« Hymne à la Joie », muscles bombés sous les maillots bleus et or. Les surhommes arboraient un sourire de vainqueurs, résolus à écraser sans pitié ceux qui prétendaient leur tenir tête, ces onze petits vieux qui, après eux, entonnèrent le Salve Regina en chevrotant. Avant le début de la partie, quatre d’entre eux allèrent déposer leurs béquilles au bord de la pelouse.

 

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Après 90 minutes de jeu et cinq minutes de prolongation, le score fut le même que d’habitude. Durant l’été, la FIFA, prenant acte du suicide de son équipe dirigeante, décida de s’auto dissoudre. Le président de l’Union européenne entra à la Trappe, et 6 milliards de personnes se firent baptiser–tandis que le Vatican refusa la somme de 850 millions d’euros que le Qatar lui avait proposée pour le transfert de cardinal Sanchez, 74 ans, l’auteur du but décisif.

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