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Le prix Goncourt réussit son envol

Il y avait deux nouveautés, cette année, au prix Goncourt. La première, c’est que la délibération et l’annonce du résultat ont eu lieu sur Zoom, pour cause de crise sanitaire. La deuxième, c’est que le prix couronne un excellent roman. Mais allez, soyons justes : la vérité, c’est que tous les lauréats des dernières années sont en fait respectables, qu’il s’agisse de Jean-Paul Dubois (2019), de Nicolas Mathieu (2018), d’Eric Vuillard (2017), de Pierre Lemaitre (2013) ou de Mathias Enard (2015). On pourra discuter sur le cas Leila Slimani (2016), ou sur tel et tel lauréats plus anciens ; reste que dans l’ensemble, la liste fait mentir la réputation de loupé systématique du prix, qui avait inspiré à Iegor Gran une satire, Le Truoc-Nog, voici vingt ans. Parmi les quatre finalistes du millésime 2020, Hervé Le Tellier était largement pressenti comme vainqueur.

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Olivier Rey : « C’est une rude entreprise, que de voir vraiment ce que l’on voit »

Un livre qui nous apprend qu’il ne suffit pas « d’avoir les yeux ouverts pour voir ».  Vous opposez l’icône à l’idole, la première étant vecteur de vérité, la seconde de mensonge. Pouvez-vous expliquer cette distinction ?

Les mots « idole » et « icône » viennent des mots eidolôn et eikôn qui, en grec ancien, signifiaient tous deux « image », avec cependant des connotations différentes. Le verbe eidô voulait dire « voir », mais pouvait aussi signifier « savoir » (comme, par exemple, on peut aussi bien dire d’un devin qu’il « voit » ou « sait » l’avenir). Le voir est ici un saisir. Le verbe eikô, quant à lui, voulait dire « être semblable à », « ressembler » – ce qui fait que dans l’eikon, il y a une différence, un décalage entre d’une part ce qui directement perçu par les yeux, d’autre part ce à quoi cette perception renvoie. Pour cette raison, le doublet eidôlon/eikôn, idole-icône, a servi à distinguer et à opposer deux types d’images : d’une part, une image qui ne laisserait rien à désirer dans ce qu’elle donne à voir (l’idole), d’autre part une image qui, par ce qu’elle montre, fait signe vers ce qu’elle ne montre pas (l’icône).

Quel usage la tradition chrétienne a-t-elle fait de cette distinction ?

La peinture chrétienne doit toujours avoir en elle quelque chose d’une affirmation, et quelque chose d’une négation. Affirmation, en ce qu’elle doit témoigner du fait que, en la personne du Christ, Dieu s’est véritablement fait homme. Négation, en ce qu’elle doit signifier le fait que si Dieu, en s’incarnant, s’est rendu visible, pour autant il ne cesse d’excéder, en tant que Dieu, tout ce que nous pouvons en saisir. Autrement dit, la peinture chrétienne doit être icône – au sens d’image qui, à travers ce qu’elle donne à voir, introduit à ce qui ne se voit pas. L’image qui sature le regard, l’image qui en met, au sens littéral de l’expression, « plein la vue », a toujours en elle quelque chose de mensonger, dans la mesure où elle prétend offrir pleine saisie de ce dont elle est l’image.

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Laisse béton

Anselm Jappe reprend le dossier par ce bout très concret (béton, en anglais, se dit concrete) et propose une histoire du béton armé, une analyse de sa place dans la modernité et une critique du modèle architectural qu’il aide à répandre, celui de la boîte à chaussures préfabriquée, grise, sinistre, monotone et fragile. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les édifices en béton armé, sujets à la corrosion des éléments d’acier, ont en effet une durée de vie assez faible, comme en témoigne l’écroulement du pont Morandi de Gênes au bout de cinquante ans.

À cela s’ajoute, dit Jappe, les effets délétères de la division des tâches entre concepteurs (l’architecte et l’ingénieur) et exécutants (l’ouvrier), qui aboutit à des résultats parfois moins solides que l’architecture traditionnelle basée sur le simple savoir-faire des artisans : « Est-il besoin de mentionner que les cathédrales médiévales ont besoin de relativement peu de maintenance depuis 700 ans – beaucoup moins que n’importe quel bâtiment de Le Corbusier, Jean Nouvel ou Frank Gehry ? » [...]

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Jean-Pierre Montal : Danse autour du feu

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au drame du 5-7 ?

Le point de départ, c’est la musique. Je me suis toujours intéressé au rock en France. C’est pourquoi j’ai fait démarrer le roman en 63, à la fête de la Nation, avec le concert de « Salut les copains ! ». Avec mon éditeur, Jean Le Gall, qui s’intéressait aussi beaucoup au 5-7, on a longtemps discuté pour savoir comment je devais aborder le sujet. Je voulais que ce soit un roman : le fait m’intéressait à condition d’en mesurer l’onde de choc, de saisir l’avant et l’après.

Vous avez essayé de rédiger une espèce d’histoire sous-jacente de la jeunesse de cette époque…

Effectivement, pour moi, il y a une contre-histoire, qui fait l’aspect romanesque de la chose. L’Histoire est quoi qu’il arrive tragique, notamment parce que les hommes sécrètent de l’Histoire comme on sécréterait une maladie. Sauf que la maladie préexiste à l’examen qui la révèle. On a pris en compte essentiellement mai 68 comme événement de la contre-culture de l’époque, mais c’est un aspect des choses assez urbain et parisien. Moi je m’intéressais aussi à la contre-culture provinciale : c’est plus concentré et c’est marqué par un élan de la jeunesse très clair. Pour moi, le concert de 63 marque le début d’un élan que le 5-7 vient achever, traçant une ligne droite avec 68 au milieu, qui évidemment, catalyse les choses. Cependant, le 5-7 révèle quelque chose de plus profond. C’est un enthousiasme dépolitisé qui porte vraiment la vie des gens de l’époque.

Pour moi, le concert de 63 marque le début d’un élan que le 5-7 vient achever, traçant une ligne droite avec 68 au milieu, qui évidemment, catalyse les choses

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Bijoux tranchants

Nous sommes en 2005. Pour embellir les couverts de son restaurant, le chef étoilé Yves Charles a une idée : créer un couteau de table haut de gamme. Un objet tranchant qui posséderait les qualités des fameux couteaux « fermants » de type Laguiole. Car chez les fabricants, le couteau de table est souvent le parent pauvre des couverts. Il est impersonnel et son acier médiocre.

Yves Charles se précipite donc chez Perceval à Tiers. C’est la douche froide : Perceval survit avec un salarié, ses dirigeants ont l’intention de fermer dans les six mois et excluent tout investissement. Mais Yves Charles s’obstine et décide de racheter l’entreprise. Il produit 3 000 couteaux et fait le tour de ses amis restaurateurs. Le succès est fulgurant, tout le monde en veut. En 2008, la croissance est si importante que le chef étoilé doit vendre son restaurant pour se consacrer exclusivement à sa nouvelle activité. « Alors que l’atelier Perceval faisait autrefois 70 000 euros de chiffre d’affaires par an », explique Yves Charles, « nous sommes rapidement passés à 700 000 euros et nous comptons une dizaine de salariés ». Les couteaux coûtent 43 euros l’unité, soit deux fois le prix moyen d’un couteau de table. Loin d’être un handicap, le positionnement haut de gamme sauve l’entreprise. [...]

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Sélectron : 10 œuvres pour découvrir le monument Mishima

La Confession d’un Masque 

Difficile de passer à côté de ce livre autobiographique écrit en 1949, alors que Mishima n’a que 24 ans. C’est seulement son deuxième roman mais déjà il le conduit à la postérité : dans un style flamboyant bien éloigné de l’épure des grands romanciers japonais qui sont alors à la mode (Kawabata, ?e), Mishima dresse une sorte d’autoportrait romanesque à la fois viscéral et profondément sophistiqué. Grand admirateur du Goethe des Affinités Electives, Mishima y montre déjà une incroyable précision dans la description des tourments du cœur et de la passion adolescente. Parmi les scènes culte, notons la découverte de son homosexualité, lorsqu’encore enfant, marchant dans une rue écrasée de soleil avec sa grand-mère, il croise la route d’un jeune vidangeur de fosse septique. L’image matricielle de cet éphèbe cuivré transportant dans son dos une pleine barrique d’excréments, dégageant autour de lui une insoutenable odeur, fondera ce que Mishima nommera plus tard un désir de mort, une vision détournée de la sexualité qui passera par un virilisme outrancier et une exaltation de la charogne.…

La Flamme : notre critique

Que voilà une excellente comédie française ! On se marre franchement avec cette galerie de personnages tous plus caricaturaux et débiles les uns que les autres. Jonathan Cohen excelle, aussi insupportable en Bachelor psychopathe qu’en homme parfait dans Papa, Maman Mode d’Emploi 2. Leïla Bekhti est géniale dans son rôle d’hystérique dangereuse et même Adèle Exarchopoulos se révèle fantastique avec son « cœur de singe » (on vous laisse découvrir).

Lire aussi : Liberté, égalité, médiocrité : notre critique [...]

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Rue des Beaux-Arts : Duel avec la matière

« J’appartiens à une famille que je me suis choisie et avec laquelle je dialogue. » Ses tableaux apparaissent ainsi comme une quête de synthèse. La peinture figurative de Bitman échappe au temps, à l’écume de l’actualité. Certaines de ses toiles nous font penser à des fresques de la Renaissance qui auraient traversé le temps pour nous rejoindre, non restaurées, abîmées, partiellement effacées. L’action du temps a été anticipée pour mieux révéler l’œuvre dès maintenant dans sa part d’immuable. C’est que tout le génie d’Igor Bitman réside dans sa matière.

Lire aussi : Place de la comédie : Une Jeanne en pur et pompier à la fois

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